LUTTE CONTRE LES VIOLENCES

Soignantes et soignants face aux violences sexistes et sexuelles : quels recours ? Quelle prévention ?

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Publié le 05/09/2025

La parole a seulement commencé à se libérer fin mai 2024 via le mouvement #Metoo à l’hôpital. Une urgence appelant à réagir le gouvernement et les instances hospitalières. Depuis des jalons ont tout juste été posés dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans le monde du soin. Où en est-on ? Le point avec Sylvaine Mazière-Tauran, présidente de l'Ordre national des infirmiers, sur le plateau TV d'Infirmiers.com.*

L'Ordre infirmier apparaît aujourd'hui bien engagé dans le mouvement #MeToo de la santé. Comment vous êtes-vous saisis de ce combat ? 

C'est un sujet que je souhaitais porter dès le début de ma mandature. A la fois en tant que infirmière et en tant que femme. Car j'ai eu l'occasion de voir que les violences sexuelles et sexistes sont malheureusement trop souvent dans le quotidien des infirmières et des femmes. J'ai commencé d'abord, une fois à la présidence de l'Ordre, par lancer une enquête, pour faire un bilan de situation. Nous avons eu vingt-deux mille participants. Avec une réponse, à la fois des femmes, mais également des hommes infirmiers, parce qu'ils n'en sont pas exempts non plus de ce type d'agression et de discrimination. Et les résultats ont été impressionnants par leur gravité. Puisque quasiment une infirmière sur deux, ou un infirmier sur deux, est victime, au cours de sa carrière, de violences sexuelles et sexistes.

 

Est-ce que toutes ces personnes avaient consciences au moment des faits qu'il s'agissait de "violence" ?

Oui pour les violences sexuelles. Mais les violences sexistes, parfois les victimes n'ont pas vraiment conscience que s'en sont. Tellement, c'est dans les mœurs. Elles peuvent être vécues comme de l'humour ou une culture carabine qui s'impose, mais en réalité, c'est blessant, c'est insultant pour les professionnels. Il faut vraiment prendre conscience que les propos sexistes ne sont pas acceptables. Cette enquête montre aussi qu'il y avait un défaut de déclaration de ces incidents et qu'il n'y avait pas de prise en charge suffisante des victimes par la justice. Il est important que l'Ordre participe à cette prise de conscience. 

Quelles actions envisagez-vous face à ce constat ?

Au regard des résultats de cette enquête, nous avons fait un certain nombre de propositions d'actions de prévention, d'accompagnement des victimes et de sanctions des auteurs de ces méfaits. Et ça, c'est extrêmement important. Il est essentiel aussi que plusieurs associations et mouvements représentatifs s'engagent, parce que l'union fait la force et je crois que le ministre de la Santé a bien compris que c'était une priorité. Il y a donc un plan d'action qui est en cours de validation, qui va nous permettre d'avancer sur ces trois versants: la prévention, l'accompagnement des victimes et les sanctions.

Précisément dans l'accompagnement des victimes. Que proposez-vous de nouveau ?

Je crois que c'est d'abord sur la prise de conscience, notamment quand ce sont des établissements de santé, qu'il y a un travail à faire sur cet accompagnement des victimes. Pour sa part, l'Ordre infirmier a son réseau de référents "violence" et nous allons, en lien avec la MIPROF ((Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains), renforcer la formation de ces référents à l'accompagnement des victimes.
Ensuite, il est nécessaire également que la circulaire, datant de 2013, qui régit les relations entre les Ordres, la police et la justice, soit rénovée et améliorée. C'est un travail de lobbying que nous sommes en train de faire auprès des instances représentatives. Des textes de loi ont été proposés ces derniers mois portant notamment sur la protection des déclarants à la police avec une procédure éventuelle d'anonymisation et un accompagnement plus important, des sanctions plus sévères avec une aggravation des peines lorsque les auteurs sont de professionnels de santé.

Et qu'en est-il de la prévention et de la protection des infirmiers libéraux ?

La situation des infirmiers libéraux est en effet une grande préoccupation pour nous dans ce contexte. Nous travaillons en l'occurrence avec le ministère de la Santé sur des dispositifs d'alerte. Il y a, par exemple, en ce moment, en Guyane, une expérimentation sur des boutons poussoirs qui sont remis aux infirmiers libéraux pour qu'ils puissent alerter quand ils se sentent en situation de danger. C'est tout ce travail qu'il faut continuer à poursuivre...

* Interview réalisée lors du Salon Infirmier 2025

Betty Mamane, directrice de la rédaction

Source : infirmiers.com