AS au Japon
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AS au Japon
Bonjour,
Desolee d'avance pour le manque d'accents dans mes messages, mais mon clavier n'en a pas, c'est un japonais (et un qwerty).
J'ai parcouru le forum a la recherche de temoignages a propos des patients en psychiatrie et de la facon de communiquer avec eux, histoire d'ameliorer ma propre facon de gerer mes relations avec eux et peut-etre de mieux les soutenir, mais j'en ai trouve tellement peu, que j'ai decide de poster mon propre sujet.
J'habite au Japon depuis 13 ans, parle japonais courament grace a une maitrise obtenue en France et un long parcours dans ce pays, a exercer successivement en tant que professeur de francais, interprete etc.
Alors que je cherchais a etre plus au contact des gens, j'ai decouvert qu'ici, au Japon, on peut travailler en tant qu'aide soignante sans aucune qualification, votre formation est prise en charge par la boite qui vous emploie. C'est un systeme qui est entrain de literalement sauver ce pays vieillissant et decime par Alzheimer entre autres, et aussi ce qui m'a permis d'enfin trouver le metier qui me convient. J'adore les personnes agees et je vis seule, je sais que ca peut etre dangereux mais la ou je travaille actuellement, on demande aux aides soignantes d'etre aussi 'pres' des patients que leur propre famille. A moi, ca me convient, j'ai eu quatre ans pour le verifier.
J'ai fait mes armes dans un hopital psychiatrique (japonais, donc), dans la branche qui accepte aussi les patients venant des urgences. Ma premiere nuit de garde a ete ma premiere occasion de mettre en pratique le massage cardiaque que j'avais appris une semaine plus tot. C'est probablement aussi pour ca que je passe enormement de temps a me documenter sur les differentes maladies dont mes patients sont atteints, mais comme je le dis plus haut, ce sont des temoignages et echanges d'avis que je cherche maintenant, car chaque patient est decidement unique et il n'y a pas de 'manuel' quand il s'agit de communiquer avec une personne malade, bourree de medicaments, et qui souffre.
Ne vous imaginez pas que parceque mes patients sont Japonais, ils sont differents des autres. La culture ou la religion peuvent bien etre differents, je sais par experience que le sourire, l'attention et la gentillesse n'ont pas de nationalite.
Je viens de quitter mon hopital psychiatrique pour exercer dans ce qu'on appelle un 'Group Home' ici. Mon Group Home est specialise dans les personnes agees atteintes de maladies comme Alzheimer ou Parkinson. C'est une maison a deux etages, amenagee pour faciliter la vie de personnes agees parfois en fauteuils roulants. N'y sont acceptes que les residents du meme quartier, residents que leur familles nous envoie plutot qu'a l'hopital psychiatrique parcequ'ils veulent pour eux des conditions de vie respectant plus leur dignite humaine.
Les portes sont toujours ouvertes, nous cuisinons et faisons le menage ensemble (oui, une personne avec Alzheimer, balayant ou coupant les carottes ou pommes de terre avec un couteau), chaque resident a sa petite chambre (le loyer est peu cher) avec ses petite affaires, on a une salle de bains a chaque etage, une terrasse au premier etage, un jardin. Et meme un chien. Le chien d'un resident que les services sociaux nous ont amenes un jour, et qui avait ete promis a la fourriere. On s'en occuppe tous ensemble.
Alors bien sur, j'ai des residents qui vont essayer de s'echapper tout le temps. On les dissuade gentiment ou sort avec eux pour aller se 'promener' (avec le fauteuil roulant pour quand la personne est fatiguee). J'ai d'autres residents qui vont me dire chaque jour (et plusieurs fois par jour) qu'elles ont mis au monde un bebe la veille et qu'une personne 'mauvaise' est venu leur voler leur bebe juste quelques minutes plus tot. J'en ai qui vont vociferer a chaque fois qu'on oublie de fermer une porte, d'autres qui vont parfois essayer de vous peloter (a 90 ans..) ou lever la main sur vous, pour ce dernier, bizarrement toujours les jours de pluie...
Bien sur, aucun de ces patients n'est aussi en piteux etat que ceux de l'hopital psychiatrique (ou on ne laisse trainer rien, a deux portes d'entrees fermees a double tour, des serrures partout, et ou on court toute lajournee sans pouvoir s'occuper des patients qui pleurent) mais il m'arrive quand meme de me demander comment reagir en tel ou tel cas.
C'est pour ca que je suis la, je voudrais entendre vos temoignages a propos de patients a probleme, la facon dont vous vous occupez d'eux, l'effet que tel ou tel attention/soin de votre part leur fait.
Si vous avez des question, bien sur, n'hesitez pas. c'est pas tous les jours qu'on peut avoir un appercu de comment un hopital psychiatrique ou un 'group home' japonais fonctionnent.
Desolee d'avance pour le manque d'accents dans mes messages, mais mon clavier n'en a pas, c'est un japonais (et un qwerty).
J'ai parcouru le forum a la recherche de temoignages a propos des patients en psychiatrie et de la facon de communiquer avec eux, histoire d'ameliorer ma propre facon de gerer mes relations avec eux et peut-etre de mieux les soutenir, mais j'en ai trouve tellement peu, que j'ai decide de poster mon propre sujet.
J'habite au Japon depuis 13 ans, parle japonais courament grace a une maitrise obtenue en France et un long parcours dans ce pays, a exercer successivement en tant que professeur de francais, interprete etc.
Alors que je cherchais a etre plus au contact des gens, j'ai decouvert qu'ici, au Japon, on peut travailler en tant qu'aide soignante sans aucune qualification, votre formation est prise en charge par la boite qui vous emploie. C'est un systeme qui est entrain de literalement sauver ce pays vieillissant et decime par Alzheimer entre autres, et aussi ce qui m'a permis d'enfin trouver le metier qui me convient. J'adore les personnes agees et je vis seule, je sais que ca peut etre dangereux mais la ou je travaille actuellement, on demande aux aides soignantes d'etre aussi 'pres' des patients que leur propre famille. A moi, ca me convient, j'ai eu quatre ans pour le verifier.
J'ai fait mes armes dans un hopital psychiatrique (japonais, donc), dans la branche qui accepte aussi les patients venant des urgences. Ma premiere nuit de garde a ete ma premiere occasion de mettre en pratique le massage cardiaque que j'avais appris une semaine plus tot. C'est probablement aussi pour ca que je passe enormement de temps a me documenter sur les differentes maladies dont mes patients sont atteints, mais comme je le dis plus haut, ce sont des temoignages et echanges d'avis que je cherche maintenant, car chaque patient est decidement unique et il n'y a pas de 'manuel' quand il s'agit de communiquer avec une personne malade, bourree de medicaments, et qui souffre.
Ne vous imaginez pas que parceque mes patients sont Japonais, ils sont differents des autres. La culture ou la religion peuvent bien etre differents, je sais par experience que le sourire, l'attention et la gentillesse n'ont pas de nationalite.
Je viens de quitter mon hopital psychiatrique pour exercer dans ce qu'on appelle un 'Group Home' ici. Mon Group Home est specialise dans les personnes agees atteintes de maladies comme Alzheimer ou Parkinson. C'est une maison a deux etages, amenagee pour faciliter la vie de personnes agees parfois en fauteuils roulants. N'y sont acceptes que les residents du meme quartier, residents que leur familles nous envoie plutot qu'a l'hopital psychiatrique parcequ'ils veulent pour eux des conditions de vie respectant plus leur dignite humaine.
Les portes sont toujours ouvertes, nous cuisinons et faisons le menage ensemble (oui, une personne avec Alzheimer, balayant ou coupant les carottes ou pommes de terre avec un couteau), chaque resident a sa petite chambre (le loyer est peu cher) avec ses petite affaires, on a une salle de bains a chaque etage, une terrasse au premier etage, un jardin. Et meme un chien. Le chien d'un resident que les services sociaux nous ont amenes un jour, et qui avait ete promis a la fourriere. On s'en occuppe tous ensemble.
Alors bien sur, j'ai des residents qui vont essayer de s'echapper tout le temps. On les dissuade gentiment ou sort avec eux pour aller se 'promener' (avec le fauteuil roulant pour quand la personne est fatiguee). J'ai d'autres residents qui vont me dire chaque jour (et plusieurs fois par jour) qu'elles ont mis au monde un bebe la veille et qu'une personne 'mauvaise' est venu leur voler leur bebe juste quelques minutes plus tot. J'en ai qui vont vociferer a chaque fois qu'on oublie de fermer une porte, d'autres qui vont parfois essayer de vous peloter (a 90 ans..) ou lever la main sur vous, pour ce dernier, bizarrement toujours les jours de pluie...
Bien sur, aucun de ces patients n'est aussi en piteux etat que ceux de l'hopital psychiatrique (ou on ne laisse trainer rien, a deux portes d'entrees fermees a double tour, des serrures partout, et ou on court toute lajournee sans pouvoir s'occuper des patients qui pleurent) mais il m'arrive quand meme de me demander comment reagir en tel ou tel cas.
C'est pour ca que je suis la, je voudrais entendre vos temoignages a propos de patients a probleme, la facon dont vous vous occupez d'eux, l'effet que tel ou tel attention/soin de votre part leur fait.
Si vous avez des question, bien sur, n'hesitez pas. c'est pas tous les jours qu'on peut avoir un appercu de comment un hopital psychiatrique ou un 'group home' japonais fonctionnent.
Desolee pour mes messages pleins de fautes, mon clavier n'a pas d'accents ni de cedille.
- Maripasoula
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Re: AS au Japon
Merci pour ce partage d'expérience très intéressant !
Du coup, quelques questions me viennent :
Combien y a t'il de personnel par résident, pour être certain de les voir partir ?
Car c'est méritoire de "dissuader gentiment" les résidents fugueurs... mais c'est parfois difficile voire impossible dans les établissements en France...
D'autre part, quelle est la place des familles dans cette culture japonaise ? Sont-elles présentes ou plutôt indifférentes au sort de leurs ainés ?
Quelle relation les japonais (personnes âgées et/ou familles) ont-ils avec la maladie, les soins intimes ?
Du coup, quelques questions me viennent :
Combien y a t'il de personnel par résident, pour être certain de les voir partir ?
Car c'est méritoire de "dissuader gentiment" les résidents fugueurs... mais c'est parfois difficile voire impossible dans les établissements en France...
D'autre part, quelle est la place des familles dans cette culture japonaise ? Sont-elles présentes ou plutôt indifférentes au sort de leurs ainés ?
Quelle relation les japonais (personnes âgées et/ou familles) ont-ils avec la maladie, les soins intimes ?
Il vaut mieux pomper même s'il ne se passe rien, que risquer qu'il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas.
(devise shadok)
IDE FPH depuis 1994.
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Re: AS au Japon
Bonjour Marsipoula!
Bon, si tu as entendu un cri de joie dans le lointain, c'est moi, de Nagoya, quand j'ai trouve ta reponse
Ca fait tellement plaisir de rencontrer des personnes ouvertes et curieuses, pour la peine, je vais t'ecrire un roman!
Pendant la journee, il y a en general deux a trois AS par etage pour 9 residents, avec un responsable de l'etablissement qui fait la navette entre les deux. Un des AS est en general dans la cuisine (ouverte sur le salon ou sont les residents, avec vue sur la porte d'entree de l'etage) tandis que les deux autres autre s'occupent du bain, des changements de couche, des ballades avec les residents, des activites ludiques, et selon les jours, du changement des draps etc. Nos horaires sont:
# garde de nuit: 17:00~11:00 (1 personne)
# matin 1: 8:00 ~ 17:00 (1 personne)
# matin 2: 11:00 ~ 20:00 (1 personne)
Il y a aussi les bureaux au premier etage, avec 3 employes qui viennent quelques fois nous aider quand pour une raison ou une autre, on manque de personnel.
Comme on sait qui est le plus susceptible de s'eclipser, c'est d'autant plus facile de surveiller, et puis de bouche a oreille, on sait aussi a quel genre d'argument un resident est sensible. Par exemple, il y en a un qui ne va jamais refuser de nous aider. Quand il essaie de sortir, on va le valoriser en lui confiant une tache 'extremement importante', comme trier le linge ou le plier. C'est un monsieur qui avait sa propre boite dans le passe. Il a toujours son sens des responsabilites et son amour du travail bien fait. Quand il a fini, on le met devant la tele, parcequ'on sait aussi qu'elle le fascine (il discute avec les presentateurs).
Une chose marrante: quand je suis arrivee, trois personnes essayaient de partir incessament. Quand elles ont commence a s'habituer a moi, ca a aussi commence a se calmer. Maintenant, j'ai un petit monsieur qui reste uniquement parceque qu'il apprecie ses conversations avec moi. J'espere que ca va durer
Maintenant, quand je travaillais a l'hopital psychiatrique, c'etait un autre probleme: les portes verouillees a double tour partout et nous essayant de dissuader les patients uniquement quand... ben quand on en avait le temps. Avec des arguments comme: C'est bientot l'heure du repas, vous allez vous fatiguer a rester debout ici tout ce temps, nous vous avertirons quand vous aurez une visite etc. Bien sur l'effet depend totalement de la relation que vous aviez avec cette personne. Une chose interessante: les Japonais sont des gens tres, tres polis. Systematiquement leur dire bonjour et au revoir tous les jours m'a ouvert enormenent de fenetres sur leurs coeurs. Je veux dire, malgre le fait que je suis une etrangere. Certains me prenaient pour une americaine, au debut. Pour eu\x, tous les 'Blancs' sont Americains et parlent anglais. Un effet de la guerre, chez ces personnes agees qui ont vu leurs familles decimees par les deux bombes atomiques et leur pays renoncer a leur 'dieu vivant' d'Empereur. Le seul fait que je sois si polie les fait systematiquement s'approcher pour me demander ma nationalite. Et j'ai de la chance: les Japonais adorent la France. Pour eux, on est tous 'libres', tous 'elegants', on est tous des artistes.
Mais tu sais, quand une personne malade te dit que peu importe ta nationalite quand on est aussi gentille, ca te donne une raison d'etre. J'ai ausi beaucoup de chance a ce niveau la.
Ca, c'est a mes yeux l'ideal. Des personnes dans un cadre chaleureux, une maison comme celle ou ils habitaient dans le passe. Meme sans visites et en apparence 'oubliees', on sait qu'il y a quelque'un, quelque part, qui leur souhaite les meilleures conditions de vie possible. Maintenant, a l'hopital, voyons...
J'ai vu deux sections, une mi-ouverte avec possibilite d'aller faire des courses a la boutique de l'hopital, l'autre completement close. Dans les deux cas, tres peu de visites. Il y avait un monsieur la apres avoir mis le feu a sa maison, persuade d'etre poursuivi par la mafia japonaise (tout le temps a prier sur son lit et ecrire des prieres shintoistes dans une pile de cahiers, sans fin. Ne dormant presque pas, terrorise en permanence). Avant que je ne quitte l'hopital, il venait d'etre transfere en cellule d'isolation apres avoir attaque deux infirmieres de garde pour les forcer a le laisser de refugier dans le poste de soins. Les instructions de sa famille etaient de ne l'avertir que quand il serait... mort.
Un autre cas, d'une dame incapable de reconnaitre son propre fils, ce dernier espacant de plus en plus ses visites malgre nos explications. Un autre, d'une jeune femme qui avait ete sequestree par son pere pharmacien pendant des annees, celui-ci pensant qu'il pouvait la guerir lui-meme. Quand elle est arrivee, elle etait nue et faisait ses besoins n'importe ou. A l'origine, elle etait une etudiante dans une universite d'elite. Un seul examen rate l'a detruite, l'hopital a passe des annees a la reeduquer. Quand je suis arrivee, elle avait des reflexes d'enfant sauvage mais personnellement, je dis bravo au personnel soignant.
J'ai aussi vu des cas de patients avec des parents aussi malades qu'eux, mais etrangement, plus ou moins capable de vivre seul. Dans ce cas, l'hopital reeduquait les parents aussi. Je me souviens d'une mere qui d'apres ce que j'avais entendu, avait enfin appris a saluer les gens correctement.Au debut elle disait a sa fille de m'eviter, au milieu elle etait venue verifier quel genre de personne j'etais, et a la fin, sa fille m'appelait pour me demander de l'aider (QI de 84).
Travailler dans un Group Home m'a fait prendre conscience de la difference entre les patients qui atterissent dans un hopital psychiatrique et y restent toute leur vie malgre tres peu de soins, et ceux qui sont confies a une structure chaleureuse. Les premiers vont de mal en pis et sont souvent abandonnes, les seconds vont mal aussi mais ils sont beaucoup plus sereins, tu sens que quelqu'un leur veut du bien, et puis... entre nous, j'ai vu des de cas de residents qui etaient arrives en fauteuil roulant au Group Home, et reapprennent a marcher. A l'hopital ou j'etais, des que le patient paraissait un peu fatigue, pan! la chaise roulante. Une amie infirmiere m'avais confiee qu'une fois la personne sur une chaise roulante, c'etait 'fini'. Je suis d'accord.
D'un autre cote, a l'hopital psychiatrique comme au Group Home, j'ai quelques fois vu des visiteurs amener leurs enfants, c'etait miraculeux de les voir gambader au milieu des patients, sans compter que ca leur faisait aussi beaucoup de bien. Si seulement plus de gens pouvaient avoir un esprit aussi ouvert.
Sinon, j'ai denote un manque important d'information de la part des familles. Ca n'est pas qu'on leur explique rien, bien au contraire. C'est qu'ils ne cherchent pas a se documenter. Ils s'arretent au fait que leur pere/mere ne le reconnait plus, est devenu 'quelqu'un d'autre'. Quand je leur dis qu'aujourdhui, untel est de bonne humeur, qu'on a eu une petite conversation plaisante, qu'il ou elle a un peu marche au lieu de toujours rester assis sur son lit, c'est a peine s'ils me croient. Surtout avec les personnes dont ils ne pensent pas qu'elles sont encore capables de marcher. Avec une bonne facon de les soutenir, de les guider, de leur parler, c'est possible, ca marche. Mais c'est quelque chose dont ils ne se pensent certainement pas capables eux-meme. Ils ont abandonne beaucoup d'espoir a la place du patient, si j'ose dire.
Pour que qui est des medicaments, je n'ai jamais eu de gros problemes, le seul est quand le patient est persuade que c'est du poison, mais en general, on arrive toujours a leur faire boire, meme avec un delai.
Moi, mon probleme c'est les effets secondaires des traitements et le fait que tu ne peux pas expliquer a la famille que si leur pere/mere a des hallucinations ou est tout le temps sur les nerfs, c'est a cause du traitement. Tout ce que j'espere c'est que s'il change un jour, ils soient la pour voir la difference, comme c'est parfois le cas.
Ah, les soins intimes. A l'hopital comme au Group Home, on se bat pour que la personne continue le plus longtemps possible (meme paralysee) a faire ses besoins sur les toilettes. Mais les Japonais sont des gens qui a l'origine, se baignent ensemble ou se partagent le meme bain (Ils se lavent a l'exterieur et prennent ce bain chaque jour), donc la nudite est moins un probleme qu'en France. Au Group Home, j'ai vu une fois une employee se mettre en mayot de bains pour persuader une nouvelle residente timide de prendre son bain.
Sinon, et bien s'ils ne bronchent pas quand une etrangere les deshabillent, les changent ou les lavent, c'est parcequ'ils ont de haut standards d'hygiene, a mon avis. Plus que d'etre nus, c'est d'etre sales qui les mortifient.
Voila voila
J'espere que j'ai repondu correctement, a bientot j'espere!
Bon, si tu as entendu un cri de joie dans le lointain, c'est moi, de Nagoya, quand j'ai trouve ta reponse


Heu, ca depend du nombre de personnes qui accourent quand la sonnette de la porte se fait entendre. Il y a deux portes coulissantes a l'entree de chaque etage avec deux autres qui sont des issues de secours elles aussi ouvertes, une grande au premier etage et qui donne acces sur l'exterieur. On a aussi un ascenceur. Des que quelqu'un sort sur le pallier d'un des etages, la sonnette de declenche, la meme pour les visiteurs venant de l'exterieur. Dans le cas ou personne n'a vu le resident sortir, on est donc tout de meme averti. On ne raisonne donc pas en terme de 'personne par resident', mais de mesures de securite pour gerer nos residents sans pour autant entraver leurs mouvements.Combien y a t'il de personnel par résident, pour être certain de les voir partir ?Car c'est méritoire de "dissuader gentiment" les résidents fugueurs... mais c'est parfois difficile voire impossible dans les établissements en France...
Pendant la journee, il y a en general deux a trois AS par etage pour 9 residents, avec un responsable de l'etablissement qui fait la navette entre les deux. Un des AS est en general dans la cuisine (ouverte sur le salon ou sont les residents, avec vue sur la porte d'entree de l'etage) tandis que les deux autres autre s'occupent du bain, des changements de couche, des ballades avec les residents, des activites ludiques, et selon les jours, du changement des draps etc. Nos horaires sont:
# garde de nuit: 17:00~11:00 (1 personne)
# matin 1: 8:00 ~ 17:00 (1 personne)
# matin 2: 11:00 ~ 20:00 (1 personne)
Il y a aussi les bureaux au premier etage, avec 3 employes qui viennent quelques fois nous aider quand pour une raison ou une autre, on manque de personnel.
Comme on sait qui est le plus susceptible de s'eclipser, c'est d'autant plus facile de surveiller, et puis de bouche a oreille, on sait aussi a quel genre d'argument un resident est sensible. Par exemple, il y en a un qui ne va jamais refuser de nous aider. Quand il essaie de sortir, on va le valoriser en lui confiant une tache 'extremement importante', comme trier le linge ou le plier. C'est un monsieur qui avait sa propre boite dans le passe. Il a toujours son sens des responsabilites et son amour du travail bien fait. Quand il a fini, on le met devant la tele, parcequ'on sait aussi qu'elle le fascine (il discute avec les presentateurs).
Une chose marrante: quand je suis arrivee, trois personnes essayaient de partir incessament. Quand elles ont commence a s'habituer a moi, ca a aussi commence a se calmer. Maintenant, j'ai un petit monsieur qui reste uniquement parceque qu'il apprecie ses conversations avec moi. J'espere que ca va durer

Maintenant, quand je travaillais a l'hopital psychiatrique, c'etait un autre probleme: les portes verouillees a double tour partout et nous essayant de dissuader les patients uniquement quand... ben quand on en avait le temps. Avec des arguments comme: C'est bientot l'heure du repas, vous allez vous fatiguer a rester debout ici tout ce temps, nous vous avertirons quand vous aurez une visite etc. Bien sur l'effet depend totalement de la relation que vous aviez avec cette personne. Une chose interessante: les Japonais sont des gens tres, tres polis. Systematiquement leur dire bonjour et au revoir tous les jours m'a ouvert enormenent de fenetres sur leurs coeurs. Je veux dire, malgre le fait que je suis une etrangere. Certains me prenaient pour une americaine, au debut. Pour eu\x, tous les 'Blancs' sont Americains et parlent anglais. Un effet de la guerre, chez ces personnes agees qui ont vu leurs familles decimees par les deux bombes atomiques et leur pays renoncer a leur 'dieu vivant' d'Empereur. Le seul fait que je sois si polie les fait systematiquement s'approcher pour me demander ma nationalite. Et j'ai de la chance: les Japonais adorent la France. Pour eux, on est tous 'libres', tous 'elegants', on est tous des artistes.



Mais tu sais, quand une personne malade te dit que peu importe ta nationalite quand on est aussi gentille, ca te donne une raison d'etre. J'ai ausi beaucoup de chance a ce niveau la.
Aie aie aie. J'ai de mauvais souvenirs qui ressurgissent, la. Mais je suppose que c'est partout pareil. Les valeurs se perdent, au Japon aussi. J'ai vu de tout. Des personnes qui veulent le meilleur pour leur famille, un endroit qui respecte leur droits et dignite d'etre humains et les envoie dans un Group Home, donc. Group Home veut aussi dire qu'on a deux visites d'une infirmiere et d'un medecin par semaine (individuellement), et que quand un resident a un accident, la seule solution est d'appeler une ambulance. De meme, les soins de fin de vie sont aussi compris dans le contrat, sans acharnement medical bien sur. La personne 'part' naturellement. J'en ai vu une partir comme ca, il y a deux mois. En dormant. On l'a lavee, habillee, elle etait toute belle pour quand sa famille est venue la chercher. A la fin, elle avait un masque a oxygene en permanence et ne mangeait presque plus, mais bon, a 98 ans... et apres ce que j'ai vu a l'hopital, personellement...D'autre part, quelle est la place des familles dans cette culture japonaise ? Sont-elles présentes ou plutôt indifférentes au sort de leurs ainés ?
Ca, c'est a mes yeux l'ideal. Des personnes dans un cadre chaleureux, une maison comme celle ou ils habitaient dans le passe. Meme sans visites et en apparence 'oubliees', on sait qu'il y a quelque'un, quelque part, qui leur souhaite les meilleures conditions de vie possible. Maintenant, a l'hopital, voyons...
J'ai vu deux sections, une mi-ouverte avec possibilite d'aller faire des courses a la boutique de l'hopital, l'autre completement close. Dans les deux cas, tres peu de visites. Il y avait un monsieur la apres avoir mis le feu a sa maison, persuade d'etre poursuivi par la mafia japonaise (tout le temps a prier sur son lit et ecrire des prieres shintoistes dans une pile de cahiers, sans fin. Ne dormant presque pas, terrorise en permanence). Avant que je ne quitte l'hopital, il venait d'etre transfere en cellule d'isolation apres avoir attaque deux infirmieres de garde pour les forcer a le laisser de refugier dans le poste de soins. Les instructions de sa famille etaient de ne l'avertir que quand il serait... mort.
Un autre cas, d'une dame incapable de reconnaitre son propre fils, ce dernier espacant de plus en plus ses visites malgre nos explications. Un autre, d'une jeune femme qui avait ete sequestree par son pere pharmacien pendant des annees, celui-ci pensant qu'il pouvait la guerir lui-meme. Quand elle est arrivee, elle etait nue et faisait ses besoins n'importe ou. A l'origine, elle etait une etudiante dans une universite d'elite. Un seul examen rate l'a detruite, l'hopital a passe des annees a la reeduquer. Quand je suis arrivee, elle avait des reflexes d'enfant sauvage mais personnellement, je dis bravo au personnel soignant.
J'ai aussi vu des cas de patients avec des parents aussi malades qu'eux, mais etrangement, plus ou moins capable de vivre seul. Dans ce cas, l'hopital reeduquait les parents aussi. Je me souviens d'une mere qui d'apres ce que j'avais entendu, avait enfin appris a saluer les gens correctement.Au debut elle disait a sa fille de m'eviter, au milieu elle etait venue verifier quel genre de personne j'etais, et a la fin, sa fille m'appelait pour me demander de l'aider (QI de 84).
Travailler dans un Group Home m'a fait prendre conscience de la difference entre les patients qui atterissent dans un hopital psychiatrique et y restent toute leur vie malgre tres peu de soins, et ceux qui sont confies a une structure chaleureuse. Les premiers vont de mal en pis et sont souvent abandonnes, les seconds vont mal aussi mais ils sont beaucoup plus sereins, tu sens que quelqu'un leur veut du bien, et puis... entre nous, j'ai vu des de cas de residents qui etaient arrives en fauteuil roulant au Group Home, et reapprennent a marcher. A l'hopital ou j'etais, des que le patient paraissait un peu fatigue, pan! la chaise roulante. Une amie infirmiere m'avais confiee qu'une fois la personne sur une chaise roulante, c'etait 'fini'. Je suis d'accord.
Je ne pense pas que ca soit tres different d'en France. Tu lis souvent sur les curriculums, que la famille veut garder secret l'existence d'une personne 'malade mentale' dans leur genealogie. Il y a des personnes auxquelles tu ne dois pas telephoner, etre autres.Quelle relation les japonais (personnes âgées et/ou familles) ont-ils avec la maladie, les soins intimes ?
D'un autre cote, a l'hopital psychiatrique comme au Group Home, j'ai quelques fois vu des visiteurs amener leurs enfants, c'etait miraculeux de les voir gambader au milieu des patients, sans compter que ca leur faisait aussi beaucoup de bien. Si seulement plus de gens pouvaient avoir un esprit aussi ouvert.
Sinon, j'ai denote un manque important d'information de la part des familles. Ca n'est pas qu'on leur explique rien, bien au contraire. C'est qu'ils ne cherchent pas a se documenter. Ils s'arretent au fait que leur pere/mere ne le reconnait plus, est devenu 'quelqu'un d'autre'. Quand je leur dis qu'aujourdhui, untel est de bonne humeur, qu'on a eu une petite conversation plaisante, qu'il ou elle a un peu marche au lieu de toujours rester assis sur son lit, c'est a peine s'ils me croient. Surtout avec les personnes dont ils ne pensent pas qu'elles sont encore capables de marcher. Avec une bonne facon de les soutenir, de les guider, de leur parler, c'est possible, ca marche. Mais c'est quelque chose dont ils ne se pensent certainement pas capables eux-meme. Ils ont abandonne beaucoup d'espoir a la place du patient, si j'ose dire.
Pour que qui est des medicaments, je n'ai jamais eu de gros problemes, le seul est quand le patient est persuade que c'est du poison, mais en general, on arrive toujours a leur faire boire, meme avec un delai.
Moi, mon probleme c'est les effets secondaires des traitements et le fait que tu ne peux pas expliquer a la famille que si leur pere/mere a des hallucinations ou est tout le temps sur les nerfs, c'est a cause du traitement. Tout ce que j'espere c'est que s'il change un jour, ils soient la pour voir la difference, comme c'est parfois le cas.
Ah, les soins intimes. A l'hopital comme au Group Home, on se bat pour que la personne continue le plus longtemps possible (meme paralysee) a faire ses besoins sur les toilettes. Mais les Japonais sont des gens qui a l'origine, se baignent ensemble ou se partagent le meme bain (Ils se lavent a l'exterieur et prennent ce bain chaque jour), donc la nudite est moins un probleme qu'en France. Au Group Home, j'ai vu une fois une employee se mettre en mayot de bains pour persuader une nouvelle residente timide de prendre son bain.
Sinon, et bien s'ils ne bronchent pas quand une etrangere les deshabillent, les changent ou les lavent, c'est parcequ'ils ont de haut standards d'hygiene, a mon avis. Plus que d'etre nus, c'est d'etre sales qui les mortifient.
Voila voila

Desolee pour mes messages pleins de fautes, mon clavier n'a pas d'accents ni de cedille.
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Re: AS au Japon
Passionnant, merci !
Je vois que ce n'est pas si différent qu'en France, en fait... sauf peut-être les moyens techniques plus évolués au Japon (je ne crois pas que beaucoup d'unités Alzheimer aient des sonnettes aux portes : ici, les portes sont plutôt fermées !?).
Par contre le rapport à la nudité et à la pudeur est étonnant et me fait presque rêver...
Je vois que ce n'est pas si différent qu'en France, en fait... sauf peut-être les moyens techniques plus évolués au Japon (je ne crois pas que beaucoup d'unités Alzheimer aient des sonnettes aux portes : ici, les portes sont plutôt fermées !?).
Par contre le rapport à la nudité et à la pudeur est étonnant et me fait presque rêver...
Il vaut mieux pomper même s'il ne se passe rien, que risquer qu'il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas.
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Re: AS au Japon
Merci beaucoup pour ta reponse, Maripasoula
Je n'ai aucune experience de ce metier en France, et je dois avouer que j'ai beaucoup de mal a imaginer comment les soins intimes se passent avec un patient francais. J'ai trouve des temoignages sur d'autres forums et je me demande comment je m'en sortirais moi-meme. Ces forums sont tous en anglais mais bon, le conversations sont interessantes.
Quoi qu'il en soit, je te souhaite une bonne continuation.
Merci encore!

Je n'ai aucune experience de ce metier en France, et je dois avouer que j'ai beaucoup de mal a imaginer comment les soins intimes se passent avec un patient francais. J'ai trouve des temoignages sur d'autres forums et je me demande comment je m'en sortirais moi-meme. Ces forums sont tous en anglais mais bon, le conversations sont interessantes.
Quoi qu'il en soit, je te souhaite une bonne continuation.

Merci encore!
Desolee pour mes messages pleins de fautes, mon clavier n'a pas d'accents ni de cedille.