HDT et consentement aux soins
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Re: HDT et consentement aux soins
Bonjour,
Je me pose une petite question ; depuis 4 mois qui a créé une relation de confiance avec cette patiente ? Y a t il des espaces d'échange qui ont été mis en place pour elle ?
Je me pose une petite question ; depuis 4 mois qui a créé une relation de confiance avec cette patiente ? Y a t il des espaces d'échange qui ont été mis en place pour elle ?
- LittleFairyNurse
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Re: HDT et consentement aux soins
Merci de m'avoir répondu
comme je le disais, je suis en stage, ce n'est donc pas moi qui vais faire changer quoi que ce soit.
Concernant le traitement, la patiente ne se croit pas malade, pour elle "je n'ai pas de cancer, je n'ai pas de leucémie, il n'y a rien sur mes radios, je vais bien". Donc comment lui faire entendre qu'une éventuelle amélioration serai grâce aux traitements?
Augusta, pour le traitement, on sait qu'elle le prend en totalité puisqu'on met très peu d'eau et de sirop, et elle adore le sirop, et finit toujours son verre. Pour les comprimés, on ne met pas dans la compote entière mais dans une petite quantité, afin de lui faire prendre plus facilement justement.
J'ai peut être l'esprit un peu trop bisounours ^^ ça serai tellement bien si les traitements per os pouvaient avoir fait effet rapidement et qu'elle aille mieux. Je comprend aussi que la méthode injection est plus violente mais au final pas pire que de filer les cachets en douce, c'est juste que ça fait tout drôle d'être obligé d'attacher quelqu'un, de le voir s'esquinter les bras en essayant de se libérer de ses liens, tout en te disant que c'est toi qui l'a attaché.
Bruno, toute l'équipe a essayé de créer une relation de confiance avec elle. Seulement, elle est bloquée dans son délire. Elle refuse la discussion, elle ne sais que répéter qu'on va la tuer. Les versions changent selon les jours, ''un policier va venir me tuer'', ''on va me gazer avec une patate'', ''vous allez me piquer''. Tu as beau lui expliquer que les soignants sont là pour l'aider et la protéger, que des policiers ne tuent pas des gens comme ça, que personne n'est en mesure de la gazer avec une patate parce qu'une patate est inoffensive, elle n'entend pas nos arguments. Tout le monde a essayé, l'équipe s'y est cassé les dents. Les soignants sont maintenant épuisés par le contexte du service et cette patiente en particulier. Je suppose qu'ils n'ont ni le courage ni l'envie de s'épuiser à essayer de créer une quelconque relation avec cette patiente qui refuse qu'on l'approche, qui tente de se sauver et qu'il faut rattraper 30 fois par jours dans le couloir alors qu'elle tente d'aller dans le service d'en face.
J'ai essayé moi aussi, à mon niveau, quand je suis arrivée dans le service, de lui faire prendre ses traitements avec douceur, en lui expliquant la situation. Elle refusait, pensait que j'allais l'empoisonner. Je lui ai fait lire l'étiquette sur ma blouse, en lui demandant ce que faisaient les infirmiers, en lui faisant répéter que nous sommes des soignants et non pas des bourreaux ou des meurtriers. Elle a pris les traitements une fois, et m'a jeté la cuillère à la figure la seconde fois. L'équipe a tenté toutes les méthodes, de la gentillesse et la douceur, à l'autorité. Le médecin a essayé également. Mais comment créer une relation de soin et de confiance avec une personne qui se sent persécutée et qui vit dans une peur constante de tout ce qui l'entoure?

Concernant le traitement, la patiente ne se croit pas malade, pour elle "je n'ai pas de cancer, je n'ai pas de leucémie, il n'y a rien sur mes radios, je vais bien". Donc comment lui faire entendre qu'une éventuelle amélioration serai grâce aux traitements?
Augusta, pour le traitement, on sait qu'elle le prend en totalité puisqu'on met très peu d'eau et de sirop, et elle adore le sirop, et finit toujours son verre. Pour les comprimés, on ne met pas dans la compote entière mais dans une petite quantité, afin de lui faire prendre plus facilement justement.
J'ai peut être l'esprit un peu trop bisounours ^^ ça serai tellement bien si les traitements per os pouvaient avoir fait effet rapidement et qu'elle aille mieux. Je comprend aussi que la méthode injection est plus violente mais au final pas pire que de filer les cachets en douce, c'est juste que ça fait tout drôle d'être obligé d'attacher quelqu'un, de le voir s'esquinter les bras en essayant de se libérer de ses liens, tout en te disant que c'est toi qui l'a attaché.
Bruno, toute l'équipe a essayé de créer une relation de confiance avec elle. Seulement, elle est bloquée dans son délire. Elle refuse la discussion, elle ne sais que répéter qu'on va la tuer. Les versions changent selon les jours, ''un policier va venir me tuer'', ''on va me gazer avec une patate'', ''vous allez me piquer''. Tu as beau lui expliquer que les soignants sont là pour l'aider et la protéger, que des policiers ne tuent pas des gens comme ça, que personne n'est en mesure de la gazer avec une patate parce qu'une patate est inoffensive, elle n'entend pas nos arguments. Tout le monde a essayé, l'équipe s'y est cassé les dents. Les soignants sont maintenant épuisés par le contexte du service et cette patiente en particulier. Je suppose qu'ils n'ont ni le courage ni l'envie de s'épuiser à essayer de créer une quelconque relation avec cette patiente qui refuse qu'on l'approche, qui tente de se sauver et qu'il faut rattraper 30 fois par jours dans le couloir alors qu'elle tente d'aller dans le service d'en face.
J'ai essayé moi aussi, à mon niveau, quand je suis arrivée dans le service, de lui faire prendre ses traitements avec douceur, en lui expliquant la situation. Elle refusait, pensait que j'allais l'empoisonner. Je lui ai fait lire l'étiquette sur ma blouse, en lui demandant ce que faisaient les infirmiers, en lui faisant répéter que nous sommes des soignants et non pas des bourreaux ou des meurtriers. Elle a pris les traitements une fois, et m'a jeté la cuillère à la figure la seconde fois. L'équipe a tenté toutes les méthodes, de la gentillesse et la douceur, à l'autorité. Le médecin a essayé également. Mais comment créer une relation de soin et de confiance avec une personne qui se sent persécutée et qui vit dans une peur constante de tout ce qui l'entoure?
┣▇▇▇═─ Les contes de fées ne révèlent pas aux enfants que les dragons existent, ils le savent déjà. Ces contes leurs révèlent qu'on peut tuer ces dragons.
Re: HDT et consentement aux soins
Venir faire s'affronter deux réalités n'est pas vraiment ce que j'appelle créer un lien de confiance. Il faut pouvoir échanger autour du délire sans pour autant l'alimenter.
Le premier traitement d'un épisode délirant aigu c'est le lien. Un traitement médicamenteux administré de force sera parlé alors que s'il est donné en cachette il se fait sans lien et favorise la chronicité. Je vous recommande vivement d'aller voir sur YouTube le documentaire intitulé open dialogue. Sans forcément mettre la technique en application il y a des questionnements très intéressant. Et ce n'est pas parce que vous êtes étudiant (e) que vous ne pouvez pas faire bouger les choses. Vous êtes en mesure d'amener l'équipe à se questionner et ça peut être un grand pas en avant pour cette patiente.
bon courage
Le premier traitement d'un épisode délirant aigu c'est le lien. Un traitement médicamenteux administré de force sera parlé alors que s'il est donné en cachette il se fait sans lien et favorise la chronicité. Je vous recommande vivement d'aller voir sur YouTube le documentaire intitulé open dialogue. Sans forcément mettre la technique en application il y a des questionnements très intéressant. Et ce n'est pas parce que vous êtes étudiant (e) que vous ne pouvez pas faire bouger les choses. Vous êtes en mesure d'amener l'équipe à se questionner et ça peut être un grand pas en avant pour cette patiente.
bon courage
Re: HDT et consentement aux soins
tu poses une très bonne question alors que tu commences à peine tes études,Mais comment créer une relation de soin et de confiance avec une personne qui se sent persécutée et qui vit dans une peur constante de tout ce qui l'entoure?
qu'il est dommage que personne (à ce jour) n'ait de réponses pour cette personne
en tous cas, je te conseille de persévérer dans ton "bisounours",tout en étant réaliste; tant que tu gardes ton humanité, tu seras professionnelle
oui, c'est parfois humainement difficile de voir les limites de la médecine, mais on ne peut pas tout guérir
- LittleFairyNurse
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Re: HDT et consentement aux soins
Dans ce cas, pourriez vous me donner un exemple ? Je ne comprend pas trop où vous voulez en venir, et comment faire. Comme je vous l'expliquais, cette patiente est fermée à tout dialogue. Mais si vous avez la solution, je veux bienbrrruno a écrit :Venir faire s'affronter deux réalités n'est pas vraiment ce que j'appelle créer un lien de confiance. Il faut pouvoir échanger autour du délire sans pour autant l'alimenter

Et je vous le répète, ce n'est pas moi, jeune étudiante de vingt ans, qui vais faire changer les habitudes de tout un service, dans lequel le psychiatre est présent depuis 20 ans, de même que la plupart des infirmières qui sont des ''piliers''. Elles ne sont pas parfaites, mais elles font ce qu'elles peuvent.
Merci myloma

┣▇▇▇═─ Les contes de fées ne révèlent pas aux enfants que les dragons existent, ils le savent déjà. Ces contes leurs révèlent qu'on peut tuer ces dragons.
Re: HDT et consentement aux soins
Donner un exemple est assez trompeur, il ne faudrait pas vouloir transposer d'une situation à une autre un modèle de réaction, car on annule totalement l'individu dans un tel fonctionnement. Mais dites vous que les élements contre lesquels vous voulez vous opposer crée en ce moment sa réalité.
Si on regardait ensemble un arbre et que je vous disais que ce que nous voyons est une voiture vous ne me croiriez pas parce que tous vos sens vous disent que c'est un arbre. Il y a un point de butée qui ne pourra se résoudre facilement. Si je vous dis que les armes à feux ne tuent pas, me croirez-vous ?
Si on regardait ensemble un arbre et que je vous disais que ce que nous voyons est une voiture vous ne me croiriez pas parce que tous vos sens vous disent que c'est un arbre. Il y a un point de butée qui ne pourra se résoudre facilement. Si je vous dis que les armes à feux ne tuent pas, me croirez-vous ?
Re: HDT et consentement aux soins
Qu'en savez vous ? En apportant des questions vous ferez réfléchir une ou deux personnes dans l'équipe et ce sera peut être le déclencheur d'un changement radical des habitudes d'un service. Mais ce changement ne s'opérera pas dans les jours qui viennent. De même lorsque vous travaillez en psychiatrie les liens que vous créez avec un patient vont pouvoir lui donner confiance pour ensuite faire une démarche vers un soin parce qu'il aura pu expérimenter la rencontre au travers de la parole avec un soignant.LittleFairyNurse a écrit : Et je vous le répète, ce n'est pas moi, jeune étudiante de vingt ans, qui vais faire changer les habitudes de tout un service
Re: HDT et consentement aux soins
Le point de départ : si le patient le dit, c'est vrai. "C'est vrai" ne veut pas dire "c'est la réalité partagée", mais que le savoir inconscient du patient a valeur de vérité. Si une personne vous explique que les médicaments, c'est du poison, vous n'avez aucune chance de la convaincre du contraire car les psychotiques, lorsqu'ils délirent, sont convaincus de leur savoir. Il n'y a pas de place pour le doute, qui est plutôt un truc de névrosé... Question de survie.
Quoi faire, alors ? Attaquer le délire de front ne sert à rien : on peut vous rétorquer que c'est vous qui délirez. Un paranoïaque vous ressortira tous les procès, les class actions contre le zyprexa, à raison... Mettre les médicaments dans la nourriture ne fera que renforcer le délire et la méfiance contre vous, à raison, et ne soyez pas naïfs, lorsque l'on prend des neuroleptiques, on s'en rend très vite compte (inhibition de la pensée, sédation...).
Il me semble que dans un premier temps, on peut se proposer comme lieu d'accueil, voire d'asile : ici, personne ne vous fera rien, vous avez le droit de penser ce que vous voulez. Puis, on peut s'intéresser à ce qui découle de cette pensée : être menacé par la terre entière est très angoissant, le service peut jouer cette fonction de défense contre l'angoisse, parfois de façon très mise en scène. En ce qui concerne les médicaments, le jeu est de réussir à ce qu'ils deviennent, d'une façon ou d'une autre (y compris en refusant leur prise !) des réceptacles du transfert.
Tout ça est un travail long et difficile, quatre mois me semblent encore peu pour quelqu'un qui à vous lire semble très marqué et handicapé par son délire.
Que peut-elle bien y trouver ?
Enfin, question cruciale : l'hospitalisation ne peut-elle pas devenir iatrogène ? C'est le cas de beaucoup d'hospitalisations en psychiatrie.
Quoi faire, alors ? Attaquer le délire de front ne sert à rien : on peut vous rétorquer que c'est vous qui délirez. Un paranoïaque vous ressortira tous les procès, les class actions contre le zyprexa, à raison... Mettre les médicaments dans la nourriture ne fera que renforcer le délire et la méfiance contre vous, à raison, et ne soyez pas naïfs, lorsque l'on prend des neuroleptiques, on s'en rend très vite compte (inhibition de la pensée, sédation...).
Il me semble que dans un premier temps, on peut se proposer comme lieu d'accueil, voire d'asile : ici, personne ne vous fera rien, vous avez le droit de penser ce que vous voulez. Puis, on peut s'intéresser à ce qui découle de cette pensée : être menacé par la terre entière est très angoissant, le service peut jouer cette fonction de défense contre l'angoisse, parfois de façon très mise en scène. En ce qui concerne les médicaments, le jeu est de réussir à ce qu'ils deviennent, d'une façon ou d'une autre (y compris en refusant leur prise !) des réceptacles du transfert.
Tout ça est un travail long et difficile, quatre mois me semblent encore peu pour quelqu'un qui à vous lire semble très marqué et handicapé par son délire.
En mélangeant ses médicaments à sa nourriture ou sa boisson, il me semble que c'est surtout l'équipe qui passe à l'acte et ferme toute possibilité de discussion. Les "soins sous contrainte" ne signifient pas que la personne est en prison et il ne s'agit pas de gagner un accord de surface. Les gens, même sous contrainte et en dehors de situations de péril imminent, ont le droit de refuser les médicaments, tant que cela est parlé et que tout le monde s'intéresse aux raisons de ce refus.Comme je vous l'expliquais, cette patiente est fermée à tout dialogue.
Se demande t-on la raison de cela ?qui tente de se sauver et qu'il faut rattraper 30 fois par jours dans le couloir alors qu'elle tente d'aller dans le service d'en face.
Que peut-elle bien y trouver ?
Enfin, question cruciale : l'hospitalisation ne peut-elle pas devenir iatrogène ? C'est le cas de beaucoup d'hospitalisations en psychiatrie.
"La plus grande proximité, c'est d'assumer le lointain de l'autre."
J. Oury
J. Oury