Le collectif soignant face à l'enfermement psychiatrique

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Pensez-vous que la question de l'enfermement soit un problème d'actualité en psychiatrie ?

Le sondage est terminé depuis le 22 juin 2008 07:09

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Shinjo Def
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Le collectif soignant face à l'enfermement psychiatrique

Message par Shinjo Def »

Bonjour.
J'arrive au terme de ma formation cadre de santé, et, ayant travaillé mon mémoire par la méthode de la recherche-action, je souhaite le faire connaitre et débattre des réactions qu'il suscite.
Le titre de ce travail est :
Le collectif soignant face à l'enfermement psychiatrique

Il peut être téléchargé à ce lien :
http://rapidshare.com/files/122084515/m ... 7-08_w.pdf

Je tente de répondre à la question de comment les professionnels peuvent conjuguer leur rôle de soignant dans le cadre de l'enfermement. Voici la conclusion de mon travail qui résume les pistes d'action dégagées :

CONCLUSION

Pratiquer l’ouverture en psychiatrie n’est donc pas quelque chose
d’aisé. Si le fait d’ouvrir les portes pour les patients en hospitalisation
libre constitue clairement une nécessité d’actualité, aller au bout de la
démarche aboutissant à l’ouverture véritable du contexte de soin est plus
compliqué.

Du discours des soignants, je conclus que l’hypothèse de ce travail
était fondée, à savoir qu’il est bien possible de tenir, ou de contenir
quelqu’un pour « enfermer » dans une structure ouverte, et que l’on
peut afficher des attitudes d’ouverture en structure fermée.
Pour veiller à la qualité et à la sécurité des soins, il importe que le cadre
de santé en psychiatrie, et plus particulièrement en unité d’hospitalisation,
concentre son attention et consacre son énergie à la problématique de
l’enfermement.

Les différents points retenus comme critère d’analyse des entretiens
me semblent appropriés pour constituer une grille de vigilance et d’axes
d’action pour le cadre d’unité de soin.

TENIR COMPTE DU RÉGIME D’HOSPITALISATION

En premier lieu, le régime d’hospitalisation de la personne doit être
considéré avec le plus grand sérieux. Il me semble incongru de continuer
à tolérer que des personnes en hospitalisation libre doivent attendre le bon
vouloir des soignants pour sortir ou faire quoiqu’ils aient envie. Le cadre
de santé veillera donc au respect des droits fondamentaux de la personne
que la pratique nous pousse parfois à négliger. Quel est le sens d’une
hospitalisation libre lorsqu’on oppose des interdits non préalablement
consentis, et que l’on s’autorise à enfermer la personne en chambre
d’isolement ?

LIMITER « L’ENFERMEMENT DANS L’ENFERMEMENT »

L’enfermement recouvre également bien des dimensions, et le rôle du
cadre de santé est alors d’exercer sa fonction de contrôle bienveillant afi n
de s’assurer qu’un patient ne paie pas le prix d’un manque de disponibilité

ou d’envie des soignants. Il existe bien des dimensions de l’enfermement.
Être enfermé dans l’enfermement est en soi bien pire que d’être enfermé.
Le cadre de santé portera donc son attention sur les dimensions superfl ues de l’enfermement et veillera à ce que ne soient maintenues que celles qui s’avèrent nécessaires à la qualité de la contenance de l’équipe.

ACCOMPAGNER LE STRESS DES SOIGNANTS

Pour être effi cace, le cadre de santé ne jouera pas ce rôle de manière
totalitaire et narcissique. L’ouverture génère du stress pour les soignants.
Il s’agit donc de contrôler, mais aussi d’accompagner. C’est pourquoi il
importe que le cadre soit en mesure de garder ce lien de confi ance entre
son équipe et lui pour favoriser les échanges et être en capacité de rassurer lorsque cela s’avère nécessaire. Il lui faut aussi être en mesure de parcourir avec son équipe ce fameux « chemin de l’angoisse », car en tant que responsable, il n’est bien sûr pas exempt de tout stress.

PRENDRE DES RISQUES

Pourtant, les entretiens nous apprennent que ce stress doit être dépassé,
ou du moins que les soignants ont à minima à « faire avec ». Ainsi la prise
de risque est une notion importante à considérer dans la réfl exion autour
des prises en charge proposées, à la fois pour le patient, pour l’équipe,
pour le cadre, mais aussi pour l’institution. Puisque les spécialistes de la
gestion des risques nous disent bien que l’on ne peut pas ne pas en prendre, il s’agit donc de stimuler la réfl exion interdisciplinaire et de développer ses capacités d’écoute, afi n d’être en mesure de prendre les bons au bon moment.

VEILLER À LA CONTENANCE DU CADRE THÉRAPEUTIQUE

Pour ce qui est de l’aspect thérapeutique de l’enfermement, je conclus
qu’il n’existe pas, mais que ce sont les limites qui peuvent l’être. Il faut
donc chercher à connaître au mieux chaque patient afi n de savoir quelle
limite est la mieux appropriée pour lui. Il relève de la mission du cadre
de santé de veiller à ce que les réponses ne soient jamais stéréotypées,
mais toujours adaptées au cas de la personne. Il pourra ainsi s’agir d’une
porte fermée, ou au contraire du rappel régulier d’un règlement et des
engagements qui ont été pris pour le respecter.

RENONCER AU POUVOIR DU SOIGNANT SUR LE SOIGNÉ

Je parlais tout à l’heure d’accompagner l’équipe sur le chemin de
l’angoisse, je crois qu’il faut aussi l’accompagner sur celui du renoncement
au pouvoir du soignant sur le patient. De ce point de vue, la réfl exion qui
me vient, est que cet accompagnement doit être bien compliqué si le cadre de santé agit au quotidien en despote attaché au pouvoir conféré par sa fonction. Ce travail de renoncement au pouvoir par l’équipe est une clef pour ne pas sombrer dans le rapport de force qui est tellement nuisible à la qualité des soins.

METTRE EN EXERGUE LES VALEURS SOIGNANTES

La notion de contenance des équipes soignantes transparaît au travers des
valeurs affi chées par les professionnels, tels que la transparence, l’équité,
le principe de confi ance, ou encore le respect de l’autonomie de l’autre.
Rendre l’enfermement comme l’ouverture, contenants et thérapeutiques
est un travail et une préoccupation de tous les jours, et avoir des valeurs
permet de s’assurer contre de possibles baisses de vigilance. Une fois de
plus, le cadre de santé ne peut pas être extérieur à ce travail, il lui incombe également d’avoir et d’incarner ces mêmes valeurs afi n d’être cohérent.

DYNAMISER LA TRANSMISSION INTERGÉNÉRATIONNELLE DES SAVOIRS

Le problème de la formation initiale des infi rmiers qui m’interrogeait
au départ n’en est pas vraiment un. En revanche, la dynamisation de la
transmission intergénérationnelle des savoirs est un vrai problème pour le
cadre de santé. Traiter cette diffi culté au quotidien, ne pas la considérer
comme secondaire, c’est peut-être permettre aux équipes de rester dans
des fonctionnement effi caces, et donc non enfermants. De plus en ayant un rapport stratégique à la formation continue, il pourra favoriser l’émergence de l’excellence. En résumé, le cadre de santé favorise la naissance ou le maintien de la capacité de l’équipe à percevoir ces « presque rien » et ces « je ne sais quoi » dont l’importance à été soulignée par les professionnels.

FAVORISER L’ÉVOLUTION DES PRATIQUES

Il est important que le cadre de santé soit aussi ouvert sur l’extérieur,
et qu’il s’intéresse à l’évolution des connaissances et notamment aux
recherches dans le domaine des soins infi rmiers en psychiatrie. En prenant connaissance de ce qui se fait ailleurs et des évolutions actuelles, son équipe pourra mieux opérer l’évolution constante et le travail d’adaptation qui sont nécessaires en psychiatrie ; ce que je recommande ici est un peu une forme de « benchmarking » du quotidien.

FAVORISER ET VEILLER AU RESPECT DE L’INTIMITÉ DES USAGERS

Le respect de l’intimité des patients a été décrit comme un facteur majeur
d’infl uence sur les actes violents, et donc sur les réponses enfermantes
à ces actes. L’optimisation de l’humanisation des locaux est donc très
importante. Bien sûr, la manière dont l’équipe respecte l’autonomie et
l’intimité des personnes est elle aussi cruciale.

STIMULER LES ÉCHANGES ENTRE LES STRUCTURES IMPLIQUÉES SUR LA TRAJECTOIRE DE SOIN DU PATIENT

Enfin, le patient n’existe pas que durant, et au sein de l’hospitalisation.
Bien souvent il est pris en charge dans d’autres structures. Afi n que
le système réponde aux besoins de la personne, il faut bien sûr que la
communication et la cohérence habitent les différentes structures
rencontrées sur son parcours de soin. C’est probablement le cadre de santé qui est le mieux placé pour initier et stimuler les échanges nécessaires, et favoriser la collaboration entre les professionnels des différents services.

En conclusion, il est possible de pratiquer l’ouverture au coeur même
de l’enfermement, et de rendre l’ouverture contenante. Pour y parvenir, la
responsabilité et l’implication de chaque professionnel sont engagées. A son échelle, nous l’avons vu, le cadre peut être attentif à de nombreux points qui favorisent l’émergence des meilleures pratiques. Pour être crédible toutefois, il se gardera, à travers sa fonction, d’enfermer son équipe. De plus, il se préoccupera lui-même du point auquel il est contenant pour son équipe, et ceci bien sûr en collaboration avec le médecin du service.



Voilà !
Merci d'avance à tous ceux qui me liront et réagiront peut-être à ce travail, toutes vos remarques m'aideront dans le cadre de ma soutenance.
N'hésitez donc pas à réagir à ce sujet ou à me contacter par message privé.
Cordialement.
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Shinjo Def
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Message par Shinjo Def »

Up !

PS: Ma soutenance à lieu mardi 24 juin, un ou deux commentaires SVP. :D
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dedid
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Message par dedid »

Moi, çà me plait.

J'aime bien ta façon d'aborder le problème de l'enferment et de montrer ses différentes facettes et retentissements sur le travail des soignants.

Je ne sais pas si cela plaira à un jury "technocrate", mais çà devrait le faire avec un jury de "bon sens" :clin:

Mais je dis çà, j'y connais rien vu que j'ai raté trois l'oral au concours d'entrée en IFCS :oops:

Tiens nous au courant
Mais pourquoi Coluche est mort???
alise
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Message par alise »

Moi aussi ça me convient globalement, tu te poses plein de très bonnes questions et tu y réponds de manière intéressante et très humaine.
J'apprécie particulièrement cette réflexion :
Je parlais tout à l’heure d’accompagner l’équipe sur le chemin de
l’angoisse, je crois qu’il faut aussi l’accompagner sur celui du renoncement au pouvoir du soignant sur le patient. De ce point de vue, la réfl exion qui me vient, est que cet accompagnement doit être bien compliqué si le cadre de santé agit au quotidien en despote attaché au pouvoir conféré par sa fonction. Ce travail de renoncement au pouvoir par l’équipe est une clef pour ne pas sombrer dans le rapport de force qui est tellement nuisible à la qualité des soins.
Désolée de ne pas t'avoir répondu plus tôt.
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Shinjo Def
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Message par Shinjo Def »

Merci ! :D
Soutenance aujourd'hui à 13h30... :pleure:
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Ginkgo
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Message par Ginkgo »

Alors cette soutenance ?
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Shinjo Def
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Message par Shinjo Def »

Je n'étais pas passé depuis un moment.
La soutenance s'e'st très bien passée, j'ai un beau diplôme de cadre au dessus de ma cheminée maintenant !
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