Ordre Infirmier, lettre ouverte à Roselyne Bachelot
Publié : 23 mai 2010 15:47
Lettre ouverte : « La démocratie française et ses infirmières. »
Madame la ministre Roselyne Bachelot a apporté mercredi 19 mai son soutien à la proposition de loi visant à restreindre le champ de compétences de l’Ordre des infirmiers aux seuls infirmiers libéraux et à dispenser les salariés de s’y inscrire. Nous vivons dans un monde de fous. En passant, là, entre nous, je vous raconte cette observation qui ne manque pas de piquant tout en étant éminemment éthique d’un président d’une association de malades, devant une très honorable assemblée de patients, de proches de multiples associations, de soignants, de représentants d’instances nationales « nous avons un ministère de la santé, de la jeunesse et des sports, et la vieillesse ? et les handicapés ? Et oui, c’est comme ça depuis quelques années, dans notre pays.
Pour en revenir à notre sujet :
Je rappelle que la proposition de loi émanait d’un groupe de députés UMP, avec en tête de file, notre cher Monsieur Yves Bur, député du Bas-Rhin, un beau département où je vous suggère d’aller vous promener. Monsieur Bur ne s’est pas creusé la cervelle en matière d’argumentation, ce qui dénote déjà le peu de respect pour la partie adverse. Ce monsieur a déclaré que l’Ordre infirmier serait coûteux et inutile. Moi je trouve que son mandat de député, en tant qu’inutile dans la mesure où il se permet de poser un jugement arbitraire sur ce qu’il ne connaît pas, ce qui est grave, sans arguments recevables et convaincants, est par conséquent inutilement coûteux à notre société. J’ai 30 ans de métier et je me permets de lui dire à quel point, j’aurais aimé, jeune infirmière, par exemple, faire de la recherche en soins, là, dans le service où j’ai commencé mon exercice.
Par contre, sensible au bon sourire de notre chère ministre de la santé, à son allure sympathique, je veux croire en l’affliction de Roselyne Bachelot à l’idée d’une cotisation trop élevée pour l’infirmière salariée. Quelle bienveillance, quelle gentillesse, quelle générosité!
Hélas, ça ne tient pas du tout la route dans la mesure où notre chère ministre ne s’émeut aucunement de la dégradation des conditions de travail dans nos institutions et donc des conditions dans lesquelles nos malades, des personnes comme elle et moi, je le lui rappelle, sont soignés. La loi du 4 mars 2002 des droits des malades est aussi faite pour être appliquée par les ministres et j’en appelle à sa responsabilité.
Prenons un tout petit exemple : une infirmière pour 80 résidents, une équipe aide-soignante pour 30 résidents dans nombre de nos Ehpads, Un manque de formation en soins palliatifs et sur la prise en charge de la douleur des équipes comme de l’encadrement parce que tout ça coûterait trop cher ? Non, Madame Bachelot, ce sont les mauvais choix politiques qui coûtent cher à terme à une société. Entre nous, la loi du 22 avril 2005 relative à fin de vie exige des moyens lesquels ne sont pas déployés. Que dire des soins à domicile. Aujourd’hui, dans notre pays où il ne fait pas bon vieillir, malgré toutes les mesures prises dont beaucoup, beaucoup de décorum, mais laissons ça pour d’autres éditos, et cela pour avoir consulté beaucoup d’experts hélas peu avertis. Bref, chers tous, soyez justes un peu trop fragile et vivez seul, tout est fait pour vous faire basculer très vite dans la grande dépendance.
Alors, les bons sentiments de Madame Bachelot vis à vis des infirmiers, vous y croyez, vous ?
Quand à sa coalition avec ces grandes centrales syndicales des structures dont les représentants, qui ne connaissent rien au métier d’infirmière, sont ceux là mêmes qui ont uriné sur le stand de l’Ordre infirmier, ceux là mêmes qui ont combattu l’indépendance infirmière pour une question de petit pouvoir personnel, c’est du propre. Ce type de coalition c’est inquiétant. L’histoire ne recommencerait elle pas presque un siècle plus tard, coalition des extrêmes et exclusion de ceux qui dérangent: en vrac les vieux, les handicapés, les sans papiers, les sans domicile fixe, les sans travail, les gens de couleurs, tiens et ces petits enfants africains, qui vivent dans des logements insalubres du 18ème arrondissement de Paris, dont le QI tombe en chute libre parce que les murs sont bourrés de plomb. Ca fait des années que cette histoire dure. Ah oui, c’est vrai, a-t-il été dit, c’est un problème culturel. Et vive la santé !
Quand une démocratie est en danger, qu’un pouvoir oligarchique s’installe insidieusement dans un pays, il faut en effet museler tout ce qui dérange et convaincre ceux qui, désinformés, comme hélas, beaucoup de nos collègues infirmiers d’institutions, sont susceptibles de voter pour le pouvoir en question aux prochaines élections. Pas de cotis, ils vont peut-être voter pour nous.
Quand au Haut conseil des professions paramédicales, lequel se réunit quelques fois, oh pas souvent, par an, sa vocation n’est pas de gérer ce qui est interne à notre profession.
L’Ordre doit être l’Ordre des infirmiers, de tous les infirmiers. Qu’il ne concerne que les libéraux n’a aucun sens. Cet Ordre a plusieurs missions et la plus fondamentale est la promotion de nos valeurs, les valeurs du soin conformes à celle de notre démocratie et à la déclaration universelle des droits de l’homme dont l’article 1 « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres avec un esprit de fraternité ».
Pour rappel, jusqu’aux années 72, les médecins hospitaliers étaient dispensés du paiement de leur cotisation à l’ordre des médecins ; cependant, pour des raisons de défense d’une éthique médicale universelle, cette cotisation est devenue obligatoire pour tous. La position de Mme Bachelot s’insère dans une politique de retour en arrière et de négation des acquis de professionnels médicaux et paramédicaux dont la réflexion dans notre démocratie est loin d’être … inutile.
Dans une société où s’installent de plus en plus la précarité et l’exclusion, les infirmiers sont tous unis par cette adhésion aux valeurs du soin. L’émancipation et l’indépendance de notre profession dérangent un gouvernement qui depuis quelques années malmènent l’ensemble des professionnels de santé d’une façon inédite. La réflexion infirmière est en marche et n’est pas prête de s’arrêter. En tous les cas, si on supprime l’Ordre infirmier, ne faudrait il pas supprimer tous les autres, disperser les forces en somme…mais n’est ce pas ce que souhaite notre gouvernement ?
Le 22 mai 2010
CG
La résistance infirmière en marche
Madame la ministre Roselyne Bachelot a apporté mercredi 19 mai son soutien à la proposition de loi visant à restreindre le champ de compétences de l’Ordre des infirmiers aux seuls infirmiers libéraux et à dispenser les salariés de s’y inscrire. Nous vivons dans un monde de fous. En passant, là, entre nous, je vous raconte cette observation qui ne manque pas de piquant tout en étant éminemment éthique d’un président d’une association de malades, devant une très honorable assemblée de patients, de proches de multiples associations, de soignants, de représentants d’instances nationales « nous avons un ministère de la santé, de la jeunesse et des sports, et la vieillesse ? et les handicapés ? Et oui, c’est comme ça depuis quelques années, dans notre pays.
Pour en revenir à notre sujet :
Je rappelle que la proposition de loi émanait d’un groupe de députés UMP, avec en tête de file, notre cher Monsieur Yves Bur, député du Bas-Rhin, un beau département où je vous suggère d’aller vous promener. Monsieur Bur ne s’est pas creusé la cervelle en matière d’argumentation, ce qui dénote déjà le peu de respect pour la partie adverse. Ce monsieur a déclaré que l’Ordre infirmier serait coûteux et inutile. Moi je trouve que son mandat de député, en tant qu’inutile dans la mesure où il se permet de poser un jugement arbitraire sur ce qu’il ne connaît pas, ce qui est grave, sans arguments recevables et convaincants, est par conséquent inutilement coûteux à notre société. J’ai 30 ans de métier et je me permets de lui dire à quel point, j’aurais aimé, jeune infirmière, par exemple, faire de la recherche en soins, là, dans le service où j’ai commencé mon exercice.
Par contre, sensible au bon sourire de notre chère ministre de la santé, à son allure sympathique, je veux croire en l’affliction de Roselyne Bachelot à l’idée d’une cotisation trop élevée pour l’infirmière salariée. Quelle bienveillance, quelle gentillesse, quelle générosité!
Hélas, ça ne tient pas du tout la route dans la mesure où notre chère ministre ne s’émeut aucunement de la dégradation des conditions de travail dans nos institutions et donc des conditions dans lesquelles nos malades, des personnes comme elle et moi, je le lui rappelle, sont soignés. La loi du 4 mars 2002 des droits des malades est aussi faite pour être appliquée par les ministres et j’en appelle à sa responsabilité.
Prenons un tout petit exemple : une infirmière pour 80 résidents, une équipe aide-soignante pour 30 résidents dans nombre de nos Ehpads, Un manque de formation en soins palliatifs et sur la prise en charge de la douleur des équipes comme de l’encadrement parce que tout ça coûterait trop cher ? Non, Madame Bachelot, ce sont les mauvais choix politiques qui coûtent cher à terme à une société. Entre nous, la loi du 22 avril 2005 relative à fin de vie exige des moyens lesquels ne sont pas déployés. Que dire des soins à domicile. Aujourd’hui, dans notre pays où il ne fait pas bon vieillir, malgré toutes les mesures prises dont beaucoup, beaucoup de décorum, mais laissons ça pour d’autres éditos, et cela pour avoir consulté beaucoup d’experts hélas peu avertis. Bref, chers tous, soyez justes un peu trop fragile et vivez seul, tout est fait pour vous faire basculer très vite dans la grande dépendance.
Alors, les bons sentiments de Madame Bachelot vis à vis des infirmiers, vous y croyez, vous ?
Quand à sa coalition avec ces grandes centrales syndicales des structures dont les représentants, qui ne connaissent rien au métier d’infirmière, sont ceux là mêmes qui ont uriné sur le stand de l’Ordre infirmier, ceux là mêmes qui ont combattu l’indépendance infirmière pour une question de petit pouvoir personnel, c’est du propre. Ce type de coalition c’est inquiétant. L’histoire ne recommencerait elle pas presque un siècle plus tard, coalition des extrêmes et exclusion de ceux qui dérangent: en vrac les vieux, les handicapés, les sans papiers, les sans domicile fixe, les sans travail, les gens de couleurs, tiens et ces petits enfants africains, qui vivent dans des logements insalubres du 18ème arrondissement de Paris, dont le QI tombe en chute libre parce que les murs sont bourrés de plomb. Ca fait des années que cette histoire dure. Ah oui, c’est vrai, a-t-il été dit, c’est un problème culturel. Et vive la santé !
Quand une démocratie est en danger, qu’un pouvoir oligarchique s’installe insidieusement dans un pays, il faut en effet museler tout ce qui dérange et convaincre ceux qui, désinformés, comme hélas, beaucoup de nos collègues infirmiers d’institutions, sont susceptibles de voter pour le pouvoir en question aux prochaines élections. Pas de cotis, ils vont peut-être voter pour nous.
Quand au Haut conseil des professions paramédicales, lequel se réunit quelques fois, oh pas souvent, par an, sa vocation n’est pas de gérer ce qui est interne à notre profession.
L’Ordre doit être l’Ordre des infirmiers, de tous les infirmiers. Qu’il ne concerne que les libéraux n’a aucun sens. Cet Ordre a plusieurs missions et la plus fondamentale est la promotion de nos valeurs, les valeurs du soin conformes à celle de notre démocratie et à la déclaration universelle des droits de l’homme dont l’article 1 « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres avec un esprit de fraternité ».
Pour rappel, jusqu’aux années 72, les médecins hospitaliers étaient dispensés du paiement de leur cotisation à l’ordre des médecins ; cependant, pour des raisons de défense d’une éthique médicale universelle, cette cotisation est devenue obligatoire pour tous. La position de Mme Bachelot s’insère dans une politique de retour en arrière et de négation des acquis de professionnels médicaux et paramédicaux dont la réflexion dans notre démocratie est loin d’être … inutile.
Dans une société où s’installent de plus en plus la précarité et l’exclusion, les infirmiers sont tous unis par cette adhésion aux valeurs du soin. L’émancipation et l’indépendance de notre profession dérangent un gouvernement qui depuis quelques années malmènent l’ensemble des professionnels de santé d’une façon inédite. La réflexion infirmière est en marche et n’est pas prête de s’arrêter. En tous les cas, si on supprime l’Ordre infirmier, ne faudrait il pas supprimer tous les autres, disperser les forces en somme…mais n’est ce pas ce que souhaite notre gouvernement ?
Le 22 mai 2010
CG
La résistance infirmière en marche