Le poids du silence

Le forum des étudiants en soins infirmiers

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Camilisa
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Le poids du silence

Message par Camilisa »

Bonjour à toutes et à tous.

Je m'appelle Camille j'ai 19 ans et aujourd'hui j'ai décidé de briser le silence.

Septembre 2013 : Je suis sur liste complémentaire.
Deux jours après la rentrée l'IFSI m'appelle, un désistement, je suis prise. Après deux mois d'attente et de stress c'est avec un énorme soulagement et les larmes qui coulent sur mes joues que je crie un "oui" dans le téléphone.
Alors il faut tout préparer, imprimer les papiers, prévenir la famille de la bonne nouvelle et puis partir à 1h de chez soi, démarrer une nouvelle vie seule, son appartement, son indépendance. Le rêve de quasiment tous les jeunes de 18 ans, on va pas se mentir.
Le lendemain, un mercredi, je fais donc ma rentrée en institut de soins infirmiers. Heureuse ça oui, c'était tout ce que je voulais. Les jours passent, je rencontre de nouvelles personnes, je me fais des amis, je vis ma vie. Je découvre une nouvelle ville, un nouveau monde. Le monde étudiant. Avec sa certaine insouciance, ses soirées et puis cette liberté. J'ai 18 ans, j'ai l'impression d'être le maître du monde, rien ne m'atteint, je suis jeune, belle (ça dépend des jours) et libre.

Novembre 2013 : Dans 4 jours, je commence mon tout 1er stage. En neurochirurgie. Oui, le service de Derek Shepperd dans Grey's anatomy. Oui le cerveau, la moelle épinière, le système nerveux, tout ça. Partout autour de moi on me dit "Mais c'est super, tu vas t'éclater", on m'envie presque. Je souris, je suis confiante, pressée. Je bois les paroles de ces gens, pire même, je les crois de tout cœur. Dans 4 jours je vais dans le service de neuro et je suis comme un enfant à la veille de Noel.
Et puis ce fameux jour arrive. Anxieuse il faut l'avouer tout de même, j'entre dans l’hôpital. C'est immense, des dizaines d'étages, de services. Partout, des gens qui courent, des patients qui attendent, d'autres qui marchent, qui parlent, qui sont là tout simplement. Je me rend dans ce service. Je me présente. Oui oui c'est moi Camille l'étudiante infirmière qui commence son stage aujourd'hui. On m'indique où me changer, on se présente à moi. Cadre, aide(s)-soignant(e)s, infirmier(e)s, médecins, internes et j'en passe... On m'explique ce qu'on fait exactement ici, le profil des patients. Et puis la 1ère journée se termine. Oui oui c'était bien, j'aime bien.
Le lendemain et puis le jour d'après aussi c'était bien, j'aimais bien.

Le troisième jour, je change d'étage. Toujours le service de neuro mais cette fois ci,a la réalité du terrain va me mettre une claque. Ici, les patients sont en train de mourir. C'est le matin, l'équipe effectue les transmissions. Je lis ma feuille, mes doigts tremblent légèrement, ma gorge se serre. Hémorragie méningée, tumeur cérébrale, traumatisme crânien, anévrismes, trachéos, coma, soins palliatifs. Des tas de mots qui font peur s’enchaînent. Et puis... Il y a cette patiente. Je ne l'ai encore jamais vu. Mais cette patiente a déjà changé ma vie sans que je m'en rende vraiment compte. Du fait de son jeune âge comparé aux autres patients, du fait de la longueur des transmissions écrites pour elle, du fait des mots effrayants qui la décrivent. Je n'entends plus rien autour de moi, mes yeux et mon esprit restent bloqué sur ce nom, sur cet âge, sur mots compliqués et moches. Des mots qui riment avec la souffrance, la maladie et la mort. J'ai déjà envie de pleurer. Stop Camille, reprends toi, c'est le métier, c'est comme ça.
La tournée commence, je suis une infirmière assez froide. Je prend la tension, la température... Et puis nous voilà devant cette porte. Chambre numéro 15, il y a une baleine bleue en guise de.. décoration. La porte est fermée, mais je sais exactement quelle patiente se trouve dans cette chambre, dans ce lit.
Les battements de mon cœur s'accélèrent, je serre les poings, je respire un bon coup et suit l'infirmière qui pousse la porte. C'est à cet instant précis que tout a changé. Que Camille n'était plus Camille. Je l'ai vu dans son lit, le regard perdu, la trachéo, des fils partout. Impossible de parler, de répondre... Juste des larmes lorsqu'on s'approchait d'elle. Des larmes et de l'effroi au fond des yeux. L'état pauci-relationelle ils appellent ça. Moi j'appelle ça le cauchemar. Je ressors de cette chambre les larmes qui menacent de couler, une douleur poignante au fond de l'estomac. Quelque chose s'est brisé ce matin là. Quelque chose qui n'est toujours pas réparé presque 9 mois après.

Les jours sont passés, je suis restée dans ce service où la mort et la souffrance étaient partout. Elles imprégnaient les murs, la peau, les gens... Autour de moi on me disait "ça doit être génial ce stage, c'est comme dans grey's anatomy, dr house, urgences". Oui oui c'est super j'adore. J'assurais à toutes ces personnes avec un sourire faux que oui, ça se passait bien. Que mon 1er stage, c'était le top. Mais la vérité était bien loin.
La vérité c'est que je rentrais chez moi en larmes tous les soirs, la vérité c'est que je trouvais un appartement vide tous les soirs, que faire à manger, lire un livre, réviser, sortir m'était totalement impossible. Je ne dormais plus. Cauchemars incessants, insomnies... Et chaque matin,quand le réveil sonnait à 5h30 il fallait se lever, même après une nuit sans sommeil, même après une nuit de larmes et de peur. Il fallait se lever et y retourner. Épuisement, angoisse, peur... L’insouciance du monde étudiant, de la nouvelle vie, de l'indépendance, tout ça, tout ça.. envolé.
Les semaines de 45h m'ont tuées, tous ces patients en train de mourir m'ont tués, cette infirmière qui m'a dit un jour que j'étais "nulle" m'a tué, le chaos qui régnait dans cette équipe et dans ce service m'a tué, ces infirmières qui pleuraient d'épuisement m'ont tuées, ces nuits sans trouver le sommeil m'ont tuées, ce silence que je gardais m'a tué.

Fin de la troisième semaine de stage : Vendredi, une formatrice de l'école vient me voir. On s’assoit, elle me demande comment cela se passe. Je tente un sourire, un sourire de travers, comme un vieil objet qu'on aurai tenté de rafistoler un bon paquet de fois. J'essaie raconter, de tourner ça à l'utopie mais ma gorge se serre de plus en plus, ce sourire hypocrite m'épuise alors je craque. Un flot de larmes s'écoule, encore une fois depuis trois semaines oui... Mais la première fois devant quelqu'un. Alors je dis que je n'en peux plus, que je suis épuisée. Et bla-bla-bla qu'elle me répond, il faut s'accrocher, ça va aller. C'est normal c'est un service difficile. J’acquiesce, je me tais. Je la crois. Non pardon, je fais semblant de la croire.
Le lendemain, le samedi 23 novembre, je suis d'après-midi. Je commence la tournée avec cette infirmière sympathique, la seule à qui j'ai pu parler de cette patiente. Et puis en parlant de cette dernière... Pour la 1ère fois depuis trois semaines je me trouve à nouveau devant la porte de sa chambre. Devant ce 15 et cette baleine bleue. L'infirmière me demande si ça va, "si tu préfère m'attendre devant la porte tu peux". Je la regarde, je regarde la porte, le 15 et cette baleine bleue. Puis je ne vois plus rien. Tout est trouble autour de moi. Je pleure. Une habitude maintenant. Mais je pleure devant un service entier, devant une équipe, devant le papa de cette patiente. Culpabilité, épuisement, douleur, angoisse, peur, tristesse... Des milliers de sentiments se bousculent en moi. La blouse blanche que je porte sur moi ne me protège pas. Combien de fois m'a t-on dit "Quand tu mets la blouse tu n'es plus Camille tout court, tu es Camille l'étudiante infirmière, tu dois laisser tes soucis et tout le reste au vestiaire". Tu parles. Ce jour là, la Camille tout court, la Camille de 18 ans pleine d’insouciance et un tantinet trop sensible n'est pas resté au vestiaire. Elle s'est mélangée à la Camille étudiante infirmière. Et elles se sont écroulées toutes les deux en plein couloir d'un hôpital, sous le regard de dizaines de personnes.
Le lendemain, un dimanche, je n'ai pas réussi à sortir de mon lit, pas réussi à m'habiller, prendre le tram et retourner dans cet hôpital, dans ce cauchemar.
Un coup de fil au premier médecin de garde trouvé. J'ai mal au ventre, j'ai vomi aujourd'hui, je ne peux pas aller en stage il me faut un certificat s'il vous plait. Bien sur c'est faux. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas dire que je voudrais me jeter sous ce tram ou du 13ème étage de l’hôpital. Je ne peux pas dire "Je suis presque morte, aidez moi" ça n'a pas de sens. Et puis j'ai 18 ans, c'est jeune. C'est le bel âge. On ne tombe pas plus bas que terre, dans ce gouffre à cet âge là. Tas de conneries dont j'ai voulu me persuader. Quelques médicaments à base de plantes pour mieux dormir, un certificat et je rentre chez moi.
Le lundi, je me rend à l'école pour donner ce fameux papier qui pour moi était comme une libération. Arrêtée. Arrêtée pour deux jours. Dimanche et lundi. Pourtant ce lundi, après l'école j'avais prévu d'y retourner. Car il le fallait. Je devais. Dans ce secrétariat, j'ai rencontré une formatrice. "Bonjour Camille ! Comment allez-vous ?" c'était une simple question banale vous allez me dire. Mais en réalité c'était une main qu'on me tendait, une issue de secours, une corde qui pouvait peut être me ramener à la vie. Alors je l'ai attrapé, je l'ai attrapé de toutes mes forces, du moins avec la force qu'il me restait. Oui. Je me suis écroulée ce lundi devant cette formatrice. Des larmes, des larmes et encore des larmes. "Venez on va parler. Qu'est ce qui ne va pas ?" Je n'en peux plus. C'est tout. Je n'en peux plus.

Mardi, mercredi, jeudi, vendredi... Les jours se sont enchaînés. Je ne suis jamais retournée dans ce service. Je n'ai rien dit à personne. Je n'ai pas raconté le cauchemar, je n'ai pas raconté pour les larmes, pour les insomnies, pour l'isolement, pour la peur, pour l'angoisse, pour la douleur, pour le noir omniprésent, pour la solitude, pour l'insécurité. Je n'ai rien dit. Je ne suis pas retournée dans ce service mais l'enfer était loin d'être fini. Il ne l'est toujours pas 9 mois après d'ailleurs.

Je m'appelle Camille, j'ai maintenant 19 ans et je redouble ma 1ère année. Ce n'est pas une tare, ni un échec. Je vais très certainement remettre les pieds dans un hôpital et je dois avouer que cela me donne une peur bleue. Pire même. Comme une phobie... Ce stage a tout changé. Il m'a changé. Il a brisé quelque chose au fond de moi et je pourrais surement jamais le réparer entièrement.

Avec ce message, je ne cherche pas une quelconque compassion, des messages d'encouragements ou quoi que ce soit du genre. Je voudrais juste laisser une trace de ce qu'il s'est passé ce mois de novembre 2013. Certaines personnes n'ont pas réellement compris, je ne leur en veux pas. A vrai dire,moi non plus je n'ai pas bien compris ce qu'il m'arrivait. Je sais seulement qu'encore aujourd'hui je suis loin d'en être guérie et que non, ce n'est pas comme dans "grey's anatomy, dr house ou urgences". C'est bête et puéril d'avoir pensé ça mais j'avais 18 ans, je n'y connaissais rien. J'étais jeune, insouciante et pleines de rêveries. C'est toujours le cas, mais différemment.
Toujours le cas mais différemment...
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IDEalement
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Re: Le poids du silence

Message par IDEalement »

Et les autres stages?
IDE.
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Camilisa
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Re: Le poids du silence

Message par Camilisa »

Le 2ème était en EHPAD et l'autre en crèche. ça s'est bien passé dans l'ensemble mais revenait sur mes bilans "sensible, élève fragile" et j'en passe
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IDEalement
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Re: Le poids du silence

Message par IDEalement »

Il faut garder à l'esprit que des patients en perte d'autonomie, qui se dégradent, qui meurent, tu en verras d'autres. C'est facile pour personne. C'est absolument nécessaire d'arriver à une certaine distanciation, pour que tu restes professionnelle en toutes circonstances.
Tes formatrices t'ont conseillé de t'accrocher parce que le choc est parfois violent quand on découvre les services. Et une fois que c'est passé, on découvre le plaisir du prendre en soin, on trouve de la valorisation dans le travail. Vois comment se passe ton stage cette année, essaie de prendre sur toi et de voir si un déclic se produit. Mais si malgré tout ton malaise persiste, il faudra être en mesure d'envisager une voie différente. Et si les choses évoluaient dans ce sens, il ne faut pas le vivre comme un échec, tu auras fait le maximum mais il serait auto-destructeur de persister dans une voie qui te mènerait à la dépression.
IDE.
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myloma

Re: Le poids du silence

Message par myloma »

bonsoir Camille :D

notre boulot est émotionnellement difficile, on se prend des "claques", mais on apprend à gérer les émotions, en observant l'attitude des collègues, en se formant.

tu as vécu me semble-t-il un transfert, cette jeune fille pouvant être toi ou un proche. Malheureusement, la réalité est loin , très loin de Grey's Anat que j'aime pourtant bien regarder.
dans notre boulot, nous ne pouvons "sauver tout le monde", par contre, essayer d'apporter un mieux-être

je pense que l'erreur de tes formateurs a été de te mettre dans ce service, il aurait fallu que tu commences par un secteur moins difficile émotionnellement, eu égard aux pathologies gravissimes pour la plupart.
sans minimiser les EHPAD, ou service d'aide à domicile, tu y aurais abordé la maladie et la mort de façon plus douce
une personne âgée qui décède, cela se vit moins mal car elle a vécu sa vie d'avant la maladie.

certains services, les chanceux, ont des psychologues pour les aider à évacuer leurs sentiments.
que tu aies 18 ou 55 ans, tu ressens tes tripes se nouer parfois.
bien des années ont passées, et des patients sont restés gravés en ma mémoire.

tu n'es pas seule à vivre cela, et je pense que tu as été plongée trop tôt dans le bain, et là, c'est bien dommage.

tu dis avoir été traitée de nulle à à peine 15 jours / 3 semaines de stage, très peu d'entre nous, seraient à la hauteur.

oui, on nous dit de laisser nos soucis aux vestiaires, mais nous sommes des êtres humains, tu n'étais pas préparée à ce qui t attendait, normal que tu aies été en difficulté !

maintenant, tu as bien fait de venir parler sur le forum, mais je pense que tu dois te faire aider pour dépasser ce traumatisme qui te hante encore.
à cette question, je ne veux pas de réponse, mais cette fille a-t-elle réveillé qq chose en toi? si oui, ce serait bien que tu en parles pour pouvoir dépasser et partir sur d'autres bases
Anonyme7678399

Re: Le poids du silence

Message par Anonyme7678399 »

Salut Camille.
Il y a quelques semaines, j'ai été étonné de croiser une EIde 3ème année en pleurs dans les vestiaires le dernier jour de son stage. Elle était O.P. "Opérationnelle" consciencieuse, efficace, agréable avec les patients.
Je lui ai demandé qui avait bien la descendre comme ça.
Elle a reconnu que la note était excellente mais que le stage était très dur.
Rencontrer des jeunes enfants avec une boule qui grossit dans la tête
Rencontrer des jeunes mamans devenues aphasiques à cause d'une MAV
Rencontrer des personnes âgées hémiplégiques après un AVC
C'était très dur. C'était un concentré de souffrance psychologique et physique.
Au début de notre carrière, on pleure beaucoup secrètement pour ne pas choquer l'entourage. On craint d'entendre que le métier n'est pas fait pour nous.

Mais ce métier est très dur. C'est une épreuve difficile: tu passes de l'insouciance à la cruauté de la vie.

Un jour, tu arrêtes de pleurer parce que les patients ne veulent pas de pitié, ils ont besoin de présence, d'écoute, d'ambiance et de bonne humeur.
Un jour, une auxiliaire de vie avait mis le service de réa pédiatrique dans un fou rire général.
Les préma étaient alimentés par voie parentérale. Elle s'est promenée avec un chariot, s'est arrêté à chaque box et a interpellé chaque prématuré par leur prénom
Alors Léo, tu veux un biberon 2ème ou 3ème âge?
Et toi Rachid, demain on introduit les boulettes dans ton biberon couscous royal
Léa, tu as pris 300g tu ne pourras pas rentrer dans ton bikini. A la diète pendant deux heures. Y'allah!!!
Tout le monde pleurait de rire, meme le réa qui techniquait péniblement

C'était un concentré de bonheur.

Avec le temps, il se forme un écran qui te protège. Tu prends ton patient en charge et non plus à ta décharge. Les infirmières ont un écran total mais oublient leurs stagiaires photosensibles.

Tu te rends comptes que tu es dans la santé et que tu n'as qu'une santé.
Pars en vacances pour te ressourcer dės que tu le peux.

Cheikh ment votre.
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Lenalan
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Re: Le poids du silence

Message par Lenalan »

Merci Camille pour ce beau témoignage, dur mais beau, parce que dans nos IFSI il y a combien de Camille de 18 ans qui pensent entrer dans grey's anatomy et rencontrer Dr Mamour en stage de neuro-chir? Et non il n'y a pas de Dr Mamour ni de Dr House, et de vrais drames se jouent en neurochir (et partout ailleurs), avec des vrais gens de tous les âges qui meurent vraiment et qu'on doit accompagner, c'est ça notre métier: accompagner vers la guérison, accompagner dans la souffrance ou vers la mort. Parfois ce sera une personne qui te fait penser à ta mère, à ton père, à ta soeur, tu te verras toi-même à sa place..... Prendre du recul et une distance professionnelle ça ne vient pas au 1er stage et ça ne s'apprend pas en 5 semaines, ça vient avec le temps. Ce choc est fréquent, après il faut voir ce que tu en fais, si ta 2ème 1ère année te permet d'apprivoiser la chose, et de te rendre compte que malgré tout tu es faite pour ça. Ou alors de constater que tu ne peux pas et que tu n'arriveras pas à surmonter... On ne peut pas pleurer tous les jours, c'est pas possible, il faut que tu te protèges aussi... A mon stage de S2 j'ai fait beaucoup de soins palliatifs, parfois j'ai pleuré avec les familles, j'en ai parlé avec ma formatrice, selon elle on a le droit de pleurer, mais il y a un problème du moment que quand tu rentres chez toi tu pleures encore et que tu es incapable de vaquer à tes occupations habituelles comme si de rien n'était. Une fin de vie, un décès, c'est toujours très difficile mais ce n'est pas ta vie, ces gens ne sont pas ta famille ni tes amis, tu es juste là pour accompagner ce passage du mieux que tu peux, avec toute ta sensibilité mais sans que ça t'atteigne vraiment. C'est là toute la difficulté, et on met des années à y arriver...
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Camilisa
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Re: Le poids du silence

Message par Camilisa »

C'est bête, je ne sais pas quoi répondre à vos messages, alors je vous dit merci. Vraiment merci..
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gazougazou
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Re: Le poids du silence

Message par gazougazou »

Coucou Camille,

Je pense que nous avons été étudiantes ensemble cette année et je veux juste te dire que tu as été particulièrement courageuse. Tout ce que l'on vit au cours des stages nous aide à avancer tu vas voir que cette très douloureuse expérience va te rendre beaucoup plus forte pour appréhender ta nouvelle année. Il faut dire aussi que nous n'avons pas été ménagés en dehors des périodes de stage et que l'année fut difficile avec une pression qui je trouve (et c'est normal) est allée croissante pour finir en apothéose lors des partiels de S2 (enfin c'est mon ressenti...). Je suis pour ma part ressortie vidée de cette année et moi qui voulait travailler en juillet j'ose dire que je ne m'en sentais pas physiquement capable. Pleurs et nuits blanches ont aussi (pour d'autres raisons que les tiennes) émaillés les dernières semaines.

Allez Camille n'hésite pas à venir donner des nouvelles et on se croisera je suis sûre à l'IFSI l'an prochain tu me diras comment ça se passe !! ok ? d'ici là repose toi surtout.
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Re: Le poids du silence

Message par Mel93 »

Bonjour Camille

Tout d'abord je tiens a te dire que ton histoire ma particulièrement touché , tout comme la manière dont elle est racontée . Je n'ai pas vécu de situations similaires même si j'ai fait un stage en gériatrie ou se trouvait des lits de soins palliatifs qui m'ont beaucoup choqués . Je comprend parfaitement l'inconscience et la naïveté si on peut dire sa comme sa que l'on possède a 18 ou 19 ans . J'ai le même age et je trouve que ton récit est très parlant pour les jeunes comme nous qui se lancent a corps perdu dans cette formation sans trop savoir dans quoi on s'embarque . Encore merci pour ce récit qui reflète si bien une réalité , la notre .
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Jo_bis
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Re: Le poids du silence

Message par Jo_bis »

On sent une réelle souffrance dans vos propos, je ne vous "assommerai" pas avec des "yaka-foke"... :clin:

Juste une remarque : avez-vous pensé à consulter un psy ?
Il est nécessaire de parler, absolument !!!!
D'évacuer ce venin qui vous envahit.

Ne restez pas comme cela...il y va de votre santé psychologique, voire physique.
"Il suffit de nous regarder pour voir comment une forme de vie intelligente peut se développer d'une manière que nous n'aimerions pas rencontrer."
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Re: Le poids du silence

Message par marion386 »

Je suis d'accord la distance n'est pas innée et dépend de chacun ... Par exemple j'arrive à prendre de la distance avec les enfants tandis que sur les personnes âgées je transfert sans cesse je "me vois" en eux plus tard et je le vis vraiment mal...alors que certains diront "l'oncologie pédiatrique? oh mon dieu je pourrai pas"
Tout le monde est différent et dire qu'un infirmier peut travailler dans n'importe quel service c'est faux! On a tous des limites le tout est de savoir où elles se trouvent et sans stage et sans confrontation tu ne peux pas les deviner
Un jour tu sera face à une fin de vie de quelqu'un de jeune et tu te souviendra de ces moments où tu t'es mis dans des états comme ceux là et tu te dira "tiens aujourd'hui j'y arrive" et puis tu sais durant toute nos carrières il y aura des patients avec qui la distance sera plus compliquée... c'est un métier humain et c'est ça qui en fait la beauté aussi. Il faut savoir dire "je ne suis pas capable de m'occuper correctement de ce patient" et passer le relais mais tu ne pouvais pas savoir.
C'est bien de te remettre en question mais la prochaine fois tu sauras ne pas fuir et simplement reconnaitre tes limites et accepter de ne pas être une super woman :clin:
IDE depuis le 20/02/2015
Mai 2015 = Concours éducation nationale OK :D
Infirmière scolaire!!!!!
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Re: Le poids du silence

Message par DreamXV »

Bonsoir ,

Je rentre en école en septembre ..

Je veux remercier Camille pour ce magnifique témoignage , ce que tu as écrit m'a touché , réellement , bien plus que les reportages ( quels qu'ils soient ) , document manuscrit ect ..
J'appréhendais un peu , je me sentais invisible du haut de mes 23 ans, après l'obtention du concours ( je ne viens pas de la même branche scolaire d'où mon exaltation ) .
Ce que tu as écrit m'a fait réfléchir et permis de voir ma future formation d'un autre oeil , tu as décrit une réalité sans la minimiser et en étant à 100% franche , c'est rare de lire un témoignage aussi lourd de sens .
Je suis tombé par hasard sur ce topic et je ne le regrette pas , tu as su me faire apprendre sur ce métier et sur une des réalité de la vie lié à cette profession , ce n'était pas prévu mais tu l'as fait et encore une fois merci .

J'espère que ça ira pour toi , pour moi et pour tout les autres ESI et futur ESI , qui ne savaient ou ne savent pas dans quoi ils se sont réellement embarqué .
Courage .
ESI Charles Foix ; 2014 - 2017 .
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Re: Le poids du silence

Message par AmThLi »

Jo_bis a écrit : Juste une remarque : avez-vous pensé à consulter un psy ?

J'allais le dire, visiblement il y a là quelque chose qui ne passe pas depuis le courant de ce stage et la rencontre de cette patiente qui t'a beaucoup angoissée. Il semble, à te lire, que depuis lors quelque chose chez toi cherche à se dire mais que ça entraine chez toi une souffrance car ça en passe par de l'anxiété, des cauchemars... C'est peut-être le bon moment d'aller consulter un psychothérapeute afin de remettre de la parole sur ce vécu douloureux, pouvoir refaire cette première année plus sereinement, et questionner ce qui s'est passé.
"La plus grande proximité, c'est d'assumer le lointain de l'autre."

J. Oury
myloma

Re: Le poids du silence

Message par myloma »

oui, tout à fait, c est aussi ce que je lui ai suggéré, d'autant qu'il y a de fortes chances que "la jeune patiente de la chambre à la baleine bleue sur la porte" risque de se faire rappeler à ses souvenirs sous les traits d'un autre patient .
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