NEONATALOGIE

Le «cocon douceur», confort et réconfort pour les bébés prématurés

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Publié le 09/02/2023

C'est en partant de sa pratique qu'Agnès Pelletier, infirmière puéricultrice, a initié une réflexion autour du confort de l'enfant prématuré. De cette recherche, elle a tiré (et conçu) le cocon douceur, un dispositif convaincant rapidement adopté en néonatalogie. 

Cocon douceur

Tout est parti de Diego, un petit garçon accueilli en 2011 dans le service de Réanimation Néonatale du Centre Hospitalier de Chambéry (73) où travaille alors Agnès Pelletier, infirmière puéricultrice. 12 ans se sont écoulés mais elle se souvient toujours avec beaucoup d'émotion de lui, raconte-t-elle à l'occasion de la première Journée d'Étude Paramédicale en Néonatalogie qui s'est tenue le 31 janvier à Créteil (94). «Diego est un petit garçon qui m’a fait prendre conscience de la nécessité de travailler autrement», confie-t-elle. Le petit garçon est né très grand prématuré à 24 SA + 5 jours et pèse 710 grammes. Comme tous les enfants du service, il est installé dans un cocon «confectionné avec un boudin en micro billes et des langes tissus». L'infirmière constate pourtant que l'enfant est désorganisé et que le cocon classique dans lequel il est installé ne fonctionne pas très bien : le bébé «n’est pas très regroupé», elle n'observe «pas d’enroulement corporel», il n'apparaît «pas contenu», et semble de fait, «peu rassuré». 

«Sur une longue période, j’ai été responsable de sa surveillance et de ses soins. Je finissais par connaître de mieux en mieux cet enfant», confie Agnès Pelletier. «Aidée de ses parents et de collègues, nous avons constaté que Diego manifestait son mieux-être s’il était beaucoup plus contenu, regroupé et couvert : il avait moins de tremblements des membres et était bien plus calme s’il était installé de cette manière». 

«L'influence de l'environnement joue un rôle considérable dans le développement de ces enfants prématurés», explique Agnès Pelletier, qui souligne les inconvénients des cocons classiques : «ils se défont au gré des mouvements du nouveau-né, ils n'enveloppent pas assez et nécessitent de nombreuses manipulations de la part du personnel». 

Cocon douceur
Cocon douceur / Copyright : Agnès Pelletier. 

Un environnement proche de l'utérus maternel

Alors qu'elle continue à observer le petit garçon, Agnès Pelletier se pose de multiples questions. «Comment limiter au maximum les états de stress que vit l’enfant tout en lui assurant une installation physiologique dès sa prise en charge dans le service ? Comment permettre au tout-petit de retrouver un environnement se rapprochant de l’utérus maternel ?» 

Il lui faut imaginer, se dit-elle, un dispositif qui permettra aux enfants d’être rassurés dans des moments de stress avec «des points d’appui, des limites sécurisantes», un dispositif qui favorise aussi «les mouvements spontanés de l'enfant» . Agnès Pelletier prend en compte deux autres critères également incontournables : la sécurité, primordiale, et l'hygiène : le cocon doit être «facile d’entretien et stérilisable». Un  groupe de travail au sein du réseau RP2S, le réseau périnatal des deux Savoie, est alors missionné pour imaginer un support. 

Partir d'un outil à plat qu'on peut resserrer 

C’est en mimant l’outil nécessaire avec ses mains que le concept voit le jour. «A force d'observer l'enfant, je me dis qu'il me faut partir d'un outil complètement à plat et qu’on pourrait resserrer, disponible en 3 tailles en fonction du poids et du terme». L'infirmière puéricultrice met alors au point un cocon qui ressemble un peu à un mini-duvet, une petite «couverture» confortable en polaire que l’on peut transformer en nid douillet, contenant et rassurant. Grâce à des cordelettes et des stop-cordons, que l'on peut serrer, on peut adapter le cocon à l'enfant. C'est finalement le troisième prototype qui est retenu. «Il répondait à tous les critères», assure l'infirmière qui dépose un brevet et une marque pour protéger sa trouvaille. Comme prévu, il est mis au point en trois tailles : S, M et L. 

Le tout nouveau cocon est adopté «immédiatement et très naturellement» au sein du service de Réanimation Néonatale de l’hôpital de Chambéry. «A ce moment là, le Cocon Douceur n’est pas validé scientifiquement, il est utilisé à titre expérimental», note Agnès Pelletier. 

Cette vidéo, mise en ligne par Agnès Pelletier sur le site qu'elle consacre à son invention, reflète le comportement de l’enfant né prématuré installé dans son incubateur, sans puis avec un cocon douceur.

Elle met en évidence «les difficultés d’auto-régulation de l’enfant et l’impact de l’utilisation du Cocon Douceur : le tout petit a un comportement beaucoup plus calme et détendu s’il est installé avec des limites corporelles, proches de ce qu’il a toujours connu dans le ventre maternel», explique Agnès Pelletier.

Modulable et adaptable 

De nombreux témoignages sont recueillis auprès des soignants et des parents dans le cadre de l'évaluation du cocon douceur que l'infirmière entreprend au sein de son hôpital et le constat dépasse finalement ses espérances, assure-t-elle. Il a plusieurs atouts : il s’utilise «très simplement», en toute sécurité (avec une surveillance adaptée) et surtout dans des situations très diverses, «en incubateur, sur table chauffante, en berceau, dans les bras, en peau à peau, dans les mains, ou encore en couveuse de transport (véhicule ou hélicoptère)», précise l'infirmière. Grâce à lui, la température corporelle du tout-petit est préservée. L'outil a ainsi des qualités tout terrain. «Il s’utilise aussi quels que soient l’équipement et l’installation de l’enfant, pendant les différents soins prodigués (aussi bien les soins de confort que techniques), et quels que soient les transferts à réaliser (changement de couveuse, mise en peau à peau…)».

Le cocon douceur a un impact majeur sur la stabilité et le comportement du nouveau-né. Son utilisation permet une forte diminution des signes de retrait observés chez l’enfant pendant les temps de préparation et de sortie de couveuse, puis dans son environnement d'arrivée. Le bébé bénéficie également d’une diminution considérable et très significative du nombre de sollicitations tactiles*.

Facilite les soins 

L'infirmière entreprend d'évaluer son dispositif, qu'elle souhaite voir adopter plus largement par les hôpitaux : cet environnement «confortable, contenant et rassurant», permet de «diminuer de sept fois les sollicitations tactiles» vécues par l'enfant lors du soin, révèle l'étude qu'elle a menée. Effectuer le soin se révèle également «deux fois plus court» avec le cocon innovant. D'après sa conceptrice, celui-ci permet aussi au tout-petit «de se réguler plus rapidement en trouvant plus facilement ses limites. Ses réactions de stress sont limitées et le bébé retrouve un rythme cardio -respiratoire plus régulier». Le cocon-douceur, enfin, «facilite la proximité mains/visage, main/bouche et l’enroulement corporel». Agnès Pelletier pousse sa réflexion un peu plus loin encore : «le cocon doit permettre une approche des soins par zones corporelles : ainsi seule la partie du corps concernée par le soin doit pouvoir être abordée sans déstabiliser le reste du corps qui est toujours maintenu, contenu et enveloppé». 

Le cocon douceur s'est aujourd'hui imposé dans les unités, en transport SMUR et en salle de naissance dans la région. Agnès Pelletier a obtenu le Prix du Jury et le Prix de la meilleure communication orale pour sa présentation du Cocon Douceur lors de la première Journée d’Etude Paramédicale en Néonatalogie ce 31 janvier à Créteil.

Quant au petit Diego, qui garde une place particulière dans le coeur de l'infirmière puéricultrice, il «va bien», assure-t-elle. «Je suis restée en contact avec Diego et ses parents, je les tiens informés de l’utilisation du Cocon Douceur», confie-t-elle. 

* Source : 43èmes journées de la Société Française de Médecine Périnatale Monaco (13-15 novembre 2013) 

 


Source : infirmiers.com