Attendue depuis de longues années, la réforme de la profession infirmière a été adoptée, lundi 5 mai, par le Sénat. Favorable à un texte visant à redéfinir les missions de ces professionnels de santé, il reconnaît également «le rôle pivot» des infirmiers scolaires. Inscription dans la loi d'une «consultation infirmière» et de la notion de «diagnostic infirmier», droit de prescription, nouvelles «missions»..., la proposition de loi des députés Nicole Dubré-Chirat (Renaissance) et Frédéric Valletoux (Horizons) a été soutenue à l'unanimité par la chambre haute, avec quelques modifications.
Un "tournant historique" pour l'Ordre
«Ce texte marque un tournant historique», réagit l'Ordre National des Infirmiers dans un communiqué : «Les missions des infirmières et infirmiers sont repensées, clarifiées, et surtout, pleinement reconnues» selon l'ONI, qui salue «un travail parlementaire rigoureux, largement nourri par les réalités de terrain», se réjouissant que «de nombreuses propositions portées par l’Ordre national des infirmiers», (...) aient été «reprises dans le texte». «Elles reflètent les évolutions du métier et les attentes de toute une profession, qui constituent une véritable refondation du cadre législatif de la profession d’infirmier».
Parmi ces avancées :
- la reconnaissance du diagnostic infirmier et de la consultation infirmière ainsi que d’un pouvoir de prescription,
- l’accès direct aux infirmiers sur leur rôle propre et à titre expérimental sur leur rôle prescrit,
- l’intégration explicite de l’orientation des patients dans les missions infirmières,
- la reconnaissance de la pratique avancée pour les spécialités infirmières IADE, IBODE et IPDE,
- l’affirmation de la science infirmière
Par ailleurs, le Sénat a notamment adopté les amendements suivants :
- la valorisation des compétences spécialisées telles que les infirmières scolaires,
- la durée d’interruption d’exercice infirmier nécessitant une notification au conseil départemental de l’Ordre des infirmiers est fixée à six ans et propose des mesures compensatoires en cas d’insuffisance professionnelle constatée lors de l’évaluation des compétences,
- la prise en compte de la pénibilité du métier dans les négociations sur la rémunération des infirmiers,
- la définition des domaines d'intervention en pratique avancée, qui peut reposer sur une approche populationnelle.
« L’adoption de ce texte, très attendue par plus de 600 000 infirmiers, est une avancée majeure pour notre système de santé», se félicite Sylvaine Mazière-Tauran, présidente de l’Ordre national des infirmiers. «Il affirme avec force la compétence des infirmières et les infirmiers, capables de conduire un raisonnement clinique, de poser un diagnostic infirmier, de prendre des décisions et d’agir au plus près des patients». L'Ordre confirme également sa pleine mobilisation pour «garantir l'adoption définitive du texte», alors qu'une commission mixte paritaire devra être désignée et se réunir pour en établir la version finale.
Pour les libéraux, la promesse de nouvelles négociations conventionnelles
Du côté des infirmiers libéraux (IDEL), on se félicite également de ce vote tant attendu. Notamment le passage de la loi infirmière conditionne l’ouverture des futures négociations conventionnelles. « Ce vote marque une étape décisive dans la reconnaissance des compétences des infirmières et infirmiers », mais aussi du rôle, de l’expertise et des responsabilités de la profession dans les parcours de soins, réagit le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) dans un communiqué. C’est désormais sur un autre champ que les syndicats d’IDEL entendent mener le combat : celui de la revalorisation des professionnels. « Si cette adoption marque une étape importante, le combat pour une valorisation concrète continue : infirmier référent, nouveaux rôles et évolution du cadre et des tarifs conventionnels restent à concrétiser », souligne en effet de son côté la Fédération nationale des infirmiers (FNI). Les deux syndicats indiquent avoir rencontré mardi 6 juin les cabinets des ministres du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin, et chargé de la Santé, Yannick Neuder, afin de faire valoir plusieurs priorités : « la revalorisation de l’activité, la reconnaissance des nouvelles compétences et l’amélioration de la qualité de vie au travail », liste le Sniil.
Une reconnaissance statutaire qui se profile enfin pour les IADE
Enfin, côté spécialités, les infirmiers anesthésistes (IADE), un temps inquiétés par l’Article 2 de la loi tel qu’il avait été voté par l’Assemblée nationale, ils partagent la même satisfaction que leurs collègues en libéral. Et pour cause, les sénateurs ont adopté un amendement ouvrant la reconnaissance de leur exercice en pratique avancée, qui est au cœur de leurs revendications. « Ce vote unanime, soutenu par plusieurs amendements convergents, marque une étape politique majeure et vient répondre à une revendication portée de longue date par le SNIA : reconnaître le haut niveau de compétences des IADE, forgé par deux années de formation spécialisée, dans un cadre juridique adapté à la réalité de leur exercice avancé », écrit ainsi le Syndicat national des infirmiers anesthésistes (SNIA) dans un communiqué. Cette avancée, rappelle-t-il, était défendue par l’Inspection générale des affaires sociales qui, à deux reprises dans ses rapports, appelait à reconnaitre les spécialités infirmières en pratique avancée et évoquait même un certain nombre de pistes pour y parvenir. « Elle consacre le principe selon lequel la pratique avancée ne peut se réduire au seul modèle des infirmiers en pratique avancée (IPA), au risque d’effacer la richesse des spécialités infirmières existantes », poursuit le SNIA. C’était en effet une de ses inquiétudes : que, tel que formulé, l’Article 2 de la loi infirmière n’entraîne une dilution des compétences et spécificités des spécialités dans un grand tout estampillé « pratique avancée ». Une crainte qui était d’ailleurs partagée par certains IBODE, qui se sont également érigés contre ce texte.
Les amendements ajoutés par les sénateurs « modifient totalement » l'esprit de cet Article II, réagit Christophe Paysant, le président du SNIA. Tel que rédigé dans la version votée par les députés, il consacrait plutôt « la création d'un infirmier en pratique avancée mention "anesthésie" et faisait disparaître la spécialité IADE. On se serait retrouvé avec une espèce d'hybride entre un IPA et un IADE », qui aurait eu, à termes, vocation à remplacer les médecins dans les zones qui en manquent. « Là, on termine un travail entamé avec cet Article II, qui posait finalement plus de questions qu'il n'en résolvait. C'est-à-dire qu'on va créer une pratique avancée par spécialité, avec ses prérogatives, ses missions... Ce sera une pratique avancée différente.» Et qui correspond aux revendications des IADE, qui mettent en avant depuis des années l'autonomie clinique qui caractérise leur exercice.
C’est la fédération des revendications IADE, IBODE et infirmiers de puériculture (IPDE) qui « a permis d’obtenir un consensus large et d’éviter une mise en concurrence préjudiciable entre professionnels », fait valoir le SNIA. « Nous avons mené un gros travail de rencontres avec les sénateurs depuis le vote de la loi à l'Assemblée », complète Christophe Paysant, qui espère que les députés accepteront la modification du texte lors de son passage en commission mixte paritaire. Restera ensuite à déterminer les modalités de mise en œuvre (formation, reconnaissance, exercice…) qui consacreront cette inscription des IADE en pratique avancée par le réglementaire. « Il faut ouvrir notre champ des possibles, en péri-opératoire, en pré-hospitalier, en santé populationnelle, aussi », donne-t-il en exemple. Soit un travail qui risque de prendre du temps. « Mais au moins, on a enfin le pied dans la porte !», conclut-il.
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