La sensibilité est-elle irrémédiable dans le métier ?
Modérateurs : Modérateurs, Infirmiers
Re: La sensibilité est-elle irrémédiable dans le métier ?
J'ai un peu vécu la même chose.. On m'a annoncé le décès d'un enfant alors que je n'y attendais pas...audy78 a écrit :Antoni 4 ans. A vécu à l'hôpital toute sa vie.
En service de soins intensifs de chirurgie viscérale. Peut enfin se faire opérer.
Je suis en stage, je reviens de mon week-end. Un mois que je m'occupe de lui.
"Il est où Antoni?" réponse "Il est mort".
J'ai demandé à aller le voir à la morgue avec l'aide soignante. 1er enfant mort que je voyais. (et 2ème mort de ma vie)
Enormément de pleurs et puis au bout de propablement quelques minutes je l'ai regardé et j'ai souri: il était enfin "libre" de cette vie de souffrance, tout beau dans son petit pyjamas avec plein de doudous autour.
C'est ma seule expérience, mais je sais que je suis restée très sensible après pour le reste du stage. Et ça ne me choque pas
j'ai demandé à aller le voir et ça m'a fait du bien de le voir si calme, si apaisé, sans souffrances...
Je te comprends parfaitement Audy...

Infirmière puéricultrice
Re: La sensibilité est-elle irrémédiable dans le métier ?
témoignage très touchant, effectivement.
Quelqu'un sur ce forum a parlé d'un lien entre l"hypersensibilité" (ou son extériorisation) et le manque de confiance en soit, la peur d'être jugée. Je pense aussi que le fait de croire en soi peut nous faciliter à faire notre carapace, non ?
Est-ce le stage d'observation est franchement parlant quant au choix du métier d'infirmier, et du fait de "supporter" la détresse, le sang, etc ?
Quelqu'un sur ce forum a parlé d'un lien entre l"hypersensibilité" (ou son extériorisation) et le manque de confiance en soit, la peur d'être jugée. Je pense aussi que le fait de croire en soi peut nous faciliter à faire notre carapace, non ?
Est-ce le stage d'observation est franchement parlant quant au choix du métier d'infirmier, et du fait de "supporter" la détresse, le sang, etc ?
Re: La sensibilité est-elle irrémédiable dans le métier ?
J'ai aussi vécu le décès d'un enfant de 9 ans, qui est décédé accidentellement au ski : il a été transféré au dépositoire de l'hôpital et nous avons été appelés dans mon service pour le "rendre présentable" pour ses parents...O°Mystiq°O a écrit :J'ai un peu vécu la même chose.. On m'a annoncé le décès d'un enfant alors que je n'y attendais pas...audy78 a écrit :Antoni 4 ans. A vécu à l'hôpital toute sa vie.
En service de soins intensifs de chirurgie viscérale. Peut enfin se faire opérer.
Je suis en stage, je reviens de mon week-end. Un mois que je m'occupe de lui.
"Il est où Antoni?" réponse "Il est mort".
J'ai demandé à aller le voir à la morgue avec l'aide soignante. 1er enfant mort que je voyais. (et 2ème mort de ma vie)
Enormément de pleurs et puis au bout de propablement quelques minutes je l'ai regardé et j'ai souri: il était enfin "libre" de cette vie de souffrance, tout beau dans son petit pyjamas avec plein de doudous autour.
C'est ma seule expérience, mais je sais que je suis restée très sensible après pour le reste du stage. Et ça ne me choque pas
j'ai demandé à aller le voir et ça m'a fait du bien de le voir si calme, si apaisé, sans souffrances...
Je te comprends parfaitement Audy...
Comme j'étais la seule IDE (donc au grade le plus élévé à ce moment-là) dans le service, je me suis fait un devoir d'y aller avec une AS ancienne volontaire.
C'est le pire moment de ma vie, je me suis occupée de lui en pleurant.
Il avait l'âge de mon fils et en rentrant chez moi le soir, j'ai serré mon petit gars dans mes bras, il se demandait ce qui se passait, le pauvre et je lui ai expliqué.
Comme je le disais plus haut, la mort d'un enfant m'est intolérable.
"Il suffit de nous regarder pour voir comment une forme de vie intelligente peut se développer d'une manière que nous n'aimerions pas rencontrer."
Stephen HAWKING
Stephen HAWKING
Re: La sensibilité est-elle irrémédiable dans le métier ?
Je ne crois pas qu'on puisse "s'habituer" à la souffrance...pas moi en tous cas, et même après 30 ans d'exercice dans le milieu médical. Je trouve d'ailleurs le terme horrible...Ma 1ère réponse était axée autour de notre réaction vis à vis de la souffrance des malades, des familles endeuillées dans les lieux médicaux. Je voudrais l'étendre au-delà de notre lieu de travail, même si je fais, peut-être un petit "hors sujet" :Bonnie Parker a écrit :Salut !
Je suis dans le même cas qu' Elisa04. Et malgré vos réponses, je m'hésite encore. Je suis tout à fait d'accord que la sensibilité est une bonne chose pour exercer ce métier, mais quand elle est excessive, en est-il de même?...Je me doute bien qu'on s'habitue, mais n'y en a t-il pas sur ce forum qui ne se sont jamais habitués?...
Je ne supporte pas la souffrance en général. Voici quelques exemples : la souffrance d'un être humain rejetté par un groupe social parcequ'il pense différemment, celle d'un immigré ayant vécu toute sa vie en France et sommé de "rentrer dans son pays", celle de l'enfant qui a eu la malchance de naître dans un pays où on crève de faim, celle du malade qui sait qu'il va mourir car il n'a pas de fric pour se soigner etc....la liste est longue. La souffrance ne se donne pas toujours à voir, bien en évidence, sur un lit d'hôpital...Elle est partout.
Et pourtant, nous réussissons à vivre...chacun à sa façon. Moi, j'essaie d'apporter ce que j'ai, ce que je peux (à travers les soins, dans mon métier) tout en essayant de me protéger en permanence. C'est possible dans la vie...pourquoi en serait-il autrement dans un milieu hospitalier ? Je ne fais que vous poser la question...Je ne détiens pas les réponses...et j'entend bien la question initiale à laquelle je répondrais : la sensibilité est non seulement compatible mais souhaitable dans l'exercice de notre profession. Cependant, chaque personne étant différente et particulière, on est seul face à nous-même pour savoir si on peut utiliser cette sensibilité de manière constructive en tant que soignant.


Re: La sensibilité est-elle irrémédiable dans le métier ?
Je pense qu'elle l'est pour tout le mondeJo a écrit :O°Mystiq°O a écrit :
Comme je le disais plus haut, la mort d'un enfant m'est intolérable.

Pour ma part, bossant en réa péd, je savais que j'y serais confrontée de toutes manières...
Infirmière puéricultrice
Re: La sensibilité est-elle irrémédiable dans le métier ?
J'ai aussi vécu le décès d'un enfant de 9 ans, qui est décédé accidentellement au ski : il a été transféré au dépositoire de l'hôpital et nous avons été appelés dans mon service pour le "rendre présentable" pour ses parents...
Comme j'étais la seule IDE (donc au grade le plus élévé à ce moment-là) dans le service, je me suis fait un devoir d'y aller avec une AS ancienne volontaire.
C'est le pire moment de ma vie, je me suis occupée de lui en pleurant.
Il avait l'âge de mon fils et en rentrant chez moi le soir, j'ai serré mon petit gars dans mes bras, il se demandait ce qui se passait, le pauvre et je lui ai expliqué.
Comme je le disais plus haut, la mort d'un enfant m'est intolérable.[/quote]
Eh bien Jo, là c'est toi qui vient de me faire un peu pleurer...
Moi je voudrais qu'ils soient tous heureux, qu'aucun ne meurrent avant l'âge adulte, que les maltraitances et sévices n'existent pas... mais ce fameux stage en chir viscérale et mon stage en PMI dernièrement m'ont découragée...
Mais je garde ma sensibilité quand même et si jamais un jour elle s'en va, je changerai de services (hors de question de me blinder)
Comme j'étais la seule IDE (donc au grade le plus élévé à ce moment-là) dans le service, je me suis fait un devoir d'y aller avec une AS ancienne volontaire.
C'est le pire moment de ma vie, je me suis occupée de lui en pleurant.
Il avait l'âge de mon fils et en rentrant chez moi le soir, j'ai serré mon petit gars dans mes bras, il se demandait ce qui se passait, le pauvre et je lui ai expliqué.
Comme je le disais plus haut, la mort d'un enfant m'est intolérable.[/quote]
Eh bien Jo, là c'est toi qui vient de me faire un peu pleurer...
Moi je voudrais qu'ils soient tous heureux, qu'aucun ne meurrent avant l'âge adulte, que les maltraitances et sévices n'existent pas... mais ce fameux stage en chir viscérale et mon stage en PMI dernièrement m'ont découragée...
Mais je garde ma sensibilité quand même et si jamais un jour elle s'en va, je changerai de services (hors de question de me blinder)
Audrey, infirmière puéricultrice aux urgences pédiatriques!!!