TFE liberté du soignant frein à la relation en secteur fermé

Postez ici tous vos messages en rapport avec la réalisation de vos travaux : Travail de Fin d'Etude, Travail d'Interet Professionnel, Travaux de recherche, mémoires...

Modérateurs : Modérateurs, ESI - TFE

Répondre
Maltese
Messages : 12
Inscription : 28 sept. 2012 16:28

TFE liberté du soignant frein à la relation en secteur fermé

Message par Maltese »

Bonjour, j'essaie actuellement de définir précisément une question de départ pour mon travail de fin d'année, et je souhaiterai bénéficier de conseils de lectures qui me permettraient de pousser "ma réflexion" sur les concepts en jeu dans une situation vécue en stage que je vous présente ici:


Une des situations ayant fait émerger mon questionnement se déroule dans une Unité pour Malades Difficiles.

Mr S. est diagnostiqué comme étant schizophrène depuis quelques mois, mais il a passé le plus « clair » de sa vie en institution. Il est cependant difficile de comprendre son trajet, le flou régnant même autour de son age véritable. La fréquence avec laquelle change la définition médicale de son état porte évidemment préjudice à la cohérence d'équipe, fondamentale dans ce type de structure, mais est avant tout anxiogène pour ce patient, véritable « cas d'école » du rationalisme morbide.

Il est très rationaliste du fait de sa totale anosognosie ( il s'approprie certains symptômes comme l'ambivalence, et accepte le statut de « patient » mais est incapable de reconnaître ses crises délirantes ), comme le montrent les citations suivantes, semblant parfois se faire l'écho du bagage de réflexions autour du soin psychiatrique qu'il a pu recevoir d'un service à l'autre...

« En quoi ton esprit il comprend mieux le monde que le mien ? »
« Comme ma maladie n'est pas considérée comme telle au Sénégal, je ne serais plus psychotique si vous me laissez y repartir »
« Finalement je pense que c'est vous tous qui êtes schizophrènes, moi je suis normal, vous êtes juste plus nombreux a réussir à croire que vous vous comprenez »

Il m'est déjà compliqué de répondre à ces constats/interprétations faisant résonner certaines de mes conceptions embryonnaires de la santé mentale sans laisser transparaitre le désarroi dans lesquelles elles me plongent, ce qui serait aussi anxiogène pour Mr S.
Mais lors de nos derniers entretiens, ciblé plus particulièrement en tant qu'actuel interlocuteur, confronté à cette concrète différence remettant en cause la crédibilité de la sincère empathie que je portait à Mr S, deux phrases m'ont davantage marqué :

« Toi aussi tu deviendrai fou si tu restais toujours ici, mais tu peux oublier dès que tu es dehors »
« Tu penses vraiment que je ne pourrais pas vivre autrement, ailleurs ? C'est pas une vie ici »


Les difficultés que j'ai pu rencontrer suite à ces « accusations » sont survenues en deux temps :

lors de ces entretiens j'ai laissé transparaître mon incompréhension de la situation de Mr S, je l'ai laissé m'entraîner sur un sujet ou je savais que je ne pourrais pas être « dans le soin » puisqu'incapable de rationaliser nos situations respectives autrement que par la nécessité de le protéger lui-même et la société l'un de l'autre. Je l'ai vécu comme un échec sur le moment et notre relation en a visiblement été affectée, Mr S me sollicitant moins par la suite pour des entretiens informels.
Je me suis ensuite aperçu que cette nouvelle distance me convenait, car elle me permettait de ne pas me remettre en échec en générant de nouveau l'angoisse du patient. Ce sujet n'a pas été repris par la suite lors des entretiens formels que j'ai pu mener avec l'équipe soignante.





Mon questionnement porte donc sur les attitudes adoptées par les soignants pour définir leur rôle auprès des patients et éviter de mettre en jeu la relation soignant-soigné: je me suis senti très loin de mon idéal professionnel en "assumant" ce rôle de double-maton ( ahah... )

PS: si je vous semble à un quelconque moment jugeant ou si le comportement que je décrit vous interpelle, merci de me le faire savoir

PPS: si le sujet vous semble vraiment trop casse gueule, dîtes le moi aussi, il est encore temps que j'en change :)
Avatar de l’utilisateur
augusta
Star VIP
Star VIP
Messages : 10435
Inscription : 23 mai 2008 19:29
Localisation : Dans les livres et aussi ailleurs.

Re: La liberté du soignant, frein à la relation en secteur f

Message par augusta »

Bonsoir,

Pour moi, ta situation n'est pas écrite de façon très claire. On s'y perd un peu....pour ne pas dire que par moment on n'y comprend carrement rien (excuse-moi d'être franche).
Le propre d'un patient psychotique est bien de ne pas avoir conscience de sa maladie.
Quant au diag médical....il est très long à établir, parfois effectivement il change...mais est-ce réellement important de poser une étiquette sur un patient?

Attention aux termes employés: il n'est pas rationnaliste...il semble rationnaliste; accusations est un terme impropre....

Bon courage... je ne vois pas trop où tu veux en venir...
Il faudrait l'avis de Benji....
"Penser, c'est penser jusqu'où on pourrait penser différemment" Michel Foucault
Maltese
Messages : 12
Inscription : 28 sept. 2012 16:28

Re: La liberté du soignant, frein à la relation en secteur f

Message par Maltese »

C'est pas moi qui lui colle une étiquette, c'est lui-même qui s'attache à nommer sa pathologie, bien qu'il ne la reconnaisse pas. Comme elle change de définition dans le temps, cela l'angoisse et ne favorise pas l'étayage.

Il ne semble pas rationnaliste, il l'est, même si rapidement la diffluence du discours rend ce dernier hermétique.

J'ai posé le terme accusations entre guillemets pour bien faire entendre que c'était moi-même qui les avait perçues de la sorte, je ne pense effectivement pas qu'il les formulait ainsi, c'est plutôt mon incapacité à y répondre qui l'a déçu.

Pour ce qui est de la clarté de ma situation... Je ne peux que te rejoindre, et ta franchise se passe allègrement d'excuses :) En tous cas merci d'avoir pris la peine de la lire, pour reberbative qu'elle soit. Je vais essayer de la rendre plus compréhensible.

Mon sujet restant grosso modo : la liberté du soignant ne peut-elle être qu'un frein à la relation soignant soigné en milieu fermé ? ( avec une personne détenue, SDRE ou SDT... ) Et comment surmonter cette différence pour se replacer dans le soin ?
Avatar de l’utilisateur
augusta
Star VIP
Star VIP
Messages : 10435
Inscription : 23 mai 2008 19:29
Localisation : Dans les livres et aussi ailleurs.

Re: La liberté du soignant, frein à la relation en secteur f

Message par augusta »

Je pense qu'il y a matière pour entreprendre un TFE, mais j'ai l'impression que l'angle par lequel tu l'abordes n'est pas le bon.

De quelle "liberté du soignant" parles-tu? (je pense comprendre mais c'est juste pour vérifier!)

J'édite juste pour rajouter que dans la question que tu proposes tu fais part de ton avis. Tu pars d'emblée sur un fait établi: la liberté du soignant serait déjà un frein à la relation soignant-soigné.
Or tu n'en sais rien.
Tu t'es trouvé démuni face à ce patient, lors d'un entretien.

Si tu voulais continuer dans cette voie (mais est-elle bonne?), il faudrait que tu formules les choses plutôt comme:
En quoi la liberté du soignant pourrait être un frein....
"Penser, c'est penser jusqu'où on pourrait penser différemment" Michel Foucault
Maltese
Messages : 12
Inscription : 28 sept. 2012 16:28

Re: La liberté du soignant, frein à la relation en secteur f

Message par Maltese »

C'est effectivement là encore mal formulé, mais je peux cette fois incriminer la limitation de caractères dans le titre... Ma question de départ devrait plus ressembler à " La liberté du soignant peut-elle être un frein à sa relation avec un patient de secteur fermé ?"
Sa liberté se comprenant ici comme sa capacité à sortir de la structure en question et d'avoir une vie à l'extérieur.

Mon avis n'a pas sa place dans cette question de départ, il ne me semble significatif que parce que la situation décrit mon échec. Il ne serait pas celui-ci si, comme tu l'as bien compris, je ne m'étais pas trouvé démuni.
Je ne pense pas qu'il parasitera mes futures recherches si j'arrive à formuler correctement mon questionnement, comme tu m'y pousses en me faisant part de tes remarques. Un grand merci pour ce premier pas :p
Avatar de l’utilisateur
augusta
Star VIP
Star VIP
Messages : 10435
Inscription : 23 mai 2008 19:29
Localisation : Dans les livres et aussi ailleurs.

Re: La liberté du soignant, frein à la relation en secteur f

Message par augusta »

C'est un questionnement très surprenant!
Qu'en penses ta guidante?

Dans l'absolu c'est vrai pour tous patients: ils restent en hospi (parce qu'ils ont besoin de soins) alors que le soignant rentre chez lui après son taf.
En ce qui concerne la psy, j'ai déjà entendu des patients évoquer cela (que pour nous c'était facile, qu'on sortait comme on voulait etc...). Sauf que eux sont patients, et nous soignants. Si pour eux ce n'est pas clair, pour nous ça l'est!!!! (et c'est recadré direct).
Donc intellectuellement ton questionnement est intéressant, mais dans l'absolu je ne sais pas si ça vaut le coup de se pencher dessus pour un TFE. Seule ta guidante peut t'aider sur ce point.
"Penser, c'est penser jusqu'où on pourrait penser différemment" Michel Foucault
Maltese
Messages : 12
Inscription : 28 sept. 2012 16:28

Re: TFE liberté du soignant frein à la relation en secteur f

Message par Maltese »

Mais un patient peut toujours signer une décharge, refuser les soins de façon éclairée...
Justement, dans la pratique, comment recadre-tu ce genre de situation en nuisant le moins possible à ta relation avec les patients que tu prend en charge ? Je pense qu'on a tous un regard assez différent là dessus et je crois que c'est ce que je me propose d'explorer...
Ma première guidance se déroule lundi, je t'en dirais plus à ce moment là ! ( Je sens que je vais commencer à chercher un autre sujet moi ;) )
Avatar de l’utilisateur
augusta
Star VIP
Star VIP
Messages : 10435
Inscription : 23 mai 2008 19:29
Localisation : Dans les livres et aussi ailleurs.

Re: TFE liberté du soignant frein à la relation en secteur f

Message par augusta »

Maltese a écrit:
Mais un patient peut toujours signer une décharge, refuser les soins de façon éclairée...
Pas en psy (sauf hospi libre, et encore, dans les faits parfois il est refusé que le patient refuse: ça dépend qui, ça dépend quoi). Et certainement pas en HPDT où là le patient n'est pas libre de choisir si il veut ou pas. Si refus, certains soins peuvent être imposés (de force parfois).
Justement, dans la pratique, comment recadre-tu ce genre de situation en nuisant le moins possible à ta relation avec les patients que tu prend en charge ?
En acceptant de devenir le mauvais objet, pour un temps (c'est ce que m'apprennent mes collègues justement). Donc un patient qui dirait "pour vous c'est facile, vous sortez du service, vous rentrez chez vous etc".... on lui dit la vérité: vous êtes patient, nous soignants....
On peut même rappeler certaines attitudes/comportements/discours....pour montrer la nécessité de l'hospi. Le ramener à sa réalité...
On est toujours dans la neutralité bienveillante, mais ça n'empêche pas la fermeté....au contraire même.
Ma première guidance se déroule lundi, je t'en dirais plus à ce moment là !
Avec plaisir!!!
( Je sens que je vais commencer à chercher un autre sujet moi ;)
Surtout pas!!!! Attends ton rendez-vous avec ta formatrice!!! Elle seule sait :clin:
"Penser, c'est penser jusqu'où on pourrait penser différemment" Michel Foucault
Avatar de l’utilisateur
AmThLi
Accro
Accro
Messages : 1293
Inscription : 03 juil. 2010 10:56

Re: TFE liberté du soignant frein à la relation en secteur f

Message par AmThLi »

Ton sujet est hyper intéressant mais je ne sais pas si se questionner sur l'influence de la possibilité pour le soignant de rentrer chez lui quand le patient reste à l'hosto en est l'approche la plus claire... A toi de voir avec ta guidance donc.

Par contre...
Maltese a écrit : « En quoi ton esprit il comprend mieux le monde que le mien ? »
« Comme ma maladie n'est pas considérée comme telle au Sénégal, je ne serais plus psychotique si vous me laissez y repartir »
« Finalement je pense que c'est vous tous qui êtes schizophrènes, moi je suis normal, vous êtes juste plus nombreux a réussir à croire que vous vous comprenez »
C'est très intéressant. Ce n'est donc pas ton sujet mais il y aurait beaucoup à discuter sur ces propos-là. Notamment sur celui comme quoi, s'il retournait dans son pays, il ne serait plus psychotique. C'est très important, ça.

Après c'est vrai que les psychotiques peuvent être très rationnalisants, mais c'est d'une certaine façon la fonction du délire que de venir créer une sorte de logique, de rationnalité plus ou moins artificielle. C'est en ça que la psychose est avant tout interprétative, d'une façon ou d'une autre !

Le délire est "j'ouïe sens" !
"La plus grande proximité, c'est d'assumer le lointain de l'autre."

J. Oury
Maltese
Messages : 12
Inscription : 28 sept. 2012 16:28

Re: TFE liberté du soignant frein à la relation en secteur f

Message par Maltese »

augusta a écrit : Dans l'absolu c'est vrai pour tous patients: ils restent en hospi (parce qu'ils ont besoin de soins) alors que le soignant rentre chez lui après son taf.
Je croyais que tu parlais des patients en général, et à fortiori (hum...) ceux du secteur mco, je ne voudrais pas que tu croie que je sors d'un UMD sans connaitre un minimum les différents modes d'hospit' !

C'est peut être ça qu'il faut que je creuse, le fait d'accepter de remettre en cause ma relation soignant-soigné au bénéfice du travail d'équipe... En tous cas ça m'ouvre de nouvelles pistes !

En l'occurrence, les passages à l'acte du patient que je décrit ici sont toujours survenus lors de crises délirantes passées sous silence par son anosognosie ( j'ai déjà dit qu'il reconnaissait certains des symptômes de la schizophrénie comme l'ambivalence, mais le délire lui est complètement étranger ), les évoquer est certes nécessaire quand il prétend que ce n'est pas lui qui a commis ces actes, afin de le replacer dans une certaine réalité. Cependant le replacer trop souvent devant ces faits alimente ses délires de persécution par l'équipe soignante. J'ai peut être du mal à faire la balance dans le cas de ce patient qui vraisemblablement passera sa vie, sinon dans ce service, au moins dans des secteurs fermés.

J'en reviens encore à ma situation de base, décidément je n'arrive pas à m'en extraire...
AmThLi a écrit :
C'est très intéressant. Ce n'est donc pas ton sujet mais il y aurait beaucoup à discuter sur ces propos-là. Notamment sur celui comme quoi, s'il retournait dans son pays, il ne serait plus psychotique. C'est très important, ça.
Bah ouais, la place de la maladie mentale dans d'autres sociétés, les chamans, les sorciers... Tout un univers passionnant mais que je suspecte d'être bien trop vaste pour un sujet de TFE :) Je crois qu'il y a des spécialistes en ethnopsychiatrie dans ma région, je regrette vraiment de pas avoir pu faire le forcing pour que le patient décrit ici puisse en rencontrer...
AmThLi a écrit : Après c'est vrai que les psychotiques peuvent être très rationnalisants, mais c'est d'une certaine façon la fonction du délire que de venir créer une sorte de logique, de rationnalité plus ou moins artificielle. C'est en ça que la psychose est avant tout interprétative, d'une façon ou d'une autre !
Une reconstruction de la réalité moins angoissante pour son psychisme certes, mais pas pour le mien !!! :D
Avatar de l’utilisateur
AmThLi
Accro
Accro
Messages : 1293
Inscription : 03 juil. 2010 10:56

Re: TFE liberté du soignant frein à la relation en secteur f

Message par AmThLi »

Je crois qu'il y a tout de même moyen d'aborder la question de l'ethnopsychiatrie dans le cadre d'un TFE même si c'est vrai, c'est pas facile. Après c'est à toi de voir comment tu te sens, et surtout si tu te reconnais dans cette approche. C'est pas quelque chose de très répandu en France j'ai l'impression...

Après il y a l'angle ethnopsy, Tobie Nathan, tout ça... tu peux chercher par là.

Et puis il y a l'angle de la psychose comme construction non pas culturelle, mais sociale et politique, donc on est plutôt chez Lacan des dernières années, ou chez Deleuze et Guattari (l'anti-oedipe, qui, comme son nom ne le dit pas, EST un livre de psychanalyse).
Foucault pour l'enfermement (Histoire de la folie à l'âge classique, Surveiller et Punir).
Une reconstruction de la réalité moins angoissante pour son psychisme certes, mais pas pour le mien !!!
Ah ça, c'est une autre question encore !! Désir et angoisse chez le soignant.
"La plus grande proximité, c'est d'assumer le lointain de l'autre."

J. Oury
Avatar de l’utilisateur
augusta
Star VIP
Star VIP
Messages : 10435
Inscription : 23 mai 2008 19:29
Localisation : Dans les livres et aussi ailleurs.

Re: TFE liberté du soignant frein à la relation en secteur f

Message par augusta »

Et que te disait l'équipe?
Je pense aussi que certains patients disent des trucs en sachant très bien à qui ils s'adressent (en l'occurence toi, ESI...ou moi "jeune" diplomée!!).
J'aborderais ton sujet plus sur la manière dont tu t'es senti démuni face à un patient psychotique.
Peut-être peux-tu élargir ton questionnement, le pousser plus loin en tous les cas.
"Penser, c'est penser jusqu'où on pourrait penser différemment" Michel Foucault
Maltese
Messages : 12
Inscription : 28 sept. 2012 16:28

Re: TFE liberté du soignant frein à la relation en secteur f

Message par Maltese »

Bon, après avoir retourné le sujet dans tous les sens, je n'arrive toujours pas à prendre un angle adéquat pour aborder le sujet des limites de la relation soignant soigné en psychiatrie.
Je pense donc m'orienter plutôt vers l'éducation thérapeutique des patients schizophrènes, et plus particulièrement en ce qui concerne la conscience du trouble. Au final c'est du fait de l’intérêt pour ce sujet que découlent mes difficultés dans la situation sus évoquée...

Qu'en pensez-vous ? Des ouvrages à me conseiller ?
Répondre