Intubation en pré hospitalier et décret de compétence
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Intubation en pré hospitalier et décret de compétence
Bonjour,
Je planche sur un devoir juridique.
Habituellement je me balade avec le décret 2004-802 et son article R4311-14, mais là j'ai un doute et il faut m'aider.
Qu'est ce qui autorise dans notre décret 2004-802, l'IADE à intuber en pré hospitalier hors la présence d'un médecin ?
Il n'y a rien dans le R4311-7 relatif au rôle prescrit et heureusement (car il n'est pas spécifique aux IADE)
Le 4311-12 relatif au champs de compétence exclusif de l'IADE parle bien de protocole d'anesthésie générale (qui sous entend l'intubation ?) mais on est trop éloigné des situations de détresse respiratoire du pré hospitalier.
Donc ma réponse est la suivante:
L'article R4311-14 permet à l'IDE, hors présence du médecin de mettre en oeuvre des protocoles de soins pré établi. Hors protocole, la seconde partie de l'article permet à l'IDE de décider des gestes à mettre en oeuvre (dans la limite de ses compétences).
Donc, l'intubation étant reconnue dans le champs de compétence de l'IADE, ce geste peut être protocolisé pour l'IADE en pré hospitalier (et ce même si un médecin réanimateur n'est pas présent ?). Si aucun protocole n'a été écrit, l'IADE peut encore décider d'effectuer ce geste en vertu de la seconde partie de l'article 4311-14.
L'IDE non IADE n'a jamais le droit d'intuber et ce qu'elle que soit la situation.
Je planche sur un devoir juridique.
Habituellement je me balade avec le décret 2004-802 et son article R4311-14, mais là j'ai un doute et il faut m'aider.
Qu'est ce qui autorise dans notre décret 2004-802, l'IADE à intuber en pré hospitalier hors la présence d'un médecin ?
Il n'y a rien dans le R4311-7 relatif au rôle prescrit et heureusement (car il n'est pas spécifique aux IADE)
Le 4311-12 relatif au champs de compétence exclusif de l'IADE parle bien de protocole d'anesthésie générale (qui sous entend l'intubation ?) mais on est trop éloigné des situations de détresse respiratoire du pré hospitalier.
Donc ma réponse est la suivante:
L'article R4311-14 permet à l'IDE, hors présence du médecin de mettre en oeuvre des protocoles de soins pré établi. Hors protocole, la seconde partie de l'article permet à l'IDE de décider des gestes à mettre en oeuvre (dans la limite de ses compétences).
Donc, l'intubation étant reconnue dans le champs de compétence de l'IADE, ce geste peut être protocolisé pour l'IADE en pré hospitalier (et ce même si un médecin réanimateur n'est pas présent ?). Si aucun protocole n'a été écrit, l'IADE peut encore décider d'effectuer ce geste en vertu de la seconde partie de l'article 4311-14.
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Membre de la confrérie du Mardi
Un mardi, d'accord, mais quand un mardi ? A quelle heure un mardi ?
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Tout à fait d'accord avec votre interprétation. En présence d'un médecin, l'iade intube dans le cadre de l'article sur les gestes que l'on peut faire en présence d'un médecin, alinéa "actes mis en oeuvre pour faire face à une détresse vitale" (citation approximative). Hors présence d'un médecin, l'iade intube dans le cadre d'un protocole d'urgence, ou hors protocole dans le cadre de l'article 4311-14 alinéa 2. Dans le cadre de cet article, l'iade peut justifier être formé à l'intubation, puisque c'est un geste qu'il pratique régulièrement.
Dans tous les cas, protocole ou pas, la vraie question à se poser, c'est "est-ce que ça va être profitable au patient, et pourquoi ?". Parce que c'est ça que vous demandera le juge : pourquoi l'avez-vous fait, ou pourquoi vous ne l'avez pas fait.
Dans tous les cas, protocole ou pas, la vraie question à se poser, c'est "est-ce que ça va être profitable au patient, et pourquoi ?". Parce que c'est ça que vous demandera le juge : pourquoi l'avez-vous fait, ou pourquoi vous ne l'avez pas fait.
- Dop@mine
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Faisons nous les avocats du diable.
L'infirmier ou l'infirmière, anesthésiste diplômé d'Etat, est seul habilité, à condition qu'un médecin anesthésiste-réanimateur puisse intervenir à tout moment, et après qu'un médecin anesthésiste-réanimateur a examiné le patient et établi le protocole, à appliquer les techniques suivantes :
1° Anesthésie générale
Je sais bien que quand on passe la porte des urgences on ne fait plus d'anesthésie, mais de la sédation (hum hum).
Mais le fait d'injecter des médicaments pour intuber, c'est bien une anesthésie, même dans le cadre d'une UV non ?
Dans la mesure ou l'indication d'une ISR est déjà discutée dans le corps médical, je trouve que le point de vue ci-dessus se défend, mais c'est tout de même tendre de jolis bâtons...
Alors oui, sur le papier, cela se défend. Sur le terrain essayez déjà de faire valoir votre point de vue lorsque les arguments se bornent à "moi médecin, toi infirmier, toi pas contredire, moi décider". Le problème, c'est que si le médecin, sans avoir vu le patient et sans être présent au moment voulu décide que vous ne deviez pas intuber vous êtes dans une belle m.... tout de même. J'ai déjà vu des collègues se faire allumer juste parce qu'ils rappelaient les règles du service (protocoles médicaux) aux internes SMUR qui se promènent tout seuls. Et ils n'étaient pas connus pour gueuler sur le gens.
L'infirmier ou l'infirmière, anesthésiste diplômé d'Etat, est seul habilité, à condition qu'un médecin anesthésiste-réanimateur puisse intervenir à tout moment, et après qu'un médecin anesthésiste-réanimateur a examiné le patient et établi le protocole, à appliquer les techniques suivantes :
1° Anesthésie générale
Je sais bien que quand on passe la porte des urgences on ne fait plus d'anesthésie, mais de la sédation (hum hum).
Mais le fait d'injecter des médicaments pour intuber, c'est bien une anesthésie, même dans le cadre d'une UV non ?
Dans la mesure ou l'indication d'une ISR est déjà discutée dans le corps médical, je trouve que le point de vue ci-dessus se défend, mais c'est tout de même tendre de jolis bâtons...
Alors oui, sur le papier, cela se défend. Sur le terrain essayez déjà de faire valoir votre point de vue lorsque les arguments se bornent à "moi médecin, toi infirmier, toi pas contredire, moi décider". Le problème, c'est que si le médecin, sans avoir vu le patient et sans être présent au moment voulu décide que vous ne deviez pas intuber vous êtes dans une belle m.... tout de même. J'ai déjà vu des collègues se faire allumer juste parce qu'ils rappelaient les règles du service (protocoles médicaux) aux internes SMUR qui se promènent tout seuls. Et ils n'étaient pas connus pour gueuler sur le gens.
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Certains disent que non, mais je trouve que si c'est pas de l'anesthésie, c'est bien imité ;-)Dop@mine a écrit :Mais le fait d'injecter des médicaments pour intuber, c'est bien une anesthésie, même dans le cadre d'une UV non ?
Nous parlons donc uniquement du cas où l'iade intube en-dehors de la présence d'un médecin. Il peut exister plusieurs cas de figure :Dop@mine a écrit :Le problème, c'est que si le médecin, sans avoir vu le patient et sans être présent au moment voulu décide que vous ne deviez pas intuber vous êtes dans une belle m.... tout de même.
1) Patient en acr. Il ne nécessite pas de médicaments pour l'intuber. L'indication est indiscutable (presque tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut intuber un acr).
Ne surtout pas penser qu'on peut l'intuber le coeur léger. Il faut respecter les priorités : l'alerte, masser, utilisation du dsa, ventilation. Une fois arrivé à la case "intubation" dans les recommandations sur l'acr, on peut le faire à condition de ne pas perturber le reste. Par exemple, si nous ne sommes que deux personnes sur place, faut-il intuber et perfuser, au risque de mal faire le mce ?
Vous l'avez intubé avec succès. Il y aura peut-être un grand docteur qui vous cherchera des noises, mais vous pouvez laisser dire. Quel expert écrira qu'il ne fallait pas intuber ce patient ? Quel juge vous reprochera d'avoir fait un geste que vous savez faire et qui rend service au patient ?
Inversement, vous n'arrivez pas à l'intuber (ou à le perfuser). Si on ne vous reprochera pas d'avoir essayé, on peut vous reprocher de vous être acharné, ou d'avoir fait des dégâts importants (j'entends pas là quelque chose de plus grave que de péter une dent). Parce que là, vous n'aurez pas rendu service au patient.
2) Patient nécessitant une intubation avec induction en séquence rapide.
Là, en-dehors d'un protocole clair et précis, je serais très prudent en effet. D'abord parce que ça nécessite beaucoup de mains qualifiées. Est-ce qu'on peut faire bien sans aide qualifiée (donc tout seul) ce qu'on fait généralement à deux personnes qualifiées ?
Le minimum à obtenir sera donc l'aval (par radio ou de préférence par téléphone, c'est plus discret) de la régulation. Il ne s'agit pas d'une assurance absolue (la bande peut être malencontreusement effacée), mais si vous pensez que l'intubation rendrait vraiment service à votre patient, ça permet d'exposer vos raisons et d'avoir un avis.
J'ai eu un conflit de ce type une fois. J'ai laissé le médecin exposer son point de vue "tu n'as pas à discuter la décision médicale, même si c'est un interne". Quand il a terminé, je lui ai posé la question autrement : est-ce que j'aurais mieux fait de laisser faire ? Et surtout, est-ce que ma façon de faire avait rendu service au patient ? La réponse a été "non" et "oui". Et le différend s'est arrêté là.Dop@mine a écrit :J'ai déjà vu des collègues se faire allumer juste parce qu'ils rappelaient les règles du service (protocoles médicaux) aux internes SMUR qui se promènent tout seuls.
Vous rencontrerez des tordus. J'aimerais penser que le fait d'avoir bien agit vous prémunit à coup sûr contre les coups tordus des tordus, mais hélas ça n'est pas vrai. Alors, qu'est-ce qu'il nous reste ? Il nous reste notre conscience professionnelle : se poser la question de ce qui est bien pour le patient.
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C'est effectivement le cas le plus trivial et le plus évident. De façon amusante, il fait l'objet d'un protocole chez moi alors que c'est certainement celui qui pose le moins de problème. Le protocole a au moins le mérite d'exister et d'exposer clairement les choses (notamment les priorités que vous évoquez un peu plus bas).1) Patient en acr. Il ne nécessite pas de médicaments pour l'intuber. L'indication est indiscutable (presque tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut intuber un acr).
Ce qui n'est ni pire ni moins bien que de partir en vrille en présence d'un médecin. Cela ne me pose aucun problème, dans la mesure ou je me sens investi de la même responsabilité à ces égards que lorsque j'ai un médecin avec moi pendant une induction. Je foire, j'assume.Inversement, vous n'arrivez pas à l'intuber (ou à le perfuser). Si on ne vous reprochera pas d'avoir essayé, on peut vous reprocher de vous être acharné, ou d'avoir fait des dégâts importants (j'entends pas là quelque chose de plus grave que de péter une dent). Parce que là, vous n'aurez pas rendu service au patient.
Concernant le téléphone, je trouve toujours étonnant qu'on puisse égarer ou effacer des enregistrement numériques. Mon SDIS nous demande de passer par le 18 qui rebascule sur le 15 pour disposer d'un double enregistrement. Le problème, c'est que le rapport signal bruit devient très inconfortable pour le régulateur du SAMU. Je suis obligé de hurler dans le téléphone. Donc je fais le 15 directement et je prend mes responsabilités (une fois de plus). Je ne suis pas sûr qu'il soit très en faveur d'un SAMU de dire que les bandes sont malencontreusement effacées en cas de litige. Et si j'ai foiré et que c'est enregistré, il est normal que j'assume.Le minimum à obtenir sera donc l'aval (par radio ou de préférence par téléphone, c'est plus discret) de la régulation. Il ne s'agit pas d'une assurance absolue (la bande peut être malencontreusement effacée), mais si vous pensez que l'intubation rendrait vraiment service à votre patient, ça permet d'exposer vos raisons et d'avoir un avis.
L'intérêt du patient est un argument de choix. J'aime mon métier, mais le fait d'avoir certains indélicats (je reste politique pour le vocabulaire) dans les troupes est épuisant. Comment pourrions nous juger de l'intérêt du patient, sans être médecins ? Vous et moi connaissons les réponses. Mais les arguments de sociétés "savantes" (SFMU, SFAR) montrent bien tout le dédain que nous portent ceux là même qui nous croisent tous les jours et travaillent avec nous.
Pour y aller de mon histoire de chasse (et ce qui motive en partie mes propos) concerne justement une situation ou l'interne décidait d'une intubation sans en informer la régulation. Chose qui devait être systématiquement faite. Si l'interne sort "seul" (ce qui est illégal) il doit au moins référer des gestes importants au senior qui régule. L'IADE a eu l'outrecuidance de le lui faire remarquer avant qu'il ne saute sur le laryngo.Vous rencontrerez des tordus. J'aimerais penser que le fait d'avoir bien agit vous prémunit à coup sûr contre les coups tordus des tordus, mais hélas ça n'est pas vrai. Alors, qu'est-ce qu'il nous reste ? Il nous reste notre conscience professionnelle : se poser la question de ce qui est bien pour le patient.

Les tenants et les aboutissants de la chose sont peu intéressants. C'est la manière de gérer l'affaire qui m'interpelle. Le résultat est un manque total de confiance dans le service...

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Inversement, vous n'arrivez pas à l'intuber (ou à le perfuser). Si on ne vous reprochera pas d'avoir essayé, on peut vous reprocher de vous être acharné [...]. Parce que là, vous n'aurez pas rendu service au patient.
Ahemmm. La grosse différence, c'est que vous étiez seul à prendre la décision. Si vous êtes avec un médecin, vous étiez deux.Dop@mine a écrit :Ce qui n'est ni pire ni moins bien que de partir en vrille en présence d'un médecin.
Encore une fois, le problème n'est pas le geste foiré, mais la mauvaise décision. Dans le cadre de l'article 4311-14, s'il y a un protocole, il y a la décision de le mettre en oeuvre et sa mise en oeuvre. Dans le cadre de l'alinéa 2, il y a la décision de l'iade pour tout, et la mise en oeuvre, et la réévaluation, et l'information du samu au fur et à mesure etc.
Il faut savoir que contrairement à une légende, il n'existe aucune obligation légale d'enregistrer. Si tous les samu le font, c'est dans leur intérêt. Donc on peut tout à fait imaginer que quelqu'un ait la tentation d'effacer un enregistrement qui ne serait pas dans son intérêt.Dop@mine a écrit :Concernant le téléphone, je trouve toujours étonnant qu'on puisse égarer ou effacer des enregistrement numériques.
Avec ses moyens, ses connaissances, et l'aide éventuelle d'un médecin au bout du fil. Bref, avec le truc qui se situe entre nos oreilles.Dop@mine a écrit :Comment pourrions nous juger de l'intérêt du patient, sans être médecins ?
Je pense que, pour le juge, la question peut se poser autrement : en cas d'abstention, comment expliquer au juge que vous n'avez pas intubé alors que vous saviez que ça aurait rendu service au patient, et que vous étiez compétent ?
Dernière modification par Leopold Anasthase le 07 sept. 2008 16:35, modifié 1 fois.