Avis mensonge patient en oncologie

[jordan13]

Bonjour à tous,
J'écris ce message car depuis plusieurs jours une chose me questionne profondément, me pose un énorme soucis éthique et je souhaiterai avoir l'avis d'autres professionnels de santé.
Je suis infirmier en onco depuis 2 ans. Récemment nous avons appris que nous allons devoir mentir à un patient.
Je m'explique, nous traitons un patient depuis de longs mois et aucun traitement ne fonctionne, son état s'aggrave. Lors de la consultation avec son oncologue, il apprend qu'il n'y a plus aucun traitement et que c'est la fin. Cependant, le patient insiste et demande à tout prix d'avoir un traitement. L'oncologue est déstabilisé et fini par "céder" en lui disant qu'on nous allions lui faire un traitement. Seulement cela n'est pas vrai. L'oncologue nous apprend donc qu'il souhaite que nous lui fassions du serum phy en lui faisant croire que c'est une chimio. L'équipe est à ce moment là un peu abasourdi mais acquiesce. Mais moi je suis bouleversé et il me semble être le seul à avoir conscience que cela est profondément immoral et contre toute éthique.
Je suis pas dans le jugement mais je vous demande juste votre avis. Pourriez vous regarder ce patient dans les yeux et lui répondre quand il vous demandera : "ça y est on commence là chimio là ?"
Merci infiniment de votre attention et de vos réponses.
Cordialement.

[execho]

Vous pouvez faire confiance parfois à votre jugement et demander à ne pas participer. Sachant que un autre infirmier aura un jugement inverse. En l occurrence cette manœuvre est elle la seule devant une impossibilité tragique à consoler ?

[jordan13]

Merci pour votre réponse.
Vous avez raison, parfois la meilleure solution est de passer la main...
Votre question est très intéressante, cependant il me semble que le patient est le seul à avoir la réponse.

[execho]

il peut y avoir une réponse chimique au soulagement de la douleur morale.

[execho]

le patient peut prendre une bouteille de gin lui même ou bien des tranquillisants mis à sa disposition,ou bien accepter cette douleur (de devoir quitter la vie),ou bien comme votre patient "exiger" un traitement sous peine d'éclater de chagrin.Cet éclatement le médecin veut l'éviter,par sa méthode:serum phy.

[execho]

l'avis des infirmiers de soins palliatifs sera plus éclairé que le mien.

[sergeant poivre et sel]

Bonjour,
Peut-être devriez-vous nuancer votre jugement et vos impressions par rapport à l’éthique?
Vaut-il mieux administrer un placebo ou un traitement inefficace (échappement) qui aura potentiellement plein d’effets secondaires et nuirait à la qualité de vie restante à ce patient?

Perso je trouve étrange cette situation, beaucoup de praticiens essaieraient des traitements alternatifs ne serait-ce que pour la recherche…. relève t-elle réellement, selon vous, d’un certain acharnement thérapeutique, une question d’âge? ? de budget?

[lafolldingue]

Sincèrement cette situation ne me choque pas. Il ne faut pas penser selon ses propres valeurs, mais penser à l'intérêt du patient. Que vaut il mieux faire :
- lui dire c'est terminé, vous allez mourir, même si vous ne le voulez pas c'est comme ça
- lui dire juste ce qu'il a envie d'entendre pour qu'il ait des derniers jours sereins.

Parfois toute vérité n'est pas bonne à dire.

Tant que la famille est au clair sur la situation....

[jordan13]

Merci pour vos réponses c'est très intéressant..
Il est vrai que je me très certainement laissé submergé par mes valeurs et mes principes. Mais je trouve qu'il y a une différence entre dire au patient ce qu'il a envi d'entendre et lui mentir. J'avoue que je ne sais pas si la famille est au courant..

[mnn_34]

Bonjour,
Je suis moi même infirmière en oncologie et je suis désolé, pour ma part administrer du sérum phy en faisant croire au patient que c'est de la chimio je n'ai jamais vu cela et j'ai du mal avec ce concept.. Je comprend le désarroi du patient mais le berner d'illusions avec un "nouveau traitement" qui pour lui va le mener vers une évolution favorable alors que la vérité est tout le contraire.. De mon point de vue, un accompagnement en douceur avec équipe de soins palliatifs et soutient psychologique est plus adapté

[mnn_34]

Bonjour,
Je suis moi même infirmière en oncologie et je suis désolé, pour ma part administrer du sérum phy en faisant croire au patient que c'est de la chimio je n'ai jamais vu cela et j'ai du mal avec ce concept.. Je comprend le désarroi du patient mais le berner d'illusions avec un "nouveau traitement" qui pour lui va le mener vers une évolution favorable alors que la vérité est tout le contraire.. De mon point de vue, un accompagnement en douceur avec équipe de soins palliatifs et soutient psychologique est plus adapté

[Belphéghor]

Je pense que je le ferais pour ma part. Je trouve ça triste, mais beau.

C'est vrai, c'est un mensonge. Mais un mensonge à un homme mourant pour lui épargner des souffrances. Par ailleurs, le sérum phy, c'est un traitement, et le placebo, conceptuellement, et dans ce cas, est un traitement à part entière. Ce n'est pas un simple mensonge, c'est le choix d'administrer un placebo. Ce choix se justifie dans ce cas.

Lisez des études sur le placebo, avant de vous faire votre propre avis.

Il mourra en pensant que vous avez tout essayé, c'est ce qu'il souhaite, c'est mieux pour lui je pense. Il se dira que tout aura été tenté, il n'aura pas ce regret.

De toute façon il est probable qu'il soit sédaté ou décède rapidement, vous n'aurez pas beaucoup le temps de vous poser la question.

Ne le faites pas si vous ne le sentez pas. Moi-même je pense que j'aurais été gênée par l'idée au début de mon exercice, mais plus maintenant que j'ai moi-même connu la maladie, le handicap grave. On évolue...

En tout cas, profitez de cette expérience pour en apprendre sur la vie, la mort, l'humain, et sur vous-même.

[jordan13]

Whaou,
Je suis réconforté de voir que je ne suis pas le seul à trouver cette situation rare, étonnante et ambiguë. Cela fait vraiment réfléchir.
Certains trouvent ça légitime, voir beau, d'autres sont mal à l'aise vis à vis du mensonge. Peut-être que nous jugeons cela par rapport à notre propre prisme, par rapport à ce que nous souhaiterions si nous étions dans la situation du patient. Je suis très heureux de pouvoir échanger avec vous tous.
J'ai envi de rajouter que même si ma vision n'a pas changé, je suis d'avantage nuancé dans ma représentation de cette situation.
Mais une telle décisions, si on part du principe qu'elle est acceptable, ne devrait t elle pas être concertée et murie, en RCP par exemple ? C'est aussi ça qui me gêne je pense, le patient insiste, alors le médecin fini par accepter, en ne prenant pas forcément le temps de réfléchir ou d'avoir l'avis d'autres professionnels. Il n'a certainement pas pu faire autrement à ce moment là et peut être même que c'était la seule ou la meilleure solution à cet instant. Heureusement que les soignants sont tous différents et que certains vont pouvoir pratiquer les soins avec sérénité.

[Belphéghor]

Oui, Jordan, évidemment qu'une telle décision doit être discutée en équipe, puisqu'elle doit faire l'objet d'un débat éthique au plus proche de l'intérêt du patient.

Avez-vous les moyens et les possibilités d'organiser une réunion à ce sujet ?

[jordan13]

Honnêtement cela me paraît compliqué, je vais déjà essayer de m'entretenir avec l'oncologue afin de mieux comprendre et d'avoir plus d'informations. Je vais aussi en parler d'avantage avec l'équipe pluridisciplinaire.
Mais il me semble que maintenant c'est inimaginable de revenir en arrière, dire au patient que finalement on s'est trompé et qu'il n'y a pas de traitement.