Depuis sa création en 2004, comment la prise en charge des cancers a-t-elle évolué ? En amont de son vingtième anniversaire, jeudi 4 juillet, l'Institut national de lutte contre le cancer (INCa) diffuse en plus de son panorama annuel sur les chiffres du cancer les résultats d’un sondage réalisé auprès des Français qui mesure leur perception sur l’évolution de la cancérologie mais identifie également leurs attentes. « Il ne s’agit pas d’un simple anniversaire, mais d'une belle occasion pour partager les avancées intervenues au cours des deux dernières décennies. Elles ont significativement amélioré le quotidien des personnes atteintes d’un cancer et de leurs proches », avance l’Institut, en préambule de son bilan.
L'INCa au cœur des politiques de lutte contre le cancer
Né en 2005, l’INCa a été pensé comme une agence d’expertise, qui puisse fédérer et mobiliser l’ensemble des acteurs en cancérologie : soignants et chercheurs, patients, industriels du médicament. « Pour la première fois, toutes les dimensions de la cancérologie ont été pensées ensemble – la prévention, les soins et la recherche sur les cancers – au service des personnes malades et des professionnels », rappelle-t-il. Il a depuis piloté les trois plans quinquennaux qui se sont succédé entre 2003 et 2019, qui ont respectivement permis de « structurer le paysage de la cancérologie » et de garantir la sécurité et la qualité des soins (2003-2007), et de personnaliser les prises en charge (2009-2013). Le dernier, entre 2014 et 2019, s’est articulé autour de 3 objectifs : guérir plus de malades, préserver la continuité et la qualité de vie, et investir dans la prévention et la recherche.
En deux décennies, le paysage de la cancérologie a été transformé et la France est devenue l’un des premiers pays au monde en termes de guérison des cancers.
En 2021, c’est une stratégie décennale de lutte contre les cancers, qui contient en tout 234 actions, qui reprend le flambeau en s’élaborant autour des 4 axes majeurs que sont le renforcement de la prévention, l’amélioration de la qualité de vie, la lutte contre les cancers de mauvais pronostics, et l’exigence que les progrès en cancérologie bénéficient à tous. Lors de son précédent état des lieux en 2024, l’INCa soulignait des avancées « probantes », dont la prévention du HPV et le déploiement du programme anti-tabac, et se félicitait ainsi de la mise en place de 75% des actions prévues.
Une diminution globale de la mortalité
Ces différentes initiatives ont permis de faire progresser la recherche et les traitements et de prolonger la survie des patients atteints de cancer. « En deux décennies, le paysage de la cancérologie a été transformé et la France est devenue l’un des premiers pays au monde en termes de guérison des cancers », relève l’INCa. Si, sur la période entre 2003 et 2023, l’incidence des cancers a progressé de 1,4, « toutes localisations et sexes confondus », cette hausse s’explique essentiellement par l’évolution démographique, qui conjugue l’augmentation générale de la population et son vieillissement, ce dernier s’accompagnant de la multiplication des pathologies chroniques, à la prévalence d’exposition aux facteurs de risque. Car parallèlement et à l’exception de quelques types de cancer, la situation s’est améliorée dans le champ de la lutte contre ces maladies. L’Institut observe notamment chez les hommes une amélioration « plutôt encourageante » dans les cas des cancers de la prostate et des poumons, où l’incidence diminue, et dans celui du cancer colorectal. Malgré un taux encore trop faible de dépistage, l’incidence de ces derniers tend à se stabiliser. Plus généralement, « sur la période 2012-2022, la diminution globale du taux de mortalité s’observe pour de nombreuses localisations à l’exception des cancers du pancréas et de ceux du système nerveux central. » Des tendances plutôt favorables, qui sont « le reflet des progrès réalisés dans le système de soins à la fois dans la détection des cancers, mais aussi dans leur thérapeutique ».
Le panorama de l’Institut national de lutte contre le cancer dresse également un état des lieux des cancers pédiatriques. Entre 2011 et 2021, 20 049 cas ont été recensés chez les enfants de 0 à 14 ans et 4 910 cas chez les 15-17 ans. Il s’agit principalement de leucémies, de tumeurs du système nerveux central et de lymphomes. « Les cancers de l’enfant diffèrent de ceux de l’adulte par leurs caractéristiques histopathologiques et biologiques », précise-t-il. Un quart des tumeurs sont ainsi des tumeurs embryonnaires chez l’enfant.
Quant au taux de survie globale, sur la période 2000-2016, il est estimé à 92% chez les 0 à 14 ans, et à 83% sur une échéance de 5 ans. Chez les adolescents de 15 à 17 ans, la survie est de 94% à un an, et de 82% cinq ans après.
En plus de 15 ans, 4 380 programmes de recherche ont été financés pour un budget de 1,82 milliard d’euros.
Des avancées bien perçues par les Français
De leur côté, les Français perçoivent ces avancées, poursuit l’INCa. « Le cancer est pour près de 8 personnes sur 10 ( soit 77%) le 1er sujet de préoccupation en matière de santé. » Il faut dire que 80% des personnes ont été confrontées à la maladie, que ce soit personnellement ou pour un proche. Ils notent ainsi des améliorations dans le dépistage (74% des sondés) et dans la prévention (73%), les deux dimensions de la cancérologie qui ont le plus évolué, mais aussi dans la qualité des soins et l’accompagnement des patients par les équipes médicales (64%). Pourtant, si la détection précoce des cancers apparaît comme une priorité, dans les faits, les données relatives à la participation aux dépistages organisés (poumon, sein et colorectal) « traduisent un passage à l’acte plus difficile. » Parallèlement, ils sont 63% à citer la recherche comme une priorité. Au cours des deux décennies, le soutien apporté aux programmes de recherche ont notamment permis de labelliser des centres spécialisés de recherche, en particulier en prévention primaire ou sur les cancers de mauvais pronostics, ou de multiplier les essais cliniques, qui prennent désormais mieux en compte les critères de qualité de vie. « En plus de 15 ans, 4 380 programmes de recherche ont été financés pour un budget de 1,82 milliard d’euros », précise l’Institut. Le nombre de patients inclus dans ces essais a été multiplié par 2,8 entre 2002 et 2023.
Des progrès attendus dans l'accompagnement après traitement
Pour autant, et si 79% des Français en tout déclarent que l’accès aux traitements et aux soins s’est grandement amélioré au cours des deux dernières décennies, des progrès restent à faire. « 46% d’entre eux estiment aujourd’hui que la possibilité de bénéficier de ces soins n’est pas équivalente, quel que soit son niveau de ressources, et 66% quel que soit le territoire, les habitants des zones rurales étant les plus critiques », constate en effet l’INCa. Et demeurent des progrès à réaliser dans l’accompagnement après traitement, qui ne satisfait que 48% des personnes interrogées, et dans l’accès à des traitements innovants (55%). L’Institut, lui-même, en revanche, est particulièrement plébiscité : 95% des Français reconnaissent l’intérêt d’une agence d’expertise sanitaire et scientifique publique qui puisse coordonner l’ensemble des acteurs.
Près de 4 millions de personnes vivent, en France, avec ou après un cancer.
Le défi des cancers de "mauvais pronostic"
Face à ces différents constats favorables sur le champ de la lutte contre le cancer, l’INCa prévient toutefois qu’existent encore d’importants défis à relever, en particulier sur les cancers dits de « mauvais pronostic », souvent liés aux facteurs de risque bien identifiés que sont l’alcool et le tabac. La survie à 5 ans pour ces localisations est inférieure à 33%. L’incidence du cancer du poumon, par exemple, continue d’augmenter chez les femmes, déplore-t-il : +5%. Il observe également une hausse des cancers du pancréas, aussi bien chez l’homme que chez la femme, la qualifiant même de « préoccupante » pour ces dernières. Ces pronostics défavorables peuvent être dus à une multiplicité de facteurs, dont le dépistage tardif, des localisations de tumeurs difficiles d’accès, une résistance au traitement ou encore une évolution rapide et agressive de la maladie. « Tout l’enjeu, pour améliorer la survie des patients qui en sont atteints, réside dans la poursuite du développement de la recherche pour accélérer la découverte de connaissances scientifiques et aboutir à des innovations thérapeutiques. » La création d’un registre national des cancers, votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, permettra justement, entre autres, de renforcer les connaissances sur ces maladies et de favoriser la découverte de nouvelles thérapeutiques.
L’Institut insiste également sur l’utilité salvatrice de la prévention des facteurs de risque évitables ; dans un baromètre diffusé en 2023, il soulignait que ces derniers demeuraient encore trop mal perçus du grand public, malgré les campagnes d’information et de sensibilisation. Chaque année, « plus de 433 000 personnes apprennent qu’elles ont un cancer et 162 400 personnes décèdent de la maladie », et « près de 4 millions de personnes vivent, en France, avec ou après un cancer », rappelle-t-il.
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