décés: votre avis
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décés: votre avis
bonjours à tous,
j'ai besoin de votre avis sur un point car dans mon service ils different.
Vous constatez que le patient semble décéder cliniquement.
A quel moment vous déséquipez un patient ?
Est ce que vous attendez que le médecin constate le décés pour pouvoir arreter tout thérapeutique( perfusion, 02; PSE??)?
Ou vous déséquipez le patient avant ?
Une situation que j'ai rencontré la nuit à 6h30.J'ai effectué la toilette mortuaire pour avancer l'équipe du matin mais je ne l'ai pas déséquipé car pour moi j'attendais la validation du médecin.
cela m'a été reproché comme une faute professionel !
A débattre...
j'ai besoin de votre avis sur un point car dans mon service ils different.
Vous constatez que le patient semble décéder cliniquement.
A quel moment vous déséquipez un patient ?
Est ce que vous attendez que le médecin constate le décés pour pouvoir arreter tout thérapeutique( perfusion, 02; PSE??)?
Ou vous déséquipez le patient avant ?
Une situation que j'ai rencontré la nuit à 6h30.J'ai effectué la toilette mortuaire pour avancer l'équipe du matin mais je ne l'ai pas déséquipé car pour moi j'attendais la validation du médecin.
cela m'a été reproché comme une faute professionel !
A débattre...
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Ce genre de merdier (il n'y a pas d'autre nom...) survient quand tout le monde veut arranger tout le monde.
Premier écueil, un décès doit être constaté sans délai par le médecin. Dans votre cas, je vous parie qu'on n'appelle pas le médecin pour constater un décès attendu la nuit.
Deuxième écueil, pour l'infirmière, un patient est mort quand le médecin l'a dit (et même, on va demander au médecin de l'écrire). Donc tant qu'il n'est pas mort, il n'y a pas de raison de virer les tuyaux (eau et gaz), et encore moins de raison de lui faire une toilette mortuaire.
Quant à faire une toilette mortuaire "pour avancer les collègues" en laissant les tuyaux "parce que le médecin n'a pas signé", n'y voyez-vous pas là une légère incohérence ?
Premier écueil, un décès doit être constaté sans délai par le médecin. Dans votre cas, je vous parie qu'on n'appelle pas le médecin pour constater un décès attendu la nuit.
Deuxième écueil, pour l'infirmière, un patient est mort quand le médecin l'a dit (et même, on va demander au médecin de l'écrire). Donc tant qu'il n'est pas mort, il n'y a pas de raison de virer les tuyaux (eau et gaz), et encore moins de raison de lui faire une toilette mortuaire.
Quant à faire une toilette mortuaire "pour avancer les collègues" en laissant les tuyaux "parce que le médecin n'a pas signé", n'y voyez-vous pas là une légère incohérence ?
et si c'est justement là dessus que ma surveillante s'appuie.
Si j'ai effectué la toilette mortuaire c'est que pour moi le patient est mort.
Son raisonnement tient la route
Oui mais POUR moi légalement il ne l'est pas.tant que personne n'a prononcé le décés je n'enleve rien.
Qu'est ce que j'aurai du faire? laisser le cadeau au collegue??
J'ai juste fait du nursing, le plus long et débarrasser la chambre au maximum.
Je regrette, même avec ces arguments je reste sur mes positions
Si j'ai effectué la toilette mortuaire c'est que pour moi le patient est mort.
Son raisonnement tient la route
Oui mais POUR moi légalement il ne l'est pas.tant que personne n'a prononcé le décés je n'enleve rien.
Qu'est ce que j'aurai du faire? laisser le cadeau au collegue??
J'ai juste fait du nursing, le plus long et débarrasser la chambre au maximum.
Je regrette, même avec ces arguments je reste sur mes positions
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- Forcené
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cela m'a été reproché comme une faute professionel !
A débattre...
C'est à dire que tu seras sanctionner ou quoi? Explique nous ce que ton service entend par faute professionnelle.
car dans ton geste je ne vois rien d'irréprochable, auquel on emploie faute professionnelle.
Juste peut-être dire que tu n'as pas été au bout de ton geste.
Si ce que tu as à dire ne vaut pas mieux que le silence, tais toi.
Re: décés: votre avis
Bonjour
je "déséquipe" le patient comme tu dis, quand je fais la toilette mortuaire
et je ne fais la toilette mortuaire qu'une fois avoir eu le médecin qui a prononcé le décès
simplement leur dire que le patient est décédé, mais que tu n'as pas pu avoir un médecin pour constater le décès, et donc que tu n'as pas commencé la toilette mortuaire. Ensuite, selon l'heure à laquelle le décès est survenu, appeller l'administrateur de garde si aucun médecin n'est joignable.
Pour moi, idem que Leopold Anasthase, j'y vois une certaine incohérence dans le fait de faire une toilette mortuaire sans déséquiper le patient
Selon moi, ça va ensemble
le déséquipement du patient fait, il me semble, partie de la toilette mortuaire.
Par exemple : http://www.prescrire.org/aLaUne/dossierToiletteMort.php
La toilette mortuaire est un soin qui répond à la fois aux exigences de l'hygiène et au respect du corps de la personne décédée. La toilette mortuaire peut comprendre des modalités particulières selon la religion du défunt.
Lorsque les circonstances le permettent, la toilette mortuaire a lieu le plus tôt possible avant les transformations que provoque la mort.
Le corps reste chaud, souple, sans lividités lorsque la mort remonte à moins de six heures.
C'est dans ce laps de temps, et habituellement dans les 2 heures, que les soins d'hygiène, de manipulation, d'habillage et de présentation du corps doivent être effectués.
Des soins d'hygiène
Suivre un protocole précis permet de ne pas oublier des gestes importants :
* fermer les yeux en abaissant les paupières et si besoin en les maintenant temporairement (jusqu'à l'installation de la raideur cadavérique) par un adhésif adéquat. C'est le premier geste à faire. Ayant une connotation symbolique, il est parfois réalisé par un membre de la famille présent aux derniers instants ;
* retirer le matériel de soin éventuellement en place : sondes, drains, lames, cathéter, canule de trachéotomie, etc. ; et obturer les orifices correspondants par des pansements pour pallier les écoulements possibles ;
* aspirer, au besoin, les sécrétions bronchiques, gastriques, vider le globe vésical (les sphincters se relâchent dans les 6 heures qui suivent le décès) ;
* nettoyer in situ et remettre une poche propre s'il y a présence d'une stomie (technique la plus adaptée et efficace contre fuites et odeurs) ;
* obturer avec du coton cardé les orifices naturels (anus, vagin) en prévention du relâchement des sphincters. Parfois il est nécessaire d'avoir recours à des protections ;
* renouveler les pansements (plaies, escarres, etc.) ;
* effectuer une toilette complète du corps à l'eau tiède et savonneuse, sans oublier le soin des mains (ongles propres et coupés), des cheveux, la remise en place des prothèses dentaires (éventuellement), le rasage (éventuellement), avec le souci de la netteté et du respect de l'apparence habituelle de la personne ;
* maintenir la bouche en position fermée à l'aide d'un linge roulé mis sous le menton suffisamment longtemps pour que la rigidité puisse s'installer.
Ces soins d'hygiène nécessitent la présence de deux personnes. Une fois les soins terminés, le corps doit reposer sur une literie propre, et tout le matériel de soin doit être emporté. Les rites spécifiques à certaines croyances, qui complètent cette toilette standard par des ablutions supplémentaires, parfumées et purificatrices, relèvent des familles ou des autorités religieuses.
J'avoue que ça me ferait bizarre personnellement de prendre mon service et de découvrir le patient décédé, sur le lit, tout propre dans son drap blanc mais encore équipé de sa perf
et puis je sais pas, tu dis
donc il n'est pas mort pour toi légalement, mais tu lui fais quand même une toilette mortuaire ?
Maintenant, bon, de là à te sanctionner, je ne vois pas bien en quoi ?
Bonne journée
Rachel
lysanee a écrit :Vous constatez que le patient semble décéder cliniquement.
A quel moment vous déséquipez un patient ?
je "déséquipe" le patient comme tu dis, quand je fais la toilette mortuaire

lysanee a écrit :Qu'est ce que j'aurai du faire? laisser le cadeau au collegue??
simplement leur dire que le patient est décédé, mais que tu n'as pas pu avoir un médecin pour constater le décès, et donc que tu n'as pas commencé la toilette mortuaire. Ensuite, selon l'heure à laquelle le décès est survenu, appeller l'administrateur de garde si aucun médecin n'est joignable.
Pour moi, idem que Leopold Anasthase, j'y vois une certaine incohérence dans le fait de faire une toilette mortuaire sans déséquiper le patient


Par exemple : http://www.prescrire.org/aLaUne/dossierToiletteMort.php
La toilette mortuaire est un soin qui répond à la fois aux exigences de l'hygiène et au respect du corps de la personne décédée. La toilette mortuaire peut comprendre des modalités particulières selon la religion du défunt.
Lorsque les circonstances le permettent, la toilette mortuaire a lieu le plus tôt possible avant les transformations que provoque la mort.
Le corps reste chaud, souple, sans lividités lorsque la mort remonte à moins de six heures.
C'est dans ce laps de temps, et habituellement dans les 2 heures, que les soins d'hygiène, de manipulation, d'habillage et de présentation du corps doivent être effectués.
Des soins d'hygiène
Suivre un protocole précis permet de ne pas oublier des gestes importants :
* fermer les yeux en abaissant les paupières et si besoin en les maintenant temporairement (jusqu'à l'installation de la raideur cadavérique) par un adhésif adéquat. C'est le premier geste à faire. Ayant une connotation symbolique, il est parfois réalisé par un membre de la famille présent aux derniers instants ;
* retirer le matériel de soin éventuellement en place : sondes, drains, lames, cathéter, canule de trachéotomie, etc. ; et obturer les orifices correspondants par des pansements pour pallier les écoulements possibles ;
* aspirer, au besoin, les sécrétions bronchiques, gastriques, vider le globe vésical (les sphincters se relâchent dans les 6 heures qui suivent le décès) ;
* nettoyer in situ et remettre une poche propre s'il y a présence d'une stomie (technique la plus adaptée et efficace contre fuites et odeurs) ;
* obturer avec du coton cardé les orifices naturels (anus, vagin) en prévention du relâchement des sphincters. Parfois il est nécessaire d'avoir recours à des protections ;
* renouveler les pansements (plaies, escarres, etc.) ;
* effectuer une toilette complète du corps à l'eau tiède et savonneuse, sans oublier le soin des mains (ongles propres et coupés), des cheveux, la remise en place des prothèses dentaires (éventuellement), le rasage (éventuellement), avec le souci de la netteté et du respect de l'apparence habituelle de la personne ;
* maintenir la bouche en position fermée à l'aide d'un linge roulé mis sous le menton suffisamment longtemps pour que la rigidité puisse s'installer.
Ces soins d'hygiène nécessitent la présence de deux personnes. Une fois les soins terminés, le corps doit reposer sur une literie propre, et tout le matériel de soin doit être emporté. Les rites spécifiques à certaines croyances, qui complètent cette toilette standard par des ablutions supplémentaires, parfumées et purificatrices, relèvent des familles ou des autorités religieuses.
J'avoue que ça me ferait bizarre personnellement de prendre mon service et de découvrir le patient décédé, sur le lit, tout propre dans son drap blanc mais encore équipé de sa perf

et puis je sais pas, tu dis
Oui mais POUR moi légalement il ne l'est pas.tant que personne n'a prononcé le décés je n'enleve rien
donc il n'est pas mort pour toi légalement, mais tu lui fais quand même une toilette mortuaire ?

Maintenant, bon, de là à te sanctionner, je ne vois pas bien en quoi ?
Bonne journée
Rachel
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lysanee a écrit :et si c'est justement là dessus que ma surveillante s'appuie.
Je pense qu'elle a raison. Si vous arguez que le patient n'est pas mort tant que le médecin ne l'a pas écrit, il ne faut pas commencer la toilette mortuaire.
Vous n'avez pas précisé sur la constatation du décès. Aviez-vous appelé le médecin, et si oui qu'a-t-il répondu ?
+1 avec ce qui vient d'être dit.
Il n'y a pas de demi-mesure: on fait tout (une fois le décès constaté) ou on ne fait rien.
Faire une toilette mortuaire en laissant le matériel me semble olé-olé.
Il n'y a pas de demi-mesure: on fait tout (une fois le décès constaté) ou on ne fait rien.
Faire une toilette mortuaire en laissant le matériel me semble olé-olé.
"Il suffit de nous regarder pour voir comment une forme de vie intelligente peut se développer d'une manière que nous n'aimerions pas rencontrer."
Stephen HAWKING
Stephen HAWKING
pour ma part en effet je fais la toilette mortuaire quand le décés est déclaré par le medecin qui signe le certificat avec l'heure du déces et ce certificat ne doit pas être fait une heure aprés.................mais bon la la cadre elle a quelquechose contre toi car por te sanctionner pour un truc pareil????
A bien mourir chacun doit tendre
VOYAGE, VOYAGE…
Pour une fois, le départ s’organise sereinement. Même la famille accepte l’échéance avec fatalité. Après tout, il faut bien décoller un jour. Alors à 86 ans…
La chambre 8 où elle est couchée est une rampe de lancement idéale ; confortable, silencieuse et proche de la salle de soins d’où nous pouvons intervenir en quelques secondes. Que demande le peuple ?
En prenant mon service à 21 h, j’apprends l’imminence de sa mutation. Je suis content pour elle car ce voyage est vécu dans une quiétude exempte de douleurs physiques et, semble t’il, d’angoisses majeures. Nous passons la voir vers 22 h, en faisant le premier tour de nuit. Chantal, aide-soignante, m’accompagne. Au chevet de la dame, nous trouvons son gendre et sa fille. Celle-ci, inquiète mais résignée, me demande où en est le compte à rebours.
J’adore ce genre de questions et j’essaye d’y répondre en faisant appel à l’astrologue qui sommeille en moi… Le délai évoqué aux consignes donnait une fourchette comprise entre 12 et 24 h. Mais les pronostics sont faits pour s’asseoir dessus… J’élargis donc la fourchette avant de lire ma boule de cristal ;
« Vous savez, tout est possible… peut-être en fin de nuit… ou demain. Ecoutez, je vous propose une chose ; vous êtes épuisés… allez plutôt dormir. Je vous téléphonerai si son état s’aggrave brutalement… »
Ayant ma bénédiction, ils laissent leur culpabilité sur la chaise et décident d’aller se reposer quelques heures… Chantal et moi sortons également et nous nous retrouvons à arpenter la base de Kourou. Nous avons en effet d’autres mises à feu potentielles à surveiller. De son côté, Saint Pierre lit son journal et consulte les avis de décès, au cas où…
Ensuite, telle la comète de Halley, nous poursuivons notre voyage interstellaire en revenant au même endroit à intervalle régulier. Vers minuit, nous revoilà chambre 8 ; en rentrant, un je ne sais quoi nous met mal à l’aise. La vieille dame
est vraiment trop calme. Certes, elle est en fin de vie, mais pour l’occasion elle nous paraît aussi tonique qu’un sénateur au moment de la digestion.
Une inspection rapide confirme nos craintes ; en fait, elle est morte !... Quel crétin ; je me suis vautré comme une bouse avec mon horoscope de naze… Je m’en veux pour sa fille ; je me donnerais des claques !
Mais impossible de rembobiner ; à présent, nous sommes tenus de suivre la procédure habituelle. Tandis que Saint Pierre déroule le tapis rouge, Chantal continue la boucle de la comète. De mon côté, j’enlève la perfusion (dont l’utilité s’avère très relative) et je téléphone à l’agent de funérarium ainsi qu’au technicien de maintenance.
« Allo… l’interne de garde ? C’est la médecine, pour constater un décès… »
Enthousiasmé par cette tâche exaltante, le responsable qualité arrive bientôt en traînant les pieds.
« -‘soir…
-Salut Fabrice, cache ta joie ; la dame est au n° 8…
-Super… »
L’apprenti docteur branche le pilote automatique et pénètre dans la chambre en question. Il en ressort quelques instants après et nous signe le certificat de réforme.
« -…c’est bon ; maintenant je retourne à la sieste… en tout cas, merci pour l’invitation…
-…de rien. »
Pendant que Saint Pierre ouvre son registre en sifflotant, Chantal et moi devons passer à l’étape suivante ; il s’agit à présent d’habiller le corps avec les vêtements mortuaires. Mais avant de sortir la collection automne hiver, je repense à sa famille que l’on a court-circuité tout à l’heure. J’arrête la collègue qui s’apprête à jouer à la costumière.
« Attends… je vais prévenir sa fille… peut-être qu’elle voudra l’habiller avec nous… »
Je file à l’office afin de téléphoner, mais au moment de composer le numéro, un cri terrible retentit au cœur de la nuit.
« … DIDIER !!!... »
Je retourne en catastrophe chambre 8. Chantal est livide.
« -Didier… elle a bougé… elle a bougé, je te dis !...
-… arrête tes conneries… »
En fait, ce ne sont pas des conneries. Même qu’elle est en train de se gratter le nez… Nom de Dieu, elle fait de l’auto-allumage !
Ma collègue me regarde, éberluée ; après quelques secondes de flottement, les réflexes professionnels succèdent à la séquence émotion ; je vérifie le pouls et la tension : 52, 8/5. Ces chiffres cumulés forment une adition incompatible avec les pompes funèbres : Elle n’est pas morte !
« Madame… vous m’entendez ?... »
Bon, elle est vivante, d’accord, mais faut quand même pas exagérer ; sa réponse tient plus du minimum syndical que de l’enthousiasme délirant.
« … mouais… »
Plutôt que de lui donner une séance d’orthophonie, je cours à l’office afin de rappeler l’interne.
« -Allo… Fabrice ? Tu peux revenir en chambre 8 ; finalement, la dame n’est pas morte…
-Tu te fous de ma gueule ?... »
J’abrège ce dialogue passionnant et je retourne la perfuser car ses batteries ont, pour le moins, besoin d’être rechargées… Vu son état, ses veines jouent à cache-cache ; je dois percer trois fois son épiderme avant de réussir. Je m’en veux un peu de m’amuser aux fléchettes avec elle, mais son côté increvable diminue mes scrupules…
Pendant que Saint pierre regarde sa montre, Fabrice débarque, parfaitement réveillé !
« Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?... »
Il ne tarde pas à s’en rendre compte par lui-même ;
« Eh bien ça, c’est la meilleure… »
Tu l’as dit, bouffi ; le fossoyeur en est quitte pour reboucher son trou. Par contre, la dame a vraiment décidé de reprendre le cours de son existence et elle se remet à creuser le déficit du système de retraite… Une chose me console, toutefois ; nous avons évité le pire : Le cri strident de Chantal m’a empêché de prévenir sa fille. J’imagine le coup de fil pour démentir l’info bidon…
« Allo, madame… oui, c’est encore moi… vous allez rigoler ; votre maman a changé d’avis… »
Lorsque j’y pense, des gouttes de sueur froide dévalent ma colonne vertébrale… Une fois évacué cet épisode réfrigérant, la vie continue et nous reprenons notre périple.
Vers 2 h, cependant, le brancardier se pointe avec sa charrette à bras pour récupérer la défunte ; et crotte ! Autant pour moi, j’ai oublié de le décommander…Quand je lui explique le coup de théâtre, il me demande si je suis diplômé de l’école du rire…
« Eh bien oui, on s’est plantés ; ça arrive à tout le monde…On pensait qu’elle avait avalé son bulletin de naissance mais, en fait, elle a juste mangé un clown ; elle a dû se croire le premier avril… »
Le pauvre gars repart, en secouant la tête. Déjà que le service était mal perçu dans l’hôpital ; on n’a pas fini de passer pour des charlots… Après ces rebondissements dignes d’une séance de trampoline, la nuit touche heureusement à sa fin ; à 7 h 15, je file me changer avant de ressortir du vestiaire en courant. Sur le parking, je regarde quand même si je ne croise pas le curé et le notaire ; on ne sait jamais, avec tous ces malentendus…
Enfin, j’arrive chez moi ; il est 8 h. Saint Pierre referme sa boutique, vexé. Moi, je vais me coucher ; je suis crevé.
Pour de vrai.

Pour une fois, le départ s’organise sereinement. Même la famille accepte l’échéance avec fatalité. Après tout, il faut bien décoller un jour. Alors à 86 ans…
La chambre 8 où elle est couchée est une rampe de lancement idéale ; confortable, silencieuse et proche de la salle de soins d’où nous pouvons intervenir en quelques secondes. Que demande le peuple ?
En prenant mon service à 21 h, j’apprends l’imminence de sa mutation. Je suis content pour elle car ce voyage est vécu dans une quiétude exempte de douleurs physiques et, semble t’il, d’angoisses majeures. Nous passons la voir vers 22 h, en faisant le premier tour de nuit. Chantal, aide-soignante, m’accompagne. Au chevet de la dame, nous trouvons son gendre et sa fille. Celle-ci, inquiète mais résignée, me demande où en est le compte à rebours.
J’adore ce genre de questions et j’essaye d’y répondre en faisant appel à l’astrologue qui sommeille en moi… Le délai évoqué aux consignes donnait une fourchette comprise entre 12 et 24 h. Mais les pronostics sont faits pour s’asseoir dessus… J’élargis donc la fourchette avant de lire ma boule de cristal ;
« Vous savez, tout est possible… peut-être en fin de nuit… ou demain. Ecoutez, je vous propose une chose ; vous êtes épuisés… allez plutôt dormir. Je vous téléphonerai si son état s’aggrave brutalement… »
Ayant ma bénédiction, ils laissent leur culpabilité sur la chaise et décident d’aller se reposer quelques heures… Chantal et moi sortons également et nous nous retrouvons à arpenter la base de Kourou. Nous avons en effet d’autres mises à feu potentielles à surveiller. De son côté, Saint Pierre lit son journal et consulte les avis de décès, au cas où…
Ensuite, telle la comète de Halley, nous poursuivons notre voyage interstellaire en revenant au même endroit à intervalle régulier. Vers minuit, nous revoilà chambre 8 ; en rentrant, un je ne sais quoi nous met mal à l’aise. La vieille dame
est vraiment trop calme. Certes, elle est en fin de vie, mais pour l’occasion elle nous paraît aussi tonique qu’un sénateur au moment de la digestion.
Une inspection rapide confirme nos craintes ; en fait, elle est morte !... Quel crétin ; je me suis vautré comme une bouse avec mon horoscope de naze… Je m’en veux pour sa fille ; je me donnerais des claques !
Mais impossible de rembobiner ; à présent, nous sommes tenus de suivre la procédure habituelle. Tandis que Saint Pierre déroule le tapis rouge, Chantal continue la boucle de la comète. De mon côté, j’enlève la perfusion (dont l’utilité s’avère très relative) et je téléphone à l’agent de funérarium ainsi qu’au technicien de maintenance.
« Allo… l’interne de garde ? C’est la médecine, pour constater un décès… »
Enthousiasmé par cette tâche exaltante, le responsable qualité arrive bientôt en traînant les pieds.
« -‘soir…
-Salut Fabrice, cache ta joie ; la dame est au n° 8…
-Super… »
L’apprenti docteur branche le pilote automatique et pénètre dans la chambre en question. Il en ressort quelques instants après et nous signe le certificat de réforme.
« -…c’est bon ; maintenant je retourne à la sieste… en tout cas, merci pour l’invitation…
-…de rien. »
Pendant que Saint Pierre ouvre son registre en sifflotant, Chantal et moi devons passer à l’étape suivante ; il s’agit à présent d’habiller le corps avec les vêtements mortuaires. Mais avant de sortir la collection automne hiver, je repense à sa famille que l’on a court-circuité tout à l’heure. J’arrête la collègue qui s’apprête à jouer à la costumière.
« Attends… je vais prévenir sa fille… peut-être qu’elle voudra l’habiller avec nous… »
Je file à l’office afin de téléphoner, mais au moment de composer le numéro, un cri terrible retentit au cœur de la nuit.
« … DIDIER !!!... »
Je retourne en catastrophe chambre 8. Chantal est livide.
« -Didier… elle a bougé… elle a bougé, je te dis !...
-… arrête tes conneries… »
En fait, ce ne sont pas des conneries. Même qu’elle est en train de se gratter le nez… Nom de Dieu, elle fait de l’auto-allumage !
Ma collègue me regarde, éberluée ; après quelques secondes de flottement, les réflexes professionnels succèdent à la séquence émotion ; je vérifie le pouls et la tension : 52, 8/5. Ces chiffres cumulés forment une adition incompatible avec les pompes funèbres : Elle n’est pas morte !
« Madame… vous m’entendez ?... »
Bon, elle est vivante, d’accord, mais faut quand même pas exagérer ; sa réponse tient plus du minimum syndical que de l’enthousiasme délirant.
« … mouais… »
Plutôt que de lui donner une séance d’orthophonie, je cours à l’office afin de rappeler l’interne.
« -Allo… Fabrice ? Tu peux revenir en chambre 8 ; finalement, la dame n’est pas morte…
-Tu te fous de ma gueule ?... »
J’abrège ce dialogue passionnant et je retourne la perfuser car ses batteries ont, pour le moins, besoin d’être rechargées… Vu son état, ses veines jouent à cache-cache ; je dois percer trois fois son épiderme avant de réussir. Je m’en veux un peu de m’amuser aux fléchettes avec elle, mais son côté increvable diminue mes scrupules…
Pendant que Saint pierre regarde sa montre, Fabrice débarque, parfaitement réveillé !
« Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?... »
Il ne tarde pas à s’en rendre compte par lui-même ;
« Eh bien ça, c’est la meilleure… »
Tu l’as dit, bouffi ; le fossoyeur en est quitte pour reboucher son trou. Par contre, la dame a vraiment décidé de reprendre le cours de son existence et elle se remet à creuser le déficit du système de retraite… Une chose me console, toutefois ; nous avons évité le pire : Le cri strident de Chantal m’a empêché de prévenir sa fille. J’imagine le coup de fil pour démentir l’info bidon…
« Allo, madame… oui, c’est encore moi… vous allez rigoler ; votre maman a changé d’avis… »
Lorsque j’y pense, des gouttes de sueur froide dévalent ma colonne vertébrale… Une fois évacué cet épisode réfrigérant, la vie continue et nous reprenons notre périple.
Vers 2 h, cependant, le brancardier se pointe avec sa charrette à bras pour récupérer la défunte ; et crotte ! Autant pour moi, j’ai oublié de le décommander…Quand je lui explique le coup de théâtre, il me demande si je suis diplômé de l’école du rire…
« Eh bien oui, on s’est plantés ; ça arrive à tout le monde…On pensait qu’elle avait avalé son bulletin de naissance mais, en fait, elle a juste mangé un clown ; elle a dû se croire le premier avril… »
Le pauvre gars repart, en secouant la tête. Déjà que le service était mal perçu dans l’hôpital ; on n’a pas fini de passer pour des charlots… Après ces rebondissements dignes d’une séance de trampoline, la nuit touche heureusement à sa fin ; à 7 h 15, je file me changer avant de ressortir du vestiaire en courant. Sur le parking, je regarde quand même si je ne croise pas le curé et le notaire ; on ne sait jamais, avec tous ces malentendus…
Enfin, j’arrive chez moi ; il est 8 h. Saint Pierre referme sa boutique, vexé. Moi, je vais me coucher ; je suis crevé.
Pour de vrai.

Ilamaga a écrit :Leopold Anasthase a écrit :Premier écueil, un décès doit être constaté sans délai par le médecin. Dans votre cas, je vous parie qu'on n'appelle pas le médecin pour constater un décès attendu la nuit.
Je ne trouve aucun texte disant que le décès doit être constaté sans délai par un médecin...
Quand on appelle un médecin pour un decès pas besoin de texte pour qu'il vienne constater et signer le certificat, ça doit bien faire partie de sa déontologie.
Pour avancer tout le monde je propose qu'on commence la toilette mortuaire avant la mort ...dès qu'on a un ch'ti moment de libre

La pensée vole, et les mots vont à pieds.
Casey a écrit :Moi, j'aurais fait la même chose que toi car c'est très honorable d'avancer la collègue.
L'enfer est pavé de bonnes intentions, dit-on...
Quelles "bourdes" ne ferait-on pas pour "avancer" les collègues...
"Il suffit de nous regarder pour voir comment une forme de vie intelligente peut se développer d'une manière que nous n'aimerions pas rencontrer."
Stephen HAWKING
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dino a écrit :VOYAGE, VOYAGE…
Pour une fois, le départ s’organise sereinement. Même la famille accepte l’échéance avec fatalité. Après tout, il faut bien décoller un jour. Alors à 86 ans…
La chambre 8 où elle est couchée est une rampe de lancement idéale ; confortable, silencieuse et proche de la salle de soins d’où nous pouvons intervenir en quelques secondes. Que demande le peuple ?
En prenant mon service à 21 h, j’apprends l’imminence de sa mutation. Je suis content pour elle car ce voyage est vécu dans une quiétude exempte de douleurs physiques et, semble t’il, d’angoisses majeures. Nous passons la voir vers 22 h, en faisant le premier tour de nuit. Chantal, aide-soignante, m’accompagne. Au chevet de la dame, nous trouvons son gendre et sa fille. Celle-ci, inquiète mais résignée, me demande où en est le compte à rebours.
J’adore ce genre de questions et j’essaye d’y répondre en faisant appel à l’astrologue qui sommeille en moi… Le délai évoqué aux consignes donnait une fourchette comprise entre 12 et 24 h. Mais les pronostics sont faits pour s’asseoir dessus… J’élargis donc la fourchette avant de lire ma boule de cristal ;
« Vous savez, tout est possible… peut-être en fin de nuit… ou demain. Ecoutez, je vous propose une chose ; vous êtes épuisés… allez plutôt dormir. Je vous téléphonerai si son état s’aggrave brutalement… »
Ayant ma bénédiction, ils laissent leur culpabilité sur la chaise et décident d’aller se reposer quelques heures… Chantal et moi sortons également et nous nous retrouvons à arpenter la base de Kourou. Nous avons en effet d’autres mises à feu potentielles à surveiller. De son côté, Saint Pierre lit son journal et consulte les avis de décès, au cas où…
Ensuite, telle la comète de Halley, nous poursuivons notre voyage interstellaire en revenant au même endroit à intervalle régulier. Vers minuit, nous revoilà chambre 8 ; en rentrant, un je ne sais quoi nous met mal à l’aise. La vieille dame
est vraiment trop calme. Certes, elle est en fin de vie, mais pour l’occasion elle nous paraît aussi tonique qu’un sénateur au moment de la digestion.
Une inspection rapide confirme nos craintes ; en fait, elle est morte !... Quel crétin ; je me suis vautré comme une bouse avec mon horoscope de naze… Je m’en veux pour sa fille ; je me donnerais des claques !
Mais impossible de rembobiner ; à présent, nous sommes tenus de suivre la procédure habituelle. Tandis que Saint Pierre déroule le tapis rouge, Chantal continue la boucle de la comète. De mon côté, j’enlève la perfusion (dont l’utilité s’avère très relative) et je téléphone à l’agent de funérarium ainsi qu’au technicien de maintenance.
« Allo… l’interne de garde ? C’est la médecine, pour constater un décès… »
Enthousiasmé par cette tâche exaltante, le responsable qualité arrive bientôt en traînant les pieds.
« -‘soir…
-Salut Fabrice, cache ta joie ; la dame est au n° 8…
-Super… »
L’apprenti docteur branche le pilote automatique et pénètre dans la chambre en question. Il en ressort quelques instants après et nous signe le certificat de réforme.
« -…c’est bon ; maintenant je retourne à la sieste… en tout cas, merci pour l’invitation…
-…de rien. »
Pendant que Saint Pierre ouvre son registre en sifflotant, Chantal et moi devons passer à l’étape suivante ; il s’agit à présent d’habiller le corps avec les vêtements mortuaires. Mais avant de sortir la collection automne hiver, je repense à sa famille que l’on a court-circuité tout à l’heure. J’arrête la collègue qui s’apprête à jouer à la costumière.
« Attends… je vais prévenir sa fille… peut-être qu’elle voudra l’habiller avec nous… »
Je file à l’office afin de téléphoner, mais au moment de composer le numéro, un cri terrible retentit au cœur de la nuit.
« … DIDIER !!!... »
Je retourne en catastrophe chambre 8. Chantal est livide.
« -Didier… elle a bougé… elle a bougé, je te dis !...
-… arrête tes conneries… »
En fait, ce ne sont pas des conneries. Même qu’elle est en train de se gratter le nez… Nom de Dieu, elle fait de l’auto-allumage !
Ma collègue me regarde, éberluée ; après quelques secondes de flottement, les réflexes professionnels succèdent à la séquence émotion ; je vérifie le pouls et la tension : 52, 8/5. Ces chiffres cumulés forment une adition incompatible avec les pompes funèbres : Elle n’est pas morte !
« Madame… vous m’entendez ?... »
Bon, elle est vivante, d’accord, mais faut quand même pas exagérer ; sa réponse tient plus du minimum syndical que de l’enthousiasme délirant.
« … mouais… »
Plutôt que de lui donner une séance d’orthophonie, je cours à l’office afin de rappeler l’interne.
« -Allo… Fabrice ? Tu peux revenir en chambre 8 ; finalement, la dame n’est pas morte…
-Tu te fous de ma gueule ?... »
J’abrège ce dialogue passionnant et je retourne la perfuser car ses batteries ont, pour le moins, besoin d’être rechargées… Vu son état, ses veines jouent à cache-cache ; je dois percer trois fois son épiderme avant de réussir. Je m’en veux un peu de m’amuser aux fléchettes avec elle, mais son côté increvable diminue mes scrupules…
Pendant que Saint pierre regarde sa montre, Fabrice débarque, parfaitement réveillé !
« Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?... »
Il ne tarde pas à s’en rendre compte par lui-même ;
« Eh bien ça, c’est la meilleure… »
Tu l’as dit, bouffi ; le fossoyeur en est quitte pour reboucher son trou. Par contre, la dame a vraiment décidé de reprendre le cours de son existence et elle se remet à creuser le déficit du système de retraite… Une chose me console, toutefois ; nous avons évité le pire : Le cri strident de Chantal m’a empêché de prévenir sa fille. J’imagine le coup de fil pour démentir l’info bidon…
« Allo, madame… oui, c’est encore moi… vous allez rigoler ; votre maman a changé d’avis… »
Lorsque j’y pense, des gouttes de sueur froide dévalent ma colonne vertébrale… Une fois évacué cet épisode réfrigérant, la vie continue et nous reprenons notre périple.
Vers 2 h, cependant, le brancardier se pointe avec sa charrette à bras pour récupérer la défunte ; et crotte ! Autant pour moi, j’ai oublié de le décommander…Quand je lui explique le coup de théâtre, il me demande si je suis diplômé de l’école du rire…
« Eh bien oui, on s’est plantés ; ça arrive à tout le monde…On pensait qu’elle avait avalé son bulletin de naissance mais, en fait, elle a juste mangé un clown ; elle a dû se croire le premier avril… »
Le pauvre gars repart, en secouant la tête. Déjà que le service était mal perçu dans l’hôpital ; on n’a pas fini de passer pour des charlots… Après ces rebondissements dignes d’une séance de trampoline, la nuit touche heureusement à sa fin ; à 7 h 15, je file me changer avant de ressortir du vestiaire en courant. Sur le parking, je regarde quand même si je ne croise pas le curé et le notaire ; on ne sait jamais, avec tous ces malentendus…
Enfin, j’arrive chez moi ; il est 8 h. Saint Pierre referme sa boutique, vexé. Moi, je vais me coucher ; je suis crevé.
Pour de vrai.
Et ça s'est fini comment finalement ?

marie-pierre