Trop dur

[lalacroix]

Bonjour,
Je suis en poste depuis plus de 2 mois et, je vis mes prises de poste la peur au ventre, sans cesse. Je perds mes moyens, je me sens incapable de m'occuper d'un secteur, pas à la hauteur de ce métier...
J'ai l'impression de m'être trompée de voie. Je ne m'éclate pas. Je cours après le temps pour faire mes soins, sans prendre le temps de passer CE temps nécessaire auprès des patients... je suis frustrée de ne pas être à la hauteur.
Je n'ai vraiment aucune confiance en moi et me dévalorise sans arrêt. Je n'arrive pas à trouver mon positionnement de professionnelle. Je me trouve super mal organisée et je n'arrive pas à faire évoluer ce point. Tous les soins m'angoisse, même les bilans sanguins !! Il y a pleins de soins que je ne connais pas, même les plus simples et je ne me sens pas crédible !
Par exemple, utiliser un lève-malade, pas à l'aise dans les transferts ou même les toilettes, du coup je me sens discréditée auprès des AS. Les soins de stomies, nutrition parentérale etc... je n'ai fait ces soins qu'en première année et je me sens incapable de faire ces soins à l'heure d'aujourd'hui !
Vraiment... Je me demande si je suis faite pour ce métier tant je vis mal mes journées, mes nuits etc... je pleure sans arrêts et j'ai continuellement la boule au ventre. Je trouve aussi très spéciale l'ambiance d'équipe....
Avez-vous ressenti ce désarroi à vos débuts ??

[Lenalan]

Oooohhhh oui Tu es dans quel service? Au début je faisais des remplas, dans des spécialités que je ne connaissais pas avec des soins que je n'avais jamais vus (mobiliser une lame par exemple ou faire des décaillotages en uro...). Si tu as des collègues bienveillantes (y compris les AS) elles te montrent et après tu sais faire (ne surtout pas hésiter à leur demander, et ne pas se jeter dans un soin inconnu à l'aveugle), ça ne te discrédite pas forcément (sauf auprès des imbéciles qui ont la science infuse, n'ont jamais débuté et savaient déjà tout).

Après, il est possible aussi que ce type de service ne te convienne pas (ce qui était mon cas à certains endroits, et je suis partie) et là avant de te rendre malade il vaut mieux aller voir ailleurs. "Normalement" ce mal-être s'estompe au fil des mois (s'il perdure, ce n'est pas "normal"). Si tu en es à faire des angoisses même quand tu es en repos, que tu pleures souvent, que tes nuits sont impactées et que tu ne trouves même pas de réconfort auprès de l'équipe, c'est peut-être non pas le signe que tu n'es pas faite pour ce métier, mais que tu n'es pas au bon endroit pour toi.... On ne travaille pas pour se rendre malade et tu dois trouver un minimum de plaisir dans ce que tu fais, ça ne doit pas être que de la souffrance.

[gaetsmiley]

Bonjour,

Je pense que ce que tu ressens est un sentiment éprouvé par de nombreux soignants au début de leur carrière ou lorsqu'ils changent de service...

Lors de mon premier poste en soins à domicile, je ne me sentais absolument pas armé : je me sentais seul (ce n'était pas qu'un ressenti ....), pas suffisamment mature professionnellement -je n'avais pas de recul sur certaines situations cliniques- ... Puis quelques mois plus tard, j'ai pris un poste dans un service hospitalier et là, je me suis senti à ma place même si j'appréhendais certains soins /situations....

Toujours est-il que parfois ton sentiment "d'incapacité" n'est que très subjectif ! As-tu eu des remarques sur ton travail ?

Qu'est-ce qui te dérange le plus ? Est-ce le rythme effréné et le fait que tu n'arrives pas à prendre tes marques car tout va trop vite ? Le fait que tu appréhendes certains soins sans oser demander à tes collègues ?
On a tous débuté à un moment ou à un autre : n'hésite surtout pas à partager ton ressenti avec tes collègues et leur demander conseil. Elles pourraient te rassurer et cela te permettrait de te sentir plus en confiance !

Aussi, as-tu songé au travail de nuit ? La notion de rythme de travail y est différente : tu peux prendre tes marques avec moins de pression, prendre un peu plus de temps avec les patients, et gagner en autonomie et en confiance en toi !!

Quoiqu'il en soit, l'exercice infirmier est tellement riche que tu as la possibilité d'y trouver ton compte !

[lalacroix]

Oui, c'est ça, tout va trop vite et quand je regarde les autres IDE, elles gèrent. Moi je suis débordée par rien !! Reperfuser me prend énormément de temps et encore, le succès n'est souvent pas de la partie. Je me sens dévalorisée...
Nous avons 17 patients, j'ai peur de l'erreur, des inversions, etc... je vérifie, revérifie mais il faut aller vite !
Le matin, par ex, les ttt, bilans, constantes, dextro, insuline doivent être prises avant 9H... je n'y arrive pas ! je suis largement hors délai !! Vraiment, je me sens... nulle

[Lenalan]

Oui, c'est ça, tout va trop vite et quand je regarde les autres IDE, elles gèrent. Moi je suis débordée par rien !! Reperfuser me prend énormément de temps et encore, le succès n'est souvent pas de la partie. Je me sens dévalorisée...
Nous avons 17 patients, j'ai peur de l'erreur, des inversions, etc... je vérifie, revérifie mais il faut aller vite !
Le matin, par ex, les ttt, bilans, constantes, dextro, insuline doivent être prises avant 9H... je n'y arrive pas ! je suis largement hors délai !! Vraiment, je me sens... nulle

C'était pareil pour moi, exactement.... Et quand ma collègue du "soir" arrivait à 9h30 (on était en 12h) et que j'étais encore dans le "tour" alors que j'avais commencé à 6h30 (mais on avait 26 patients, parfois j'avais jusqu'à 18 bilans à faire en plus des constantes, dextros, insulines...), non seulement elle me gueulait dessus (mais très violent, je devais avoir fini à 9h maxi) mais en plus elle allait voir la cadre pour dire que j'étais lente et que c'était pas possible d'être obligée de m'aider à finir le tour quand elle arrivait à 9h30...... Du coup quand c'était moi en soir elle me laissait un tas de travail à faire et elle avait terminé largement avant 9h (un jour elle avait fait aucun bilan, et comme le labo les voulait avant 9h, elle m'a dit "après tu leur descend et tu leur expliques pourquoi tu viens que maintenant", bien sûr les gens qui devaient être à jeun n'avaient pas déjeuné, les AS étaient en furie...). Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres... je me suis "plainte" à la cadre, elle m'a dit "quand j'ai débuté comme IDE elles m'ont fait pareil, ça passera avec le temps". Ok.....

[lalacroix]

Et ce sont des soignants.... lamentable !
28 patients, impossible pour moi... et finir avant 9H30 c'est juste impossible. Tu commençais ton tour à 6H30 ? A quel moment vérifiais-tu tes médocs ?

Et maintenant, dans quel service es-tu ? Combien de patients as-tu ?

[Lenalan]

Et ce sont des soignants.... lamentable !
28 patients, impossible pour moi... et finir avant 9H30 c'est juste impossible. Tu commençais ton tour à 6H30 ? A quel moment vérifiais-tu tes médocs ?

Et maintenant, dans quel service es-tu ? Combien de patients as-tu ?

Tout en même temps, de 6h30 à 9h Je pense que c'est pas faisable pour quelqu'un de normalement constitué, mais bon, elles y arrivaient... C'était en gériatrie court séjour.

Maintenant je suis en EHPAD, 41 résidents mais rien de comparable en charge de travail, je fais mon tour de 6h45 à 11h et comme je suis toute seule je vais à mon rythme et personne ne me demande rien, je fais mes labos avant 8h et ça roule

[aeon]

Tout en même temps, de 6h30 à 9h Je pense que c'est pas faisable pour quelqu'un de normalement constitué, mais bon, elles y arrivaient...

Salut.
A partir de là, tout est faisable : toilette, bilans, dextro, insuline, ptit dej pour 30 patients en 2h c'est faisable mais aucun patient (ou résident) n'a de plainte, aucun ne parle, aucun ne dort, tous vous attendent, disponibles, aucun n'a mal, aucun n'est hypertendu et normoglycémique, aucun ne vous fait perdre de temps à dire bonjour, bref tout le monde est autonome, aucun malade, comme des machines. Alors oui, là, on peut tenir les délais !
Les soignants qui prétendent tenir ses délais inhumains sont des imbéciles qui n'ont rien à faire dans quelconque structure de soins ni qui accueille du public.
Si tu n'arrives pas à tenir ces cadences de débiles, c'est plutôt rassurant, ça prouve si besoin est que tu es humaine et que tu te préoccupes des gens.

[Maximousse1989]

Je ne vais sans doute pas apporter grand chose à la discussion mais j'abonde dans le sens de ce qui a déjà été dit, je pense que tout changement de service comporte un temps d'adaptation, ne parlons pas du premier poste, qui est terrible niveau stress.

Pour ma part quand j'ai commencé il y a 3 ans en USLD avec 45 patients dépendants pour un seul infirmier j'ai bien mis deux mois pour "rouler", avant je finissais toujours tout en retard, j'avais du mal à prioriser, je perdais du temps dans chaque action...
Et même quand j'ai changé de service il y a quelques mois ben j'ai mis un peu de temps à m'adapter, c'était aussi de la gériatrie mais en médecine, donc organisation totalement différente (entrées et sorties dans tous les sens, présence médicale bien plus importante, etc).

Je ne suis heureusement jamais tombé sur une collègue comme celle de Lenalan, on m'a fait des remarques, parfois sèchement mais jamais je n'ai eu droit à la feignasse qui se décharge de son travail sur le nouveau et EN PLUS va voir la cadre pour dire que ce dernier est lent.

Ne prenez pas comme mètre-étalon votre collègue qui est là depuis 5 ans, évidemment elle est plus rapide et percute plus que vous, c'est normal puisqu'elle connaît le service et a plus d'expérience dans le métier.
Si vous veniez dans mon service actuel vous auriez sans doute un peu la même impression, j'irais plus vite que vous pour à peu près tout et vous vous diriez "ouah qu'est-ce qu'il est fort ce Maximousse !" )
Maintenant mettez-moi une journée dans un service que je ne connais pas (au pif, onco), on va rire.

[Lenalan]

Je pense qu'on en est tous là: on nous met ailleurs (n'importe où!), c'est sûr qu'on va pédaler dans la semoule Mais tout le monde n'en est pas conscient et c'est bien dommage. Le tout est de tomber sur des collègues aidants et compréhensifs, et tout se passe bien! Et en plus quand on est moins stressé on s'adapte plus vite....

[Patt]

Je confirme !!

J'ai eu la chance de tomber dans un service où on trouve logique d'être deux fois moins rapide au début avec des collègues qui viennent automatiquement t'aider. On a toujours repéré qui est plus lent dans l'équipe, qui est ci ou ça... Jamais pour le descendre mais pour aider ! Parfois, il faut le temps de trouver le service qui nous plait, l'équipe bienveillante et notre tranquillité d'esprit. Parfois ça dure un temps et puis il faut repartir ou alors on s'encroute comme une bernique (mais avec joie ).

C'est important aussi de se poser et de se comprendre. Pourquoi je pleure, quel est l’élément qui me pose vraiment souci ? Est vraiment la sensation d'être "incapable" ou le fait qu'on ne m'aide pas à progresser ? Est ce le fait d'être en retard ou de renier mes valeurs ? ... ? Comme toi, j'ai pleuré. Pourtant j'adore le service où je travaille. Je n'en reviens pas d'avoir eu une telle chance à la sortie du DE. Alors le quitter ? Eh bien oui, en prenant du recul j'ai comprit ce qui n'allais pas et j'ai fait de nouveaux choix. Rester à souffrir, se mettre de fausses barrières pour changer ça ne nous apporte rien.

Pendant mes entretiens avec des cadres bienveillants et compétents ( ça m'avait manqué), j'ai aussi pu prendre plus de reculs. Ils m'ont aidé à comprendre mes limites "mentales", je me suis vraiment beaucoup, beaucoup limitée face à cette expérience un peu compliquée. J'ai aussi pu énormément parler (et pleurer) avec des collègues. Franchement, une écoute active et bienveillante c'est fou ce que ça peut aider à se recentrer et avancer !

Je te souhaite un beau chemin, ne te dévalorise pas trop. Fais le point sur tes qualités, sur les points positifs de ta journée (le sourire de bidule, le fait d'avoir réussi tel soin, le fait d'avoir apporté une compote à machin et d'avoir le sentiment d'avoir été humaine, le...). Si on ne voit que la journée dans sa globalité négative sans chercher les détails qui peuvent la rendre belle, c'est encore plus douloureux.