Avant d'en arriver aux chiffres, plusieurs lignes mettent en garde : il ne faut pas considérer ce rapport comme parfaitement représentatif des violences advenues en milieu de soin. D'abord parce que le contexte était celui, très spécifique, de la crise sanitaire avec des restrictions de visite, des règles strictes ou encore des conditions générales dégradées sources de conflits, mais aussi «parce que le nombre de signalements ne reflète pas forcément la dangerosité d’un lieu de soin, mais bien le nombre de fois où les professionnels ont tenu à signaler les faits», nuance l'Observatoire, avec des disparités selon les établissements, les services...
Nombre de signalements déclarés
En 2020 : 383 établissements ont ainsi déclaré 19 579 signalements d’atteintes aux personnes et aux biens et 19 328 signalements en 2021. Pour la comparaison, en 2019 : 451 établissements avaient déclaré 23 780 signalements d’atteintes aux personnes et aux biens.
Période exceptionnelle en raison de la crise sanitaire inédite, les années 2020 et 2021 ont connu une forte baisse du nombre d’établissements déclarants et du nombre de signalements. «La baisse de fréquentation a logiquement entraîné une baisse du nombre de violences, même si, par ailleurs, la limitation des entrées (visites, etc.) et la situation exceptionnelle de cette crise ont pu générer des violences spécifiques avec régulièrement une "négociation" de la règle encore plus insistante qu’avant cette période», souligne le rapport.
La psychiatrie et les EHPAD parmi les plus touchés
La psychiatrie arrive en tête des structures ou unités déclarant le plus de violence (22% en 2020 et 2021), devant les EHPAD (Environ 13% les deux années). «Sur ces deux années 2020 et 2021, les urgences ne sont plus en 2e position en nombre de signalements», précise le rapport, mais passe en 3e position (Environ 12% des violences signalées).
Les atteintes aux personnes sur une échelle de gravité de 1 à 4
En 2020 : les violences physiques et menaces avec arme représentent 50,9% ; les insultes et injures 29,9% ; les menaces d’atteinte à l’intégrité physique 16,5% ; les violences avec arme 2,7%.
En 2021 : les violences physiques et menaces avec arme représentent 46,7% ; les insultes et injures 32,1% ; les menaces d’atteinte à l’intégrité physique 18,3% ; les violences avec arme 2,9%.
«Il faut entendre par arme, les armes par nature (arme à feu, arme blanche) mais surtout celles par destination, à savoir tout objet qui est détourné de son usage naturel à des fins de violence», précise le rapport.
Essentiellement des atteintes aux personnes
En 2020 : 81% des signalements concernent des atteintes aux personnes, dont 24% sont liées directement à un trouble psychiques ou neuropsychique (TPN : altération totale ou partielle du discernement). 19% sont des signalements d’atteintes aux biens (dont 4% sont liées directement à un TPN).
En 2021 : 82% sont des signalements d’atteintes aux personnes, dont 21% sont liées directement à un trouble psychiques ou neuropsychique (TPN). 18% sont des signalements d’atteintes aux biens (dont 4% sont liées directement à un TPN).
Les patients, principaux auteurs de violences
En 2020, 18 738 auteurs de violences aux personnes ont été recensés répartis ainsi : Patients 73,7% ; accompagnateurs et visiteurs 16,3% ; autres 6,1% ; personnels de santé 3,4% ; détenus 0,4% ; agents de sécurité 0,1%.
En 2021, 19 115 auteurs de violences aux personnes ont été recensés répartis ainsi : Patients 70,1% ; accompagnateurs et visiteurs 19,3% ; autres 6,4% ; personnels de santé 3,6% ; détenus 0,4% ; agents de sécurité 0,1%.
Les motifs de violence :
- reproche relatif à la prise en charge du patient (48,5%) - (51,4%)
- refus de soins (21,5%) - (21,2%)
- temps d’attente jugé excessif (8,7%) - (8,5%)
- alcoolisation (7,4%) - (6,3%)
- règlement de comptes et conflits familiaux (5,3%) - (4,5%)
- drogue (2,4%) - (2,1%)
- refus de prescription (2,9%) - (2,4%)
- diagnostic non accepté (1,5%) - (1,8%)
- suicide et tentative (0,8%) - (0,8%)
- atteinte au principe de laïcité (0,5%) - (0,3%)
- automutilation (0,6%) - (0,6%)
- les prises de vidéos, de photos et d’enregistrements sonores à l’insu ou contre la volonté des personnels
Violences entre professionnels
Concernant les violences entre les professionnels, ce sont essentiellement des violences verbales mais aussi psychologiques et plus rarement physiques, détaille l'Observatoire. Elles s’expriment par des attitudes hostiles ; du mépris ; des critiques ponctuelles blessantes ou des critiques et des reproches incessants sur l’inaptitude professionnelle réelle ou supposée des pairs, confrères ou collaborateurs ; des dénigrements du travail effectué devant d’autres personnels de santé, et, ce qui est plus blessant, devant des patients/résidents, des accompagnants ou encore du public, avec parfois des éclats de colère ; des propos insultants, grossiers et dégradants ; du harcèlement ; des actes de malveillance et/ou de vengeance ; des menaces physiques pouvant aller jusqu’à des menaces de mort ; et même des violences physiques (bousculade, coups).
«[…] En demandant à ce chirurgien s’il avait des problèmes avec moi, il m’a répondu “nonˮ et a
précisé qu’il avait des problèmes avec notre corporation [IDE].»
Lorsque les différends et conflits entre personnels sont « enkystés », pour reprendre le terme de la campagne nationale pour prévenir les conflits « aigus » (mars 2019), ils sont particulièrement difficiles à résoudre. Le rôle de la hiérarchie (entendue au sens large) est fondamental pour repérer les situations, surtout celles qui seraient larvées ou insidieuses, et envisager diverses résolutions d’un conflit.
« Fils d’un patient en fin de vie qui ne vit pas bien la situation de son père et accuse le personnel de maltraitance. Il les insultes, menaces et a même bousculé une infirmière dans un de ses accès de colère. » (Réanimation)
Les étudiants en santé, encore plus vulnérables
Enfin, l’ONVS déplore des signalements trop rares de violences commises par des professionnels sur les étudiants (étudiant infirmier, interne...), entre étudiants ou par des étudiants. «Les étudiants en santé représentent, de par leur statut, des victimes certainement plus vulnérables que leurs pairs et collègues titulaires. Les violences de tous ordres qu’ils peuvent subir rendent parfois l’apprentissage de nouvelles compétences difficiles.
Certains étudiants se voient même dans l’impossibilité de continuer leurs études après des évènements parfois traumatisants». L'observatoire incite sur ce point «les médecins du travail et les infirmiers de santé au travail à effectuer ces remontées», rappelant que ces signalements, «tant en ce qui regarde les personnes que les établissements, sont anonymes».
Préconisations
Améliorer la communication, former les professionnels au plus tôt à savoir réagir aux situations de violence, «la prévention et la lutte contre les atteintes aux personnes et aux biens sont un enjeu capital pour les établissements de santé», souligne le rapport et ce risque doit être envisagé comme tel par les directeurs d'établissements «tant ces atteintes affectent la sérénité des conditions de travail et par conséquent la mission de soin». L'observatoire considère même que les directeurs d’établissements doivent acquérir une nouvelle compétence de « sécurité », qui originellement ne faisait pas partie de leur cœur de métier.
L’ONVS rappelle l’ensemble des impacts négatifs de la violence en milieu de soin :
- désorganisation des services,
- coût humain (personnel en souffrance, arrêt de travail, sentiment d’insécurité, difficulté de fidélisation, difficulté de recrutement),
- coût financier pour l’établissement mais aussi pour toute la société, atteinte à la mission de service public (mise en danger de l’accès aux soins et de leur continuité),
- dégradation de la réputation et de l’image de l’établissement.
Des outils à plusieurs niveaux
C’est enfin «l’implication de l’ensemble des personnels de l’établissement qu’il convient de susciter pour obtenir le succès escompté et restaurer ainsi le respect dû aux professionnels de santé et aux personnels des établissements», précise le rapport, «ainsi que les règles élémentaires de civisme et de vie en société». À défaut, la sécurisation ne sera que «partielle».
L'observatoire propose en fin de rapport un projet de service qui peut se décliner en trois axes (prévention primaire / prévenir la violence, secondaire / faire face à la violence, tertiaire / permettre à la victime de se reconstruire) avec à la clé une palette d’outils très concrets capable de répondre de la meilleure façon possible à cet enjeu. De la fourniture par les établissements d'équipements de défense («manchons anti-morsures ou griffures des avant-bras») à l'association étroite, au niveau local, des institutions partenaires en charge de la sécurité (en particulier les « référents sécurité-sûreté » de la police et de la gendarmerie nationales) et de la justice, en passant par des conseils relatifs à l'ergonomie («le positionnement du bureau dans une pièce doit permettre d’assurer la fuite du personnel»).
Retrouvez l'intégralité du rapport de l'Observatoire de National des Violences en Milieu de Santé.
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