Bruno Lina, chef de service aux Hospices civils de Lyon et responsable du Centre national de référence des virus des infections respiratoires, fait le point.
Quelles sont les particularités de l’épidémie de grippe actuellement en cours dans notre pays ?
Une première spécificité de cette épidémie est son ampleur : elle affecte un très grand nombre de personnes. Une autre particularité est que, bien que tous les groupes d’âge soient concernés, les enfants et les adultes jeunes sont particulièrement touchés.
Les raisons précises de l’importance de cette vague épidémique restent encore à déterminer. On sait que le virus de la grippe A/H1N1 est l’un des trois virus grippaux en circulation cet hiver (les autres étant les virus de la grippe A/H3N2 et le virus de la grippe B Victoria). Or, ce virus diffuse très bien dans la classe d’âge des 25-45 ans.
Mais seule sa présence ne suffit pas à expliquer pourquoi l’épidémie de cette année est plus importante que celle de l’année dernière. Non seulement ces virus étaient-ils attendus, mais qui plus est, le virus B et le virus A/H1N1 avaient déjà circulé l’an passé. Bien qu’ils aient muté et soient cette année légèrement différents de ceux de l’an dernier, ces modifications n’expliquent pas l’ampleur de l’épidémie en cours.
Pourquoi les plus jeunes sont-ils particulièrement vulnérables face au virus H1N1 ?
Premièrement, probablement parce qu’un nombre significatif d’entre eux n’ont jamais été exposés à ce virus. Une autre raison est que, face à une souche virale donnée, la réponse immunitaire est en quelque sorte conditionnée par l’historique immunitaire, via des mécanismes que les scientifiques sont en train de décrypter.
On sait par exemple que les « adultes jeunes » (une catégorie très large, puisqu’elle recouvre les adultes nés après 1968) qui ont d’abord été infectés par le virus A/H3N2 avant d’être exposés au virus A/H1N1 présentent une réponse immunitaire moins bonne face à ce dernier virus que des gens qui l’ont rencontré avant le A/H3N2.
Autrement dit, la première grippe de l’existence conditionne la qualité et la puissance de la réponse immunitaire lors des infections ultérieures par des virus grippaux. Si la seconde grippe est due au même virus, la réponse immunitaire sera davantage protectrice que s’il s’agit d’un virus différent. Ce constat pourrait expliquer pourquoi les plus de 65 ans sont plus touchés par le A/H3N2 : ils ont été d’abord exposés au A/H1N1 avant d’être exposés au A/H3N2.
Le virus A/H1N1 avait déjà circulé en 2009, lors de l’épidémie de grippe d’origine porcine. Si l’on avait été vacciné contre le A/H1N1 (ou infecté par lui), bénéficie-t-on d’une immunité aujourd’hui ?
L’immunité croisée qui résulte de la vaccination ou d’une infection datant de cette époque est très faible, car le virus A/H1N1 qui est en circulation à l’heure actuelle n’est plus du tout le même qu’en 2009, il a beaucoup évolué.
Cette année, quel est le degré de protection conféré par le vaccin ?
On estime que le niveau de protection moyen conférée par le vaccin est compris entre 40 et 45 %. Cela peut sembler faible, mais il faut bien comprendre qu’il s’agit du niveau de protection contre les trois virus circulants.
Si l’on regarde dans le détail, la protection contre le virus B est excellente, puisqu’elle se situe aux alentours de 70 à 75 %, un niveau rarement atteint en matière de vaccin contre la grippe.
L’efficacité contre le virus A/H1N1 est en revanche un peu moins bonne que prévu : elle est de 40 à 45 % alors qu’on s’attendait à un taux d’environ 60 %, car le virus sur lequel est basé le vaccin est censé être le même que celui qui circule dans la population. Cela signifie très probablement que le virus circulant a subi des modifications, qui restent encore à identifier.
Enfin, l’efficacité contre le A/H3N2 est basse : environ 25 à 30 % seulement. Elle est particulièrement faible chez les plus de 65 ans, ce qui n’est pas surprenant, puisqu’on sait que la protection vaccinale diminue chez les personnes âgées. Leur système immunitaire répond en effet moins bien aux stimulations que celui des personnes plus jeunes (on parle d’immunoscénescence).
Malgré cette efficacité relativement faible contre le A/H3N2 et moyenne contre le A/H1N1, se faire vacciner reste très utile.
Absolument, car le vaccin confère une protection vis-à-vis des formes graves. Par ailleurs, chez les personnes vaccinées qui tombent malades malgré tout, la durée de la maladie est réduite, tout comme son intensité. Donc même en cas d’échec vaccinal, les malades qui avaient reçu le vaccin ont un bénéfice clair par rapport aux autres.
Autre point important : la vaccination freine considérablement la transmission du virus dans la population. À ce titre, la vaccination des soignants est un point clé en cas d’épidémie. Malheureusement, elle n’est clairement pas suffisante dans notre pays.
L’Organisation mondiale de la santé recommande de faire vacciner les enfants de moins de 5 ans. Ce n’est pas le cas des autorités françaises. Pourquoi ?
La grippe est surtout dangereuse pour les enfants de moins de trois mois. Certes, chaque année, un petit nombre d’enfants plus âgés font des formes graves nécessitant une admission en réanimation, et il arrive que certains, malheureusement, en décèdent. Mais ces cas sont très rares. Chez les enfants qui ne présentent pas de maladie chronique ou d’autre problème de santé, la grippe se passe généralement relativement bien.
La vaccination des enfants présente néanmoins un double bénéfice. Il s’agit tout d’abord d’éviter qu’ils ne s’infectent, ce qui permet de limiter l’encombrement des urgences et les arrêts de travail des parents (et protège des formes graves les enfants à risque). L’autre bénéfice est qu’une telle vaccination permet d’influer sur la dynamique de l’épidémie.
En effet, lorsque les enfants sont vaccinés, la circulation du virus est freinée dans cette population, dont on sait qu’elle est le moteur de l’épidémie : quand les enfants sont infectés, ils contaminent leurs parents, puis leurs grands-parents. Limiter la circulation virale chez les plus jeunes permet donc de diminuer le niveau d’infection des plus âgés (ainsi que des autres personnes à risque, femmes enceintes ou nouveau-nés).
C’est ce qu’a montré l’approche adoptée par la Grande-Bretagne, qui mène une campagne de vaccination des enfants en âge scolaire. Dans les endroits où la campagne est correctement suivie et où les taux de vaccination sont élevés, on observe la mise en place d’une immunité de groupe : le nombre de personnes de plus de 65 ans infectées est très significativement réduit, ce qui a un impact sur la mortalité.
Limiter la circulation du virus chez les plus âgés est d’autant plus important qu’au-delà de la mortalité, les conséquences d’une grippe peuvent être graves pour ces personnes…
B.L. : Effectivement. Lorsque les personnes âgées sont victimes d’une forme de grippe sévère, elles se retrouvent souvent alitées pendant une dizaine de jours, voire plus. Lorsqu’elles se remettent de l’infection, elles ont souvent perdu de l’autonomie, comme l’ont montré diverses études.
Une autre source de complications est due au fait que la grippe peut déstabiliser l’état des patients qui souffrent de pathologies chroniques. L’infection peut provoquer une série d’altérations métaboliques aboutissant à une altération de l’état général. Cela peut se traduire par des poussées d’insuffisance cardiaque, un déséquilibre du diabète, etc.
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