Sur la question de la fin de vie, la Haute autorité de santé (HAS) botte finalement en touche. Saisie par le ministère de la Santé dans le cadre de l’examen des deux textes de loi qui sont actuellement discutés à l’Assemblée nationale, l’Agence était appelée à « éclairer » les notions de « pronostic vital engagé à moyen terme » et d’« affection en phase avancée ou terminale », débattues dans les travaux parlementaires. Elles ont leur importance, car elles sont « susceptibles de servir de critère pour déterminer les personnes à même de bénéficier de l’aide à mourir », précise-t-elle en effet. Mais en s’appuyant sur une analyse de la littérature, un état des lieux des législations internationales ainsi que des auditions d’experts, elle en a conclu qu’il n’existait pas de consensus médical sur la définition de ces deux notions, « lorsqu’elles sont envisagées dans une approche individuelle. »
La multiplicité des paramètres rendent impossible toute définition
« De nombreux paramètres, souvent évolutifs, rentrent en considération dans le pronostic vital comme l’évolution de la maladie ou la présence de symptômes physiques ou psychiques », explique la HAS dans l’avis qu’elle a rendu le mardi 6 juin 2025. Les outils utilisés par les professionnels de santé pour évaluer le pronostic vital* ne sont pas suffisamment fiables et n’intègrent ni la progression de la maladie, ni la singularité de la personne malade ni ses biais subjectifs (état émotionnel, appréciation de sa qualité de vie…). Et encore moins ceux des professionnels de santé. « Actuellement, aucun pays européen n’a, retenu un critère d’ordre temporel dans la définition du "moyen terme". Certains, comme le Québec, y ont même renoncé après une période d’application », observe-t-elle.
Quant à la notion de « phase avancée » dans le cas d’une maladie incurable, elle ne renvoie pas « tant à l’échéance du décès qu’à la nature de la prise en charge et donc au parcours du malade », continue-t-elle. La loi Claeys-Leonetti, qui encadre actuellement la fin de vie, se garde d’ailleurs bien de la définir, quand bien même elle la mentionne dans le cadre de la mise en place des traitements conçus pour lutter contre les douleurs réfractaires. Selon la HAS, « la "phase avancée" peut ainsi être définie comme l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie. » En clair, chaque situation doit s'analyser au cas par cas.
Une nécessité : former les soignants à l'écoute et au dialogue
Faute de « certitude scientifique » sur l'appréciation d'un pronostic vital d'une personne, la HAS insiste sur la nécessité « d'un processus d'accompagnement et de délibération collective, centré sur la personne malade, en amont d'une éventuelle demande d'aide à mourir ». Ce « processus continu de discussion » associant malade, proches et soignants permettrait de reconnaître la « dimension existentielle et sociale de la souffrance » et « d'aborder la question du sens de ce qui est vécu et de ce qu'il reste à vivre ». Aussi tous les soignants doivent-ils être formés « à l'écoute et au dialogue » sur la fin de vie, « pour éviter tout risque d'obstination déraisonnable conduisant à des impasses de vie pour les patients », plaide-t-elle.
Des critères d'accès jugés "flous" et "non définis médicalement"
Les deux textes sur l’accompagnement de la fin de vie, l’un sur les soins palliatifs et l’autre sur l’aide à mourir, ont été passés au crible par la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. Le premier a été adopté à l’unanimité ; le second a divisé les députés, qui se sont finalement prononcés pour, avec 28 voix (contre 15 et une abstention). Ils ont notamment mis fin à la règle privilégiant l’auto-administration par le patient de la substance létale, telle qu’elle était définie dans le projet de loi présenté par Emmanuel Macron en mars 2024. Les patients pourront demander de recourir à un tiers. Quant aux critères d’accès à l’aide à mourir, ils n’ont guère été modifiés, les députés ayant simplement que les personnes victimes d’accident pourraient y prétendre. « Sous couvert d’"aide à mourir", cette proposition de loi introduit dans le droit français l’euthanasie et le suicide assisté, en les inscrivant dans le Code de la santé publique, au titre du « droit à recevoir les soins appropriés », a immédiatement réagi la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), qui a notamment dénoncé des critères d’accès « flous, subjectifs et non définis médicalement. »
*Outils pronostiques ou scores (question surprise, échelles pronostiques utilisées en soins palliatifs), liste la HAS.
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