Il faut créer un statut de «mineur hospitalisé» en psychiatrie, plaide la contrôleure des lieux de privation de liberté (CGLPL) Dominique Simonnot, dans un avis publié le 4 décembre au Journal officiel. Elle s’y inquiète des conditions dans lesquelles sont pris en charge les enfants, qui sont pourtant pour la plupart hospitalisés en «soins libres» mais qui subissent «de nombreuses atteintes à leurs droits fondamentaux.» «Bien qu'ils n'aient pas donné leur consentement aux soins, puisqu'ils sont majoritairement hospitalisés à la demande des titulaires de l'autorité parentale ou en application d'une décision de justice, ces enfants sont privés des garanties inhérentes au statut du patient soigné sans son consentement», souligne-t-elle. Même s’ils demeurent minoritaires, les mineurs sont susceptibles d’être soumis à des mesures d’isolement et de contention, dont le recours est strictement encadré. Alors même que leur vulnérabilité «justifierait une adaptation de leur prise en charge», notamment afin de les protéger des conséquences de ce type d’hospitalisation.
Héberger des enfants à temps complet en chambre d'isolement pour de longues durées est illégal hors du cadre des soins sans consentement.
Parfois admis, faute de places dédiées, dans des unités pour adultes, les enfants peuvent être «hébergés à temps complet en chambre d'isolement», parfois sans accès à un bouton d'appel, «pour de longues durées», les soignants n'étant pas «en mesure, faute de moyens, de les surveiller et de les protéger des adultes». Une privation de liberté qui est pourtant illégale hors du cadre des soins sans consentement. En parallèle, l’hospitalisation entraîne un «quasi-abandon» de la scolarité, s’alarme Dominique Simonnot.
L'obligation d'un cadre juridique identifié
Or, si l’hospitalisation pour soins psychiatriques peut se faire sans le consentement de l’enfant, elle doit correspondre à un cadre juridique identifié : le placement peut être décidé par un certain nombre d’acteurs identifiés (l’autorité parentale, le juge des enfants au titre de l’assistance éducative et après avis du médecin, le représentant de l’État si le mineur présente des troubles mentaux qui peuvent le rendre dangereux pour autrui ou s’ils le rendent pénalement irresponsable), et il doit respecter la Convention internationale des droits de l’enfant. Cette dernière stipule, entre autres, que «l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale» dans toutes les décisions le concernant, celui-ci imposant aux États de «veiller à ce que nul enfant ne soit soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants». Le texte interdit également «de priver un enfant de liberté de façon illégale ou arbitraire».
Mais qu’ils soient hospitalisés en soins libres ou sans consentement, les enfants sont souvent pris en charge selon des modalités «nullement justifiées par leur état clinique». «Les mesures d'isolement et de contention prononcées à l'égard de mineurs en soins libres ne sont pas soumises au contrôle du juge, dès lors qu'elles ne sont pas censées exister», et «elles ne peuvent pas être contestées par le mineur, dont les droits ne sont de fait presque jamais garantis», relève l'avis.
Des soignants peu ou mal formés
Comme facteurs responsables de ces privations de liberté sans consentement, l’avis pointe pêle-mêle la méconnaissance des normes et le manque de formation des équipes, leur surcharge de travail, «l’état de délabrement de certains services hospitaliers», dû à une crise de la pédopsychiatrie, ou encore la protection insuffisante des droits des mineurs en établissement de santé mentale.
Du côté des soignants, beaucoup déplorent ces conditions liées au manque de moyens ; mais d’autres arguent de la valeur «thérapeutique» de l’isolement et de la contention. «Alors qu'aucune donnée probante ne justifie une telle vertu», tacle la contrôleure.
Des chambres d'isolement désignées comme "chambre de soins intensifs"
Cette dernière souligne l’existence de graves dérives, dont le recours à des «artifices de langage», comme l’utilisation du terme «prescription» quand la mesure est qualifiée par la loi de «décision», ou la désignation des chambres d’isolement comme «chambres de soins intensifs.» Ils «permettent aux professionnels de se voiler la face et trompent les patients en faisant passer la contrainte pour un soin», s’insurge-t-elle.
Pour remédier à ces graves abus, conclut l’avis, les pouvoirs publics doivent instaurer «un statut légal du mineur hospitalisé en psychiatrie», interdire expressément l'isolement et la contention des mineurs et donner aux établissements «les moyens d'offrir» aux enfants «une prise en charge adaptée à leurs besoins médicaux et éducatifs particuliers». 52.000 enfants âgés de 4 à 17 ans étaient hospitalisés en psychiatrie en 2023,
selon l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH).
Accéder à l'avis de la contrôleure des lieux de privation de liberté
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