HOSPITALISATION À DOMICILE

Infirmières en HAD : elles ont retrouvé le sens du soin

Publié le 14/11/2025

En constante progression en France, l’hospitalisation à domicile (HAD), encore peu connue, présente de nombreux avantages, tant pour les patients que pour les soignants. Explications.

Hospitalisation à domicile

Crédit photo : Sébastien Toubon

« L’hospitalisation à domicile (HAD) englobe des prises en charge très complexes, annonce d’emblée Anastasia Strizyk, directrice Stratégie et Développement à la FNEHAD (Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile). Complexes tant du point de vue médical, psychosocial, que sanitaire. Cela peut sembler un peu caricatural mais cela n’en est pas moins vrai : aujourd’hui, si le patient n'était pas pris en charge en HAD, il serait forcément dans un lit à l'hôpital. Il s’agit vraiment d’une hospitalisation au sens noble du terme, qui n'est pas substituable par une prise en charge par des prestataires ou par des infirmières libérales. »
L’HAD consiste, en effet, à réaliser des soins techniques et hospitaliers au domicile du patient. Si elle n’existait pas, dans de nombreux cas, le patient serait admis à l'hôpital. L’HAD permet des soins extrêmement variés, allant des pansements complexes à de la chimiothérapie en passant par de la transfusion ou des traitements pour l’insuffisance cardiaque. 
« Depuis 2022, nous avons un statut d'activité de soin. Avant nous étions considérés comme une modalité de la médecine », souligne Anastasia Strizyk.

Une prise en charge en constante progression

« Nous avons une liste de soins extrêmement complète, pas du tout limitative, poursuit-elle. Globalement, la HAD prend en charge des patients de tous âges. Les seules limites du domicile sont bien sûr les soins urgents qui nécessitent un plateau technique et une surveillance continue extrêmement rapprochée. Mais notre prise en charge progresse, incluant des soins de plus en plus lourds et techniques réalisés à domicile. Depuis 2022, nous sommes autorisés à pratiquer ce que nous appelons les mentions de spécialité : cela concerne la rééducation neuro-orthopédique, la pédiatrie pour les enfants de moins de 3 ans et l'obstétrique (via la mention post-partum). » 

Évoluer en HAD favorise l’autonomie, permet de prendre confiance en soi et d’acquérir une bonne méthode d'organisation.

Du temps retrouvé avec les patients

Les avantages de l’hospitalisation à domicile sont confirmés par Flora Maître, 31 ans, infirmière effectrice de soins en HAD en Picardie : « Les soins que nous pratiquons demandent souvent une certaine technicité. Nous avons affaire à un panel important de patients, de tous âges. Nous avons la chance de travailler au sein d’une équipe pluridisciplinaire, avec des horaires de qualité et surtout avec un temps de qualité auprès de nos patients. Évoluer en HAD favorise l’autonomie, permet de prendre confiance en soi et d’acquérir une bonne méthode d'organisation. ».

« À mon sens, sur la base des retours que j’ai pu avoir de la part des infirmiers travaillant en HAD, cela fait sens de choisir ce mode d’exercice, observe Anastasia Strizyk. Ils retrouvent un temps précieux avec les patients ; ce temps relationnel qui a été perdu à l’hôpital conventionnel.  Si parfois ils ont découvert l’HAD un peu par hasard, ils savent pourquoi ils y restent. Ils ont retrouvé le sens du soin. »

Dès 7h30 le matin

Concrètement, Flora Maître rejoint, comme tous ses collègues, la structure HAD le matin à 7h30.
Chaque tournée a déjà été programmée la veille par les infirmiers de coordination. Le fait de se poser le matin permet d’organiser la tournée en fonction des soins à pratiquer et de la localisation des patients. « Une fois que nous avons organisé tout cela, nous partons en visite, soit seul, soit en binôme en collaboration avec des soignants ou avec des étudiants en soins infirmiers. Nous intervenons sur un rayon de 30 à 35 kilomètres autour de notre structure. A nous de planifier au mieux notre tournée selon les soins à pratiquer. » Tous les dossiers patients sont accessibles informatiquement mais également sous format papier à la structure HAD. Les transmissions sont faites à l'aide de téléphones portables professionnels.
La tournée du matin s’échelonne 7h30 12h30. Après une pause déjeuner, elle se poursuit de 14 à 16h.
Flora Maître travaille en collaboration avec une importante équipe pluridisciplinaire (voir encadré)

Une équipe pluriprofessionnelle hors des murs de l’hôpital
Lors d’une hospitalisation à domicile, les médecins praticiens d'HAD coordonnent la prise en charge en lien avec le médecin traitant. Ce dernier a un rôle très important de référent. Dans la grande majorité des cas, le médecin traitant continue de suivre son patient à domicile. Comme tous les établissements hospitaliers, l’HAD inclut des psychologues, des assistantes-sociales, des pharmaciens, des diététiciens, des kinésithérapeutes, des aides-soignants. Pour la prise en charge des patients, l’équipe pluriprofessionnelle est basée sur le modèle d’un hôpital conventionnel. Côté soignants, les infirmiers de coordination (IDEC), comme leur nom l’indique, coordonnent avec le médecin le parcours des patients dont ils ont la responsabilité. Les infirmiers de liaison établissent pour leur part le lien avec les prescripteurs, souvent hospitaliers. Concrètement, ils se rendent à l'hôpital pour organiser les admissions en HAD. Enfin, les infirmiers effecteurs de soins interviennent quant à eux au domicile du patient. Selon les cas, ces derniers peuvent être salariés de l’établissement ou libéraux.

Des avantages avérés pour les patients

L’HAD ne satisfait pas que les soignants puisqu’il y a une vraie demande, de la part des patients, pour un même soin, de rester chez eux, dans leur lit, avec leur famille et de manger leur propre nourriture. Un patient en chimiothérapie évite de s’ajouter de la fatigue voire de la douleur liée aux transports sur des séjours itératifs à l’hôpital. Il peut continuer à regarder sa série habituelle à la télévision et à échanger avec l’infirmier qui vient le voir à domicile. Cécile Bordenave, experte HAD à l’Agence nationale de la performance sanitaire et médico-sociale (Anap) abonde dans ce sens : «L’HAD consiste vraiment à répondre à une préférence exprimée par les patients d’être soignés chez eux. Et puis, il s’agit tout de même d’une offre de soin moins coûteuse (voir encadré), admirée par de nombreux pays dans le monde.»
La spécialiste confirme également qu’il s’agit certes d’une autre modalité d'exercice mais cela reste un exercice hospitalier qui inclut la même rigueur des soins, la même exigence de certification, de qualité, de sécurité des soins, déportés au domicile.

L’Anap
L’Agence nationale de la performance sanitaire et médico-sociale (anap)et une agence publique de conseil et d’expertise au service des établissements sanitaires et médico-sociaux. Elle a pour mission d’accompagner et d’outiller les professionnels de ces établissements dans l’amélioration de leur performance. L’Anap soutient et outille le déploiement de l’Hospitalisation à Domicile (HAD) à travers des ressources pratiques et des accompagnements sur le terrain auprès d’établissements.
https://www.anap.fr/s/article/had-international-modeles-leviers-enseignements

La France, précurseur dans l’offre HAD ?

L’Anap a récemment réalisé en partenariat avec la FNEHAD un panorama international de l'HAD qui montre qu'effectivement la France est leader dans le domaine, en termes de volume d'activité. En France, il n'y a pas de zone blanche. Il y a vraiment une structuration nationale de cette offre de soins qui fait que, quel que soit l'endroit où l’on vit, on a la chance de pouvoir faire appel à l’HAD. 
Les locaux d’HAD sont, bien entendu, plus petits qu’un hôpital conventionnel. 
« C'est vraiment une spécificité à la française. Nous sommes très certainement le pays qui compte le plus d'infirmiers qui travaillent en HAD. L’Anap se mobilise activement pour soutenir les professionnels et les établissements qui développent l’hospitalisation à domicile », conclut Cécile Bordenave.

L’HAD en chiffres
- Le territoire français compte actuellement 281 établissements d'hospitalisation à domicile. Ces HAD peuvent être publics, privés lucratifs ou privés non lucratifs.
- En 2024, 184 526 patients ont été pris en charge via l’HAD sur le territoire. Cela correspond à un peu plus de 7,3 millions de journées. Cela représente un peu moins de 2 milliards de coûts d’Assurance maladie.
- Une journée de chimiothérapie avec la même molécule, coûte 243 euros en HAD contre 450 euros en hospitalisation classique. Anastasia Strizyk, directrice Stratégie et Développement à la FNEHAD : «Pour une prise en charge de réhabilitation post-chirurgie cardiaque, nous sommes aussi à hauteur de 500 euros d'économie».
- Une journée d'hospitalisation conventionnelle coûte 500 euros de plus que l’HAD«Les calculs n’ont pas encore été poursuivis, mais si l’on additionnait tous les gains liés à HAD, nous pourrions constater que les économies sont énormes. Nous démarrons les études permettant d’objectiver les gains sur plusieurs prises en charge.»

Pour en savoir plus
https://www.fnehad.fr
https://www.anap.fr

Élise Kuntzelmann

Source : infirmiers.com