Lettre à Madame Buzyn
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Lettre à Madame Buzyn
Madame la Ministre,
Je suis infirmière depuis un an et demi. Je travaille depuis trois mois au Centre Hospitalier du Cheylard en Ardèche. Enfin, je travaillais, car mon dernier contrat de 3 semaines se termine le 4 Janvier prochain et c'est avec dégout et la boule au ventre que je quitte ce radeau de la méduse. J'y ai travaillé 2 mois en médecine / SSR / Urgences. Dans ce service, une infirmière peut se retrouver à gérer seule 35 patients relevant d'une surveillance clinique accrue, accueillir un ou plusieurs usager(s) qui entre de manière "programmée" et prendre en charge une ou deux urgence(s) vitale(s), le tout simultanément. C'est ce qui m'est arrivé. Pour m'aider ? la bienveillance d'une infirmière coordinatrice du service qui devait étre partie depuis plus de deux heures, des aide-soignantes à raison de une pour un couloir de 15 à 20 patients. J'ai tenu deux mois - octobre et novembre - puis j'ai arrété. On continue ?
En Décembre, je suis descendue d'un étage direction l'EHPAD de l'Hopital. ( des couloirs hospitaliers, des chambres doubles sans vide ni oxygène mural, des chariots lourds, seulement 2 ascenseurs pour les visites et les soins). Ce que j'ai omis de vous dire, c'est que l'EHPAD comprend 99 résidents sur trois niveaux. Nous tournons à 3 infirmières ( matin, journée et soir), à deux (matin, soir) les week ends, les fériés, les vacances et en cas d'arrêt. Bien que situé dans un hôpital, l'EHPAD n'embauche pas d'infirmière de nuit faute de budget pathos. Et on continue à faire croire au usagers et à leur famille qu'ils seront soignés quoi qu'il arrive. Ce matin, j'étais donc seule pour 99 résidents, 30 pansements, un oedeme aigü du poumon, plusieurs surveillances de chutes récentes et j'en passe. Mes collègues aide-soignants étaient eux aussi en effectif réduit ce qui ne leur permettaient pas de distribuer les médicaments comme généralement pratiqué après vérification des 99 piluliers complétés par la pharmacie interne. (Et ce, dans le cas où il s'agit bien d'aide-soignants et non d'agents de service hospitaliers faisant fonction d'AS, pas formés ou formés sur le tas avec toutes les lacunes que cela engendre)
Ce matin, j'ai craqué. Comme les 20 jours précédents. Je m'arrache les cheveux, au propre comme au figuré. Je presse les résidents pour finir péniblement ma distribution de médicaments à 10h15 ( débutée à 7h15), je suis stressée donc stressante et à mon sens, maltraitante. Je ne souhaite à personne d'étre brusqué comme on brusque les résidents. Disponible pour personne, dans l'incapacité de créer le moindre relationnel avec les familles et les usagers, ce qui, vous en conviendrez, est assez paradoxal pour un soi-disant lieu de vie.
Je bacle. Je bacle et agis comme un robot en omettant volontairement les transmissions de mes collégues que je considère comme les moins prioritaires pour aller à l'essentiel auprès des 99 vies dont j'ai la responsabilité.
J'adore le soin, le care, la relation de confiance avec mes patients, mais je ne travaille pas dans un lieu de vie médicalisé. Je suis dans une usine d'abattage qui broie l'humanité des vies qu'elle abrite, en pyjama ou en blouse blanche.
Arrivez-vous à dormir ? Moi non. Et si c'était vous? Vos parents? Vos proches ? Que voulons-nous faire pour nos personnes agées ? Pour les suivants ?
J'ai peur Mme la Ministre. Votre politique gestionnaire ne convient pas à la logique soignante. Ce fossé que vous avez créé, que vous continuez de creuser promet des heures bien sombres au "système de Santé". Venez voir, rien qu'une fois. Moi je rends mon uniforme, dégoutée, attristée.
Je suis infirmière depuis un an et demi. Je travaille depuis trois mois au Centre Hospitalier du Cheylard en Ardèche. Enfin, je travaillais, car mon dernier contrat de 3 semaines se termine le 4 Janvier prochain et c'est avec dégout et la boule au ventre que je quitte ce radeau de la méduse. J'y ai travaillé 2 mois en médecine / SSR / Urgences. Dans ce service, une infirmière peut se retrouver à gérer seule 35 patients relevant d'une surveillance clinique accrue, accueillir un ou plusieurs usager(s) qui entre de manière "programmée" et prendre en charge une ou deux urgence(s) vitale(s), le tout simultanément. C'est ce qui m'est arrivé. Pour m'aider ? la bienveillance d'une infirmière coordinatrice du service qui devait étre partie depuis plus de deux heures, des aide-soignantes à raison de une pour un couloir de 15 à 20 patients. J'ai tenu deux mois - octobre et novembre - puis j'ai arrété. On continue ?
En Décembre, je suis descendue d'un étage direction l'EHPAD de l'Hopital. ( des couloirs hospitaliers, des chambres doubles sans vide ni oxygène mural, des chariots lourds, seulement 2 ascenseurs pour les visites et les soins). Ce que j'ai omis de vous dire, c'est que l'EHPAD comprend 99 résidents sur trois niveaux. Nous tournons à 3 infirmières ( matin, journée et soir), à deux (matin, soir) les week ends, les fériés, les vacances et en cas d'arrêt. Bien que situé dans un hôpital, l'EHPAD n'embauche pas d'infirmière de nuit faute de budget pathos. Et on continue à faire croire au usagers et à leur famille qu'ils seront soignés quoi qu'il arrive. Ce matin, j'étais donc seule pour 99 résidents, 30 pansements, un oedeme aigü du poumon, plusieurs surveillances de chutes récentes et j'en passe. Mes collègues aide-soignants étaient eux aussi en effectif réduit ce qui ne leur permettaient pas de distribuer les médicaments comme généralement pratiqué après vérification des 99 piluliers complétés par la pharmacie interne. (Et ce, dans le cas où il s'agit bien d'aide-soignants et non d'agents de service hospitaliers faisant fonction d'AS, pas formés ou formés sur le tas avec toutes les lacunes que cela engendre)
Ce matin, j'ai craqué. Comme les 20 jours précédents. Je m'arrache les cheveux, au propre comme au figuré. Je presse les résidents pour finir péniblement ma distribution de médicaments à 10h15 ( débutée à 7h15), je suis stressée donc stressante et à mon sens, maltraitante. Je ne souhaite à personne d'étre brusqué comme on brusque les résidents. Disponible pour personne, dans l'incapacité de créer le moindre relationnel avec les familles et les usagers, ce qui, vous en conviendrez, est assez paradoxal pour un soi-disant lieu de vie.
Je bacle. Je bacle et agis comme un robot en omettant volontairement les transmissions de mes collégues que je considère comme les moins prioritaires pour aller à l'essentiel auprès des 99 vies dont j'ai la responsabilité.
J'adore le soin, le care, la relation de confiance avec mes patients, mais je ne travaille pas dans un lieu de vie médicalisé. Je suis dans une usine d'abattage qui broie l'humanité des vies qu'elle abrite, en pyjama ou en blouse blanche.
Arrivez-vous à dormir ? Moi non. Et si c'était vous? Vos parents? Vos proches ? Que voulons-nous faire pour nos personnes agées ? Pour les suivants ?
J'ai peur Mme la Ministre. Votre politique gestionnaire ne convient pas à la logique soignante. Ce fossé que vous avez créé, que vous continuez de creuser promet des heures bien sombres au "système de Santé". Venez voir, rien qu'une fois. Moi je rends mon uniforme, dégoutée, attristée.
Esi 2013/2016 IFSI de VANNES !!!
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Re: Lettre à Madame Buzyn
Votre lettre diffusée sur un autre site IDE a eu un succès inespéré !
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Re: Lettre à Madame Buzyn
,Ah oui ? Avez un lien vers ce site s'il vous plait ?
Esi 2013/2016 IFSI de VANNES !!!
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Re: Lettre à Madame Buzyn
https://www.facebook.com/InfirmiereCole ... 9582153750Mathildebas29 a écrit :,Ah oui ? Avez un lien vers ce site s'il vous plait ?
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bravo

Re: Lettre à Madame Buzyn
En même temps sur Face de Bouc, n'importe quel crétin qui clique par hasard est compté comme une "vue".Marie Charlotte IDE a écrit :https://www.facebook.com/InfirmiereCole ... 9582153750Mathildebas29 a écrit :,Ah oui ? Avez un lien vers ce site s'il vous plait ?
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bravo
Ce n'est pas une référence, loin de là.
Sur Infirmiers.com, les 126 vues sont des vraies vues.
"Il suffit de nous regarder pour voir comment une forme de vie intelligente peut se développer d'une manière que nous n'aimerions pas rencontrer."
Stephen HAWKING
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Re: Lettre à Madame Buzyn
Des fois j'ai l'impression que même si toutes les infirmières de France démissionnaient en bloc que personne ne bougeraient un sourcil.Mathildebas29 a écrit :Madame la Ministre,
...... Moi je rends mon uniforme, dégoutée, attristée.
Bon d'un autre côté le jour où les infirmières se bougeront ..... On aura déjà colonisé Mars.
infirmier dans une vie antérieure.
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Re: Lettre à Madame Buzyn
Jo_bis a écrit :Marie Charlotte IDE a écrit :Ce n'est pas une référence, loin de là.Mathildebas29 a écrit :,Ah oui ? Avez un lien vers ce site s'il vous plait ?
Sur Infirmiers.com, les 126 vues sont des vraies vues.
http://www.ledauphine.com/ardeche/2018/ ... se-blanche
Le 27 décembre, Mathilde Basset, infirmière à l’Ehpad de l’hôpital du Cheylard, rentre épuisée du travail. Elle décide d’interpeller la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Dans un message posté sur Facebook, la jeune femme de 24 ans raconte son quotidien, ses difficultés, et ses craintes aussi. Depuis, le message a été partagé plus de 5 500 fois. Mathilde Basset, qui a depuis rendu son uniforme, espère que cela fera bouger les choses.
Re: Lettre à Madame Buzyn
Je suis peut-être pessimiste mais je ne crois pas.Marie Charlotte IDE a écrit : Mathilde Basset, qui a depuis rendu son uniforme, espère que cela fera bouger les choses.
La solution passe par l'union (qui fait la force...dit-on

50 000 démissions individuelles n'ont pas la même valeur qu'une union de 50 000 professionnels.
"Partager" un message, ça ne mange pas de pain, et ça permet de se mettre en accord avec sa petite conscience sans avoir à se lever de son fauteuil.Marie Charlotte IDE a écrit :le message a été partagé plus de 5 500 fois
Je n'y crois pas une seconde.
Je suis qqn de pragmatique, vous l'aurez compris.

"Il suffit de nous regarder pour voir comment une forme de vie intelligente peut se développer d'une manière que nous n'aimerions pas rencontrer."
Stephen HAWKING
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Re: Lettre à Madame Buzyn
je suis tout à fait d'accord, mais la faute à qui?Creol a écrit :Des fois j'ai l'impression que même si toutes les infirmières de France démissionnaient en bloc que personne ne bougeraient un sourcil.Mathildebas29 a écrit :Madame la Ministre,
...... Moi je rends mon uniforme, dégoutée, attristée.
Bon d'un autre côté le jour où les infirmières se bougeront ..... On aura déjà colonisé Mars.