Morphine/Ipnovel

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Ninou45
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Morphine/Ipnovel

Message par Ninou45 »

Bonjour. Je suis diplômé ide. Lors de ma première année en IFSI, j’ai fait un stage en SSR. Au cours de se stage, il y avait un patient âgé de 82 ans qui était en fin de vie. Il était atteint de la maladie d’Alzheimer. Le patient ne s’alimentait plus, n’interagissait plus. Il était comme endormie toute la journée en position fœtale (signe de douleur selon la référante à l’époque), pâle. Lors des mobilisations, (pour le change) le patient gardait les yeux fermés mais gémissait. On en a déduis qu’il avait mal. De ce fait, le médecin a décidé de lui donner en PSE 30mg morphine+ 15 mg d’ipnovel dilué dans 45ml d’eau stérile v2. Devant être évalué, l’IDE référante m’a demandé de préparer la seringue afin de m’evaluer. C’est elle qui a mis, par la suite, le pousse seringue en marche. 3 jours plus tard, elle m’avait demandé de faire tout de A à Z : préparer et posé. 3h plus tard le patient décéda. Sur le moment, et encore aujourd’hui, je m’en veut car j’ai l’impression d’avoir participé à son décès. Pourquoi ? Car le médecin avait dit « on va lui donner cela pour le faire partir en douceur » ou « pour le faire partir plus vite » je ne me souviens plus trop. Pensez vous que c’est l’association des deux médicaments qui a entraîné son décès ? Ou est ce que ces médicaments on juste permis de le mettre dans un coma artificiel pour le soulager et c’est sa maladie qui a fait naturellement les choses ? Merci
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Lenalan
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Re: Morphine/Ipnovel

Message par Lenalan »

C'est un "cocktail" fréquent en gériatrie et en soins palliatifs pour les aider à partir en douceur. Et effectivement chez certains ça accélère les choses et ils décèdent dans les heures qui suivent. Mais à quoi ça sert de les laisser souffrir sans rien, quelques jours ou quelques semaines de plus?
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Ninou45
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Re: Morphine/Ipnovel

Message par Ninou45 »

Bah je me dis que si c’est le médicament qui l’a fait partir, on aurait pu lui doser une dose suffisante pour le soulager mais pas assez forte pour le faire partir. Penses tu que cela soit de l’eutanasie passive ? Ou on ne pourra jamais savoir s’il est décédé de sa maladie ou du « cocktail » ?
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lafolldingue
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Re: Morphine/Ipnovel

Message par lafolldingue »

C'est en effet un mélange fréquent, et non, ce n'est pas de l'euthanasie passive, mais le respect du droit à mourir dans la dignité, et donc sans souffrance.
Lorsqu'on administre ce genre de thérapeutique, des objectifs sont définis :
- un objectif de sédation
- un objectif d'analgésie
- les surveillances associées

Dans ces cas il faut surtout prendre en considération
- les thérapeutiques administrés, en connaître les effets secondaires,
- être au clair sur la situation du patient.

Les effets sont patient dépendant, un patient insuffisant rénal éliminera moins bien les morphiniques et benzodiazépines, du coup risque de surdosage.

Pour répondre à ta question, non, tu n'as pas tué ton patient, et la mort fait partie de la vie. C'est là que le soignant a toute sa place. À nous de faire en sorte que le départ soit le plus confortable possible.
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Leopold Anasthase
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Re: Morphine/Ipnovel

Message par Leopold Anasthase »

Avant-propos, il s'agit d'hypnovel, ou encore mieux de midazolam... Là, ça pique un peu les yeux...
Ninou45 a écrit :Je suis diplômé ide. Lors de ma première année en IFSI [...] un patient âgé de 82 ans qui était en fin de vie. [...] 3 jours plus tard, elle m’avait demandé de faire tout de A à Z : préparer et posé. 3h plus tard le patient décéda. [...] j’ai l’impression d’avoir participé à son décès. [...] le médecin avait dit « on va lui donner cela pour le faire partir en douceur » ou « pour le faire partir plus vite » je ne me souviens plus trop. Pensez vous que c’est l’association des deux médicaments qui a entraîné son décès ? Ou est ce que ces médicaments on juste permis de le mettre dans un coma artificiel pour le soulager et c’est sa maladie qui a fait naturellement les choses ?
Bonjour,

Si je comprends bien, on est à plus de deux ans de cet événement. C'est dommage que vous n'en ayez pas parlé plus tôt. Je reste dubitatif sur l'impact d'un échange sur un forum versus un échange in the real life. Mais je vous propose de relever certains éléments que vous écrivez vous-même. Autrement exprimé, vous avez la réponse à la question que vous posez.

82 ans, en fin de vie, ayant une vie de relation plus que limitée... À votre avis, quel était son devenir ?

Des éléments sont en faveur d'une souffrance, je suppose que vous êtes d'accord pour dire que cette souffrance doit être prise en compte.

Vous l'écrivez, le patient a eu 3 jours de ce traitement à base de midazolam et morphine. Il se trouve que la dernière seringue qu'il a reçu est celle que vous avez préparé. Le lien entre votre action et son décès est donc purement chronologique (il n'y a pas de lien de cause à effet).

Est-ce qu'il existait des options thérapeutiques, fusse-t-il en utilisant toutes les ressources thérapeutiques actuelles (chirurgie, hospitalisation en réanimation, médicaments agissant sur les grandes fonctions, intubation, dialyse, circulation extracorporelle…) qui auraient permis à ce patient de retrouver une vie de relation, voire de rentrer chez lui ?

L'option choisie n'est pas « pour le faire partir plus vite ». C'est une option qui lui permet de vivre sans douleur le peu de temps qu'il lui reste à vivre. Il y a une autre expression à la mode, c'est « mourir dans la dignité », Ça sous-entendrait qu'il y a des morts plus dignes que d'autres ? Dans le monde, il y a des millions de personnes qui n'ont pas accès aux thérapeutiques proposées par les pays riches. Est-ce qu'ils sont moins dignes quand ils meurent ?

Ce ne sont que des éléments de réflexion. Vous évoquez un problème difficile, la confrontation à la mort. Ça ne se règle pas en deux coups de cuiller à clic. Il faut en parler, réfléchir, continuer d'en parler, continuer de réfléchir. Votre point de vue peut même changer au fur et à mesure des années, de votre vécu, de votre expérience…

Au total, vous n'en êtes qu'au début du chemin. Mais vous avez fait l'essentiel : y faire le premier pas.
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Maximousse1989
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Re: Morphine/Ipnovel

Message par Maximousse1989 »

Ninou45 a écrit :Bonjour. Je suis diplômé ide. Lors de ma première année en IFSI, j’ai fait un stage en SSR. Au cours de se stage, il y avait un patient âgé de 82 ans qui était en fin de vie. Il était atteint de la maladie d’Alzheimer. Le patient ne s’alimentait plus, n’interagissait plus. Il était comme endormie toute la journée en position fœtale (signe de douleur selon la référante à l’époque), pâle. Lors des mobilisations, (pour le change) le patient gardait les yeux fermés mais gémissait. On en a déduis qu’il avait mal. De ce fait, le médecin a décidé de lui donner en PSE 30mg morphine+ 15 mg d’ipnovel dilué dans 45ml d’eau stérile v2. Devant être évalué, l’IDE référante m’a demandé de préparer la seringue afin de m’evaluer. C’est elle qui a mis, par la suite, le pousse seringue en marche. 3 jours plus tard, elle m’avait demandé de faire tout de A à Z : préparer et posé. 3h plus tard le patient décéda. Sur le moment, et encore aujourd’hui, je m’en veut car j’ai l’impression d’avoir participé à son décès. Pourquoi ? Car le médecin avait dit « on va lui donner cela pour le faire partir en douceur » ou « pour le faire partir plus vite » je ne me souviens plus trop. Pensez vous que c’est l’association des deux médicaments qui a entraîné son décès ? Ou est ce que ces médicaments on juste permis de le mettre dans un coma artificiel pour le soulager et c’est sa maladie qui a fait naturellement les choses ? Merci
Bonjour Ninou,

Infirmier en gériatrie depuis 5 ans je pense pouvoir t'aider à y voir plus clair.
Concrètement tu te demandes si en appliquant la prescription tu n'as pas tué ce monsieur, tu ne comprends pas ou du moins tu n'es pas sûr du raisonnement derrière; c'est normal, les prises en charges palliatives relèvent d'une logique propre, pas du tout évidente à appréhender, a fortiori en première année.

Garde une première chose à l'esprit: quand on est sur du palliatif et que la fin de vie approche on se retrouve souvent confronté à la question suivante : ne pas chercher à sédater/majorer les ATG de peur de précipiter le décès ou le faire en sachant que peut-être la personne décèdera plus tôt car plus endormie, moins réactive, etc.

Mais si on en vient à se poser cette question c'est qu'il y a:

-Une impossibilité de soins purement curatifs (refus de la personne/caractère incurable d'une pathologie).

-Une souffrance, physique, psychique, souvent les deux.

Concrètement on parle d'un stade où on sait que la personne va mourir ET qu'elle souffre.


Ici ce n'est pas le fait que le patient soit âgé et atteint d'un Alzheimer avancé qui entraîne forcément une telle décision, c'est le fait qu'il manifeste son inconfort et son refus des soins.

Refus de s'alimenter, asthénie, gémissements lors des soins et visiblement fermeture à la communication.
La position foetale peut effectivement être un signe, avec des patients non communicants il existe des procédés permettant d'évaluer la douleur (Algoplus notamment), on se base alors sur les postures, l'état d'agitation, le faciès de la personne...il existe plusieurs méthodes, encore faut-il qu'on t'ai expliqué leur intérêt, ça ne tombe pas du ciel "pouf il est en position foetale, on arrête tout".

De ce que je comprends le patient vous communiquait sa souffrance et son refus, même s’il ne le faisait pas avec des mots.

Ce ne sont pas les seuls éléments à prendre en compte bien sûr (état général, présence de plusieurs pathologies ou pas, histoire de la maladie en somme) mais rien qu'avec les quelques souvenirs que vous nous donnez-là il me semble clair que le raisonnement de l'équipe a été : "ok avec ça il partira peut-être plus vite, d'un autre côté il souffre et on ne le guérira pas alors...on y va ?La priorité maintenant c'est son confort"

Qui plus est les doses que tu évoques sont des doses thérapeutiques, utilisées pour soulager des douleurs aigues et soulager des angoisses importantes (+effet myorelaxant de l'Hypnovel), il est parfois nécessaire de monter bien plus haut et sans forcément qu'on soit en palliatif, même chez des petits gabarits, même chez des personnes âgées.
C'est donc un "cocktail" qui n'est pas anodin mais ce n'est pas un cocktail lythique, rassure-toi absolument sur ce point.

Il est décédé 3h après que tu aies changé la seringue ? Son décès était attendu, ça aurait pu être 2 jours après, une semaine après ou le matin avant ton arrivée.
Tu n'as pas tué ce monsieur, ça je peux te l'assurer, tu as aidé l'équipe à tenter de le soulager.
Sans cette intervention il aurait peut-être vécu un peu plus ? Mais dans quelles conditions ? Il serait mort en souffrant, ça oui ; là il a eu une chance de partir sans avoir mal, sans angoisser,.

As-tu pu en discuter avec l'équipe qui t'encadrait à l'époque ? Avec des formatrices ? Vu que ça te tourmente encore des années après il semblerait que non.

Tu as bien fait de venir en parler ici en tout cas.

J'ajouterai qu'actuellement je suis en SSR Gériatrique (comme toi en première année) et normalement SSR = RÉADAPTATION.
Sauf qu'en gériatrie ben...on a de tout, entre la mamie totalement cohérente avec quasi aucun ATCD qui vient pour faire de la kine et se ré-autonomiser après une fracture de l'épaule et le monsieur en phase terminale d'un cancer qui refuse de continuer la chimio il peut y avoir un monde et cet intitulé est donc trompeur.

J'espère que nous avons pu t'aider à y voir plus clair, sache qu'il existe des formations sur les SP et la douleur où ces questions sont abordées en détail, y compris au point de vue de l'éthique.


Cordialement

Maxime
La gériatrie c'est la vie!
Ninou45
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Re: Morphine/Ipnovel

Message par Ninou45 »

Merci à tous d’avoir pris le temps de me répondre. A l’époque, étant en première année, j’avais du mal à m’affirmer et j’etais Très timide. Cela c’est Passé il y a maintenant 6ans. J’en avais parlé à l'époque à ma formatrice sans avoir trop d’élément de réponse. Merci à vous
sim89
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Re: Morphine/Ipnovel

Message par sim89 »

Bonjour

Ta question est très juste, et je rejoins l'ensemble des personnes qui t'ont répondu.

Pour avoir effectuer des stages en cancérologie, soins palliatifs... et travaillant actuellement en réa, c'est en effet des thérapeutiques que l'on met en place dans ce cadre (on rajoute parfois de la Scopolamine). Le but est d'accompagner le patient afin qu'il soit le plus confortable possible (Réduire au maximum la douleur, les angoisses de mort...).
L'hypnovel est parfois utiliser pour passer des cap (anxiété majeur...)

La prise en charge palliative, pour le soignant nécessite souvent une prise de recul, une réflexion et de l'expérience.
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