ORGANISATION DES SOINS

Permanence des soins : quelles missions possibles pour les infirmiers libéraux ?

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Publié le 21/02/2025

Avec le décret qui vient de paraître, les infirmiers libéraux pourront désormais participer à la permanence des soins. Missions, conditions d'intervention et rémunération restent toutefois à définir.

consultation à domicile, patient âgé, professionnelle de santé

Crédit photo : GARO/PHANIE

Il était attendu depuis la publication de la loi visant à l’amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé – dite loi Rist. Celle-là même qui ouvre également l’accès direct et la primo-prescription aux infirmiers en pratique avancée (IPA) dans le but de répondre à une préoccupation similaire : le contexte de désertification médicale, qui complique l’accès aux soins pour un grand nombre d’usagers du système de santé. Le décret cadrant la participation des infirmiers et sages-femmes à la permanence des soins vient d’être publié au Journal officiel du 20 février 2025.

Un recours aux infirmiers et sages-femmes sur la base du volontariat

Avant d’en arriver là, le texte a toutefois d’abord dû être validé par le Haut conseil des professions paramédicales (HCPP, voir encadré). « Le projet de décret a été soumis une première fois aux organisations syndicales au début de l’été 2024 », explique John Pinte, président du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) et membre du HCPP. Face au texte, celles-ci ont avancé une exigence : que la rémunération ne soit pas fixée par le réglementaire, mais bien via les négociations conventionnelles. « Les infirmiers en établissement participent déjà de fait à la permanence des soins, donc le texte concerne essentiellement les infirmiers libéraux », précise en effet Sylvaine Mazière-Tauran, la présidente de l’Ordre national des infirmiers.

Il reste à préciser les modalités d’intervention des infirmiers et des sages-femmes ainsi que les territoires concernés.

Que prévoit le décret ? En fonction de la demande en soins et de l’offre médicale, « la mission de permanence des soins peut aussi être assurée par les établissements de santé, ou faire l'objet sur la base du volontariat, d'un concours des infirmiers et des sages-femmes », indique-t-il. Pas question, donc, d’imposer une permanence des soins qui serait spécifique à ces professionnels de santé. Le but est de permettre aux Samu et aux services d’accès aux soins (SAS) de fournir une réponse adaptée à des demandes qui ne nécessitent pas l’intervention d’un médecin.

Le passage par une régulation médicale téléphonique préalable

Le texte modifie en réalité un certain nombre d’Articles du Code de la santé publique afin d’y intégrer les nouvelles professions visées. À commencer donc par l’intégration de représentants de leur Ordre et Union régionale des professionnels de santé (URPS) respectifs au sein des comités départementaux de l’aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires. Ces institutions sont chargées de veiller à « la qualité de la distribution de l'aide médicale urgente, à l'organisation de la permanence des soins et à son ajustement aux besoins de la population dans le respect du cahier des charges régional », rappelle ledit Code. De cahier des charges, il est également question dans le décret. Il devra désormais préciser « les modalités d’intervention des infirmiers et des sages-femmes ainsi que les territoires concernés ». Enfin, il définit les conditions d’accès à cette permanence des soins. Comme actuellement pour les médecins, tel que l’indique l’Article R6315-3, celle-ci passera par une régulation médicale téléphonique préalable, notamment via le 15.

Quel type de missions pour les infirmiers ?

Concrètement, « nous sommes un peu sur le même principe que la Mission Braun » sur les soins non programmés, instaurée en juillet 2021 pour faire face à la crise des urgences, explique le président du Sniil. « La participation des infirmiers à la permanence des soins faisait partie de l’une des solutions » avancées, confirme Sylvaine Mazière-Tauran. « Elle avait déjà été expérimentée dans certains territoires comme la Loire, où l’infirmier pouvait être missionné sous régulation du Samu. »

L’IDEL pourrait accomplir directement des soins, comme la remise en place d’une sonde naso-gastrique ou la réalisation d’un pansement suite à une plaie.

Il s’agit ainsi de limiter le déploiement des équipes de médecine d’urgence et d’éviter à des patients de se déplacer à l’hôpital quand leur état ne le justifie pas. L’IDEL pourrait intervenir au domicile sur demande du médecin régulateur, quand celui-ci perçoit d’emblée que le recours au Samu ou qu’un passage aux urgences n’est pas nécessaire. L’infirmier lui fera ensuite un retour afin qu’il détermine la suite à donner : orientation vers l’hôpital ou vers la médecine de ville, entre autres. « On sera sur une levée de doute », poursuit John Pinte. « Non pas sur des urgences vitales, mais plutôt sur des urgences relatives, avec des prises en charge sur 3-4 heures. » Ce qui n’exclut pas que l’IDEL pourrait accomplir directement des soins, comme la remise en place d’une sonde naso-gastrique ou la réalisation d’un pansement suite à une plaie, donne-t-il en exemple. Ou encore la réalisation d’une perfusion, une intervention après un débranchement accidentel ou encore une prise en charge d’une chute, liste de son côté Sylvaine Mazière-Tauran.  « Il ne faut pas que l’IDEL qui intervient dans le cadre de la permanence des soins aille remplacer l’infirmier présent sur le terrain », prévient toutefois le président du Sniil.

Les infirmiers assurent déjà une permanence des soins, chaque fois qu’un patient a besoin d’aide ou se rend dans leur cabinet, ils répondent. Là, on passe à un stade supérieur.

L’organisation de la PDSES pour les infirmiers pourrait toutefois différer d’une région à l’autre, en fonction des cahiers des charges qui seront établis et des missions qu’ils cibleront. « Là, le texte est relativement court », poursuit la présidente de l’Ordre. « Il faudra le décliner car il ne donne pas de détails. » « On peut imaginer qu’il y aura un arbre décisionnel », continue John Pinte, qui évoque aussi « plus de souplesse » en fonction des régions, « comme sur les créneaux horaires. Est-ce que, par exemple, il est vraiment pertinent que les infirmiers soient disponibles durant la nuit profonde ? » Pour les organisations syndicales, il était surtout important qu’il y ait une base nationale, « même s’il doit y avoir des adaptations territoire par territoire. » « Il y aura un cadre national dont les régions vont s’emparer au fur et à mesure en fonction de leurs problématiques spécifiques », abonde Sylvaine Mazière-Tauran. Autant d’arbitrages à trancher sur le terrain, donc, qui réclament du temps. En attendant, dans un contexte de désertification médicale et de difficultés croissantes d’accès aux soins, le texte « répond à un besoin. Les infirmiers assurent déjà une permanence des soins, chaque fois qu’un patient a besoin d’aide ou se rend dans leur cabinet, ils répondent. Là, on passe à un stade supérieur. »

La rémunération se décidera lors des négociations conventionnelles

Quant à la rémunération, elle se décidera bien lors des négociations conventionnelles entre les syndicats d’IDEL et la Caisse nationale d’Assurance maladie. Avec toutefois un bémol : celles-ci ne pourront avoir lieu qu’une fois qu’aura été publiée la loi infirmière, dont l’ambition est de refondre le métier. Déposée le 19 novembre 2024 par Nicole Dubré-Chirat et Frédéric Valletoux auprès de l’Assemblée nationale, elle conditionne en effet la tenue de ces négociations… mais aussi leur contenu. Car elle comporte la notion de « consultation infirmière ». Or, explique John Pinte, les organisations syndicales espèrent bien défendre l’intégration de la permanence des soins (PDSES) dans le cadre de cette consultation. Le décret « est à la croisée de plusieurs textes », conclut-il.

L’historique du texte
À l’origine du texte, il y a une première tentative du gouvernement de faire participer infirmiers, sages-femmes et chirurgiens-dentistes à la permanence des soins. Alors que se préparent les discussions sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour l’année 2023 (PLFSS 2023), il propose en novembre 2022 un amendement en ce sens, arguant de la difficulté pour les médecins d’assurer seuls cette activité. Le texte suppose d’instaurer un principe « de responsabilité collective » pour l’ensemble des professionnels de santé qui exercent en ville comme à l’hôpital. Finalement retoqué lors du vote du PLFSS 2023, il aura fallu attendre l’adoption de la loi relative à l’amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé en mai 2023. Il a ensuite été examiné par les membres du Haut conseil des professions paramédicales (HCPP) à deux reprises : une fois en juin 2024, puis en décembre de la même année, où il a été voté en l’état.

Accéder au décret


Source : infirmiers.com