ACTES INFIRMIERS

Dépendance, vaccination, surveillance des anesthésies, injections et perfusions : l'Ordre rappelle le rôle des infirmiers

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Publié le 21/07/2025

Prise en charge des personnes âgées, vaccination, surveillance des anesthésies loco-régionales, injections et perfusions... L’Ordre national des infirmiers (ONI) diffuse quatre positions, accompagnées de recommandations, pour autant de prises en charge et actes infirmiers, insistant sur la reconnaissance des compétences de ces professionnels de santé.

infirmière, bloc opératoire, lavage de main

Crédit photo : BURGER / PHANIE

Sont ainsi concernées la prise en soin de la dépendance chez les personnes âgées, la vaccination, la surveillance des anesthésies loco-régionales et la réalisation d’injections et perfusions de produits d’origine humaine. Certaines de ces propositions s’inscrivent dans le contexte particulier de la loi infirmière et dans l’introduction, au cours des deux années précédentes, de nouvelles dispositions réglementaires.

8 recommandations pour la prise en charge des personnes âgées

La première prise de position vise à «promouvoir une approche globale de la prise en soins des personnes âgées, en mettant l’accent sur le rôle principal des infirmiers dans ce domaine». Le vieillissement de la population et la multiplication des maladies chroniques et des situations de polypathologie ne font que renforcer les enjeux de la dépendance. Selon l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), en 2022, 39,3% des personnes âgées de 65 ans et plus étaient dépendantes. Or, que ce soit à domicile ou dans les structures d’hébergement dédiées (Ehpad, unités de soins de longue durée…), l’infirmier endosse un rôle clé dans l’accompagnement des plus âgés, entre actions de prévention, suivi des pathologies et continuité du parcours de soin, que l’ONI vient appuyer par 8 recommandations.

  • Mobiliser la consultation infirmière, l’une des notions phares définie dans la loi infirmière, « levier concret pour améliorer l’accès aux soins » et porter des messages de prévention, pour éviter l’apparition de pathologies chroniques comme le diabète. Bilan de soins infirmiers, séances d’éducation thérapeutique (ETP) ou encore "Bilan prévention"… il existe déjà des dispositifs qui permettent de la mettre en place. Lors de la consultation, l’infirmier peut ainsi aussi bien évaluer l’état de santé du patient que ses besoins, et l’orienter vers d’autres professionnels de santé, tout en jouant un rôle de coordination entre les différents acteurs du parcours de soins. « La reconnaissance et la valorisation de ces consultations permettent une meilleure structuration des parcours de soins autour de l’infirmier de proximité, une réduction de la pression exercée sur la médecine générale et un suivi renforcé des patients chroniques ou vulnérables », plaide l’Ordre.
  • Reconnaître le statut d’infirmier coordonnateur dans les EHPAD, une mesure présente elle aussi dans la loi infirmière. En l’absence croissante de médecins coordonnateurs, ces professionnels sont devenus nécessaires au bon fonctionnement des établissements, avance l’ONI, prévenant toutefois qu’il faut « préserver leur autonomie ».
  • Déployer les infirmiers référents, qui occupent « une place essentielle dans la prise en charge de la vulnérabilité ». Créé par la loi sur l'amélioration de l'accès aux soins, ce statut a pour mission de mieux coordonner les soins avec l’ensemble des professionnels de santé intervenants autour des patients atteints d’affection de longue durée (ALD). L’Ordre réclame que les professionnels soient formés à « la prise en main » de ce rôle, et les usagers, aux démarches qui permettent de le désigner.
  • Instaurer des ratios patients/soignants dans les établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS). La loi du 29 janvier 2025 instaure en effet un nombre minimum – encore à déterminer – de soignants par patients hospitalisés. Mais son champ d’application se limite aux hôpitaux. Il faut l’étendre aux ESMS et renforcer parallèlement la présence des infirmiers de nuit dans les Ehpad, estime l’Ordre.
  • Garantir l’accès aux soins palliatifs et sensibiliser les citoyens aux droits des patients en fin de vie partout sur le territoire.
  • Renforcer le soutien accordé aux aidants, qui « jouent un rôle indispensable mais souvent méconnu ». Les infirmiers peuvent intervenir sur les plans éducatif, organisationnel et psychologique, y compris à la fin de vie et après le décès du patient.
  • Alerter et orienter en cas de situation de maltraitance. « Les taux de maltraitance sont particulièrement élevés dans les établissements d’hébergement tels que les maisons de retraite et les centres de soins de longue durée, où deux membres du personnel sur trois admettent avoir commis un acte de maltraitance », souligne l’Ordre. Or, par leur proximité avec les patients, les infirmiers sont les plus à même de détecter les signes de telles situations. Le cas échéant, ils sont tenus de signaler immédiatement leur supérieur hiérarchique s’ils constatent des faits de maltraitance commis par un membre du personnel. La Haute autorité de santé (HAS) a publié deux guides pratiques pour faciliter le repérage des situations à risque.
  • Assurer la continuité des soins des personnes âgées, notamment lors des transitions entre domicile et hôpital, puis retour à la maison, ce qui suppose de mieux coordonner les acteurs autour des patients.

Consulter en détails la position de l’Ordre relative au rôle de l’infirmier dans la prise en soins de la dépendance chez les personnes âgées

Le rôle renforcé des infirmiers dans la vaccination

L’Ordre livre également un certain nombre de recommandations relatives aux compétences vaccinales des infirmiers, étendues par un décret paru en août 2023. Ces professionnels sont désormais autorisés, après formation préalable, à prescrire et administrer les vaccins mentionnés dans le calendrier des vaccinations et selon ses recommandations aux personnes âgées de 11 ans et plus (à l’exception des personnes immunodéprimées) : diphtérie, tétanos, polio, coqueluche, HPV, pneumocoque, grippe saisonnière, hépatites A et B, méningocoque A, B, C, Y et W, rage, et infection invasive à Haemophilus influenzae de type B. Les infirmiers peuvent également, prescrire certains vaccins vivants atténués : les vaccins Rougeole-Oreillons-Rubéole (ROR), BCG, varicelle, et Zona. La formation, elle, comporte un module de 10 heures et 30 minutes sur les maladies à prévention vaccinale, le calendrier vaccinal, la traçabilité des actes et la transmission des informations. Problème : cette dernière ne sera intégrée dans le nouveau référentiel de formation qu’à la rentrée de septembre 2026, ce qui signifie que les premiers étudiants formés à la prescription ne seront diplômés qu’en juin 2029. Dans ce contexte, l’Ordre recommande de :

  • Élaborer une instruction ministérielle nationale visant à intégrer cette formation dans les cursus actuels, pour les promotions attendues entre 2024 et 2028. « En l’absence de cette mesure, environ 130 000 professionnels seront formés sur cette période sans disposer de la compétence prescription vaccinale », prévient-il.
  • Reconnaître les infirmières puéricultrices (IPDE) comme professionnelles référentes pour la primo-vaccination des nouveau-nés et jeunes enfants, afin de renforcer l’accès à la vaccination et maintenir une couverture vaccinale élevée chez les plus petits. « La couverture des vaccinations obligatoires est élevée, bien que l’objectif de 95 % pour la rougeole n’ait pas été atteint », donne-t-il en exemple, alors que les autorités sanitaires alertent, parallèlement, sur une recrudescence des cas.
  • Autoriser les infirmiers scolaires à « administrer les vaccins relevant de leur champ d’intervention, sans prescription préalable » directement en milieu scolaire, toujours dans l’optique d’améliorer l’accessibilité aux vaccins.
  • Autoriser les infirmiers en pratique avancée (IPA) à prescrire et administrer l’ensemble des vaccins, sans prescription médicale préalable et y compris aux nourrissons et aux jeunes enfants.
  • Autoriser les infirmiers libéraux (IDEL) à stocker les vaccins dans leur cabinet de soin, ce qui contribuerait notamment à renforcer la réactivité vaccinale.
  • Développer la vaccination à l’hôpital, où les effectifs infirmiers sont les plus nombreux. « L’implication active des équipes infirmières hospitalières est donc déterminante pour inscrire durablement la prévention vaccinale dans les pratiques de soins courantes », insiste l’Ordre, qui recommande de proposer la vaccination aux patients hospitalisés, « dans le cadre d’une approche préventive globale ».
  • Reconduire et adapter les dispositifs dérogatoires qui ont pu être mis en place durant la crise sanitaire et qui avaient permis aux infirmiers de vacciner contre le Covid-19. Ce type de dérogations temporaire « constitue un levier pertinent pour déployer rapidement des campagnes vaccinales en situation d’urgence ou face à certaines pathologies à fort impact épidémiologique », telles que les infections respiratoires aigües, fait valoir l’Ordre.
  • Améliorer la traçabilité des vaccins grâce à la plateforme « Mon espace santé », « qui doit devenir la référence unique pour la consultation du statut vaccinal du patient. »
  • Reconnaître et valoriser le rôle des infirmiers dans la chaîne vaccinale, notamment car, comme acteurs de proximité, ils sont les mieux placés pour faire face à l’hésitation vaccinale. À condition qu’ils y soient dûment formés.
  • Encourager la promotion de la vaccination grâce aux infirmiers de santé au travail, qui « interviennent tant sur les vaccinations liées aux risques professionnels que sur celles couvertes par le calendrier vaccinal et les recommandations des autorités sanitaires. »
  • Encourager plus largement les professionnels de santé à se faire vacciner, un geste qui répond à une « double exigence » : la protection individuelle contre les risques professionnels, et la prévention de la transmission d’agents infectieux aux patients pris en charge, souligne l’ONI.

Consulter en détails la position de l’Ordre relative au renforcement du rôle infirmier dans la stratégie vaccinale

La surveillance des anesthésies loco-régionales ?

L’Ordre se positionne également sur le rôle de l’infirmier dans la surveillance des anesthésies loco-régionales (ALR), en pré-anesthésie et en per et post-opératoire. Ces anesthésies, telles qu’elles sont définies par l’Académie de médecine sont «d’action locale ou porte sur une région limitée du système nerveux» et se font «par injection soit intravasculaire, soit sur un gros tronc nerveux (bloc) ou sur une partie des racines médullaires (épidurale, extradurale, péridurale, rachianesthésie)». Après examen de la réglementation, soit les articles R. 4311-7, R. 4311-12, R. 4312-10 , et les articles D. 6124-91 à D. 6124-103 du Code de la Santé publique, le Conseil national de l’Ordre (CNOI) a estimé que :

  • En pré-anesthésie, l’infirmier « est compétent pour la préparation du patient en vue de l’intervention, notamment pour la réalisation des soins cutanés préopératoires », et peut également recueillir toute information pouvant renseigner sur l’état de santé du patient : température, pulsation, pression artérielle, rythme et fréquence respiratoire…
  • En peropératoire, a contrario, seul l’infirmier anesthésiste (IADE) est en mesure d’intervenir.
  • En post-opératoire, l’IADE est compétent pour prendre en charge de la douleur ; l’infirmier, lui, l’est pour « effectuer des injections de médicaments à des fins analgésiques dans des cathéters périduraux et intrathécaux ou placés à proximité d’un tronc ou d’un plexus nerveux », mais uniquement sur prescription médicale et à condition qu’un médecin puisse intervenir à tout moment.

Consulter en détails la position de l’Ordre relative à la compétence de l'infirmier dans le cadre de la surveillance des ALR (anesthésie loco-régionale)

Deux cas de figure pour les injections et perfusions de produits d'origine humaine

Le CNOI a adopté une position relative à la réalisation d’injections et de perfusions de produits d’origine humaine par les infirmiers. Il a identifié deux cas de figure dépendant du résumé des caractéristiques du produit (RCP).

  • Si celui-ci exige, préalablement à l’injection ou la perfusion, un contrôle d’identité et de compatibilité obligatoire effectué par l’infirmier, alors ce dernier ne peut injecter le produit que si un médecin est en mesure d’intervenir à tout moment. C’est notamment le cas des transfusions de produits sanguins labiles.
  • Si, en revanche, le RCP n’exige pas ce contrôle, alors l’infirmier peut injecter le produit sans qu’il y ait besoin qu’un médecin puisse intervenir. L’injection d’immunoglobulines d’origine humaine, par exemple, ne requiert pas de type de contrôle d’identité et de compatibilité.

Consulter en détails la position de l’Ordre relative à la réalisation d'injections et de perfusions de produits d'origine humaine par les infirmiers


Source : infirmiers.com