C'est une petite unité seulement constituée de 32 professionnels. 29 personnels soignants dont 3 cadres de santé, 26 infirmiers convoyeurs de l'Armée de l'Air et 3 personnels administratifs et logistiques forment l'escadrille aérosanitaire 6/560 «Étampes», localisée sur la Base aérienne 107 Villacoublay (dans les Yvelines). Sa principale mission : la médicalisation des avions de transport. «On est en capacité, à partir de n'importe quel avion de transport militaire, de le transformer en une version médicale pour transporter de un jusqu'à 40 ou même 80 malades ou blessés. C'est cette connaissance et cette maîtrise des versions médicales des avions qui fait notre singularité», résume le commandant Sylvain, commandant de l'escadrille aérosanitaire 6/560 « Étampes ». «Les équipes se positionnent en tant que trait d'union entre l'équipage de l'avion, dont la mission est de déplacer l'appareil, et les équipes médicales qui prennent en charge le patient à l'arrivée».
On peut avoir affaire à un très gros incident, un accident de voiture ou une explosion, des blessés par balles. On a alors la possibilité d'être déclenchés en moins de trois heures pour aller chercher ces patients-là.
Avant toute mission, l'ensemble des demandes d'évacuation sont traitées par la cellule de régulation, qui dépend de l'Etat major opérationnel du service de santé des Armées. Un médecin régulateur et un infirmier convoyeur analysent les besoins médicaux (en équipe médicale et en matériel spécifique), mais aussi le délai de rapatriement nécessaire au blessé. Une fois ces données collectées, l'infirmier convoyeur conseille le médecin sur le type d'avion compatible avec la pathologie. Le service de planification de l'Armée de l'Air et de l'Espace, qui se trouve à Eindhoven, au Centre européen de planification, aux Pays-Bas, prend alors le relais sur l'aspect proprement logistique de la mission. «Les choses peuvent toutefois être extrêmement rapides en cas d'urgence», explique le commandant. «On peut avoir affaire à un très gros incident, un accident de voiture ou une explosion, des blessés par balles. On a alors la possibilité d'être déclenchés en moins de trois heures pour aller chercher ces patients-là».
Rapatrier les militaires français, où qu'ils soient déployés
«Notre mission première consiste à rapatrier nos militaires français en métropole, où qu'ils soient projetés dans le monde, quel que soit ce qui leur arrive», résume le commandant Sylvain. L'escadrille aérosanitaire intervient donc sur tous les théâtres d'opération : «que ce soit auprès de militaires français embarqués sur les bateaux, sur un porte-avion, dans nos bases prépositionnées à l'étranger, les territoires ultramarins, ou bien encore à l'étranger sur des opérations, comme c'était le cas à Barkhane*, par exemple, jusqu'à il n'y a pas très longtemps».
Ce sont des opérations souvent très ponctuelles, avec pour but d'extraire très rapidement beaucoup de gens d'un danger immédiat.
Plus rarement, l'escadrille peut être sollicitée en tant qu'unité de l'armée de l'Air et de l’Espace à la demande d'autres ministères, «que ce soit le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères ou le ministère de l'Intérieur, pour renforcer les moyens civils lorsqu'ils ne sont pas assez nombreux ou quand ils ne peuvent pas être déployés». Si ces missions auprès de la population civile restent assez rares (deux ou trois par an), «ce sont souvent des opérations conséquentes où l'on ramène beaucoup de gens en un temps très court», précise le commandant Sylvain, qui évoque une mission marquante : «Il y a deux ans, quand on a contribué à l'évacuation des Français et d'autres Européens du Soudan, les avions de ligne ne pouvaient pas se poser à cause de l'insécurité. On a ramené quasiment 1 500 personnes en quatre jours. Ce sont des opérations souvent très ponctuelles, avec pour but d'extraire très rapidement beaucoup de gens d'un danger immédiat».

Dans ce métier, il faut avant tout beaucoup de motivation mais aussi des connaissances très fines de l'aéronautique (de tous les avions de l'armée de l'Air) et des pathologies associées à l'aéronautique.
L'adjudant Oumy est infirmière convoyeuse de l'Armée de l'Air et de l'Espace, «officiellement brevetée depuis un an», précise-t-elle. «Dans ce métier, il faut avant tout beaucoup de motivation mais aussi des connaissances très fines de l'aéronautique (et notamment de tous les avions de l'armée de l'Air et de l’Espace) et des pathologies associées à l'aéronautique (étant donné que le corps réagit différemment en vol)», explique cette infirmière qui voulait intégrer l'escadrille aérosanitaire depuis le début de sa formation. «Certaines surveillances sont plus accrues en vol : les variations de pression sont importantes pour nous par exemple lorsqu'un patient est intubé».
De fait, travailler comme infirmier convoyeur oblige à faire preuve d'adaptabilité : «On ne peut pas prévoir les départs sur des alertes bien sûr, mais il y a aussi l'adaptabilité en termes de préparation de l'aéronef parce qu'entre les différents avions, les modules sanitaires diffèrent, le matériel diffère selon le type de patient. C'est donc toute une logistique et une connaissance technique accrue», précise l'infirmière qui effectue régulièrement des stages, comme l'ensemble de l'unité, pour acquérir et actualiser ses connaissances sur les urgences et le pré-hospitalier.
Évacuer des enfants, c'est une mission à laquelle on est peu préparés en tant que militaires.
Dans l'œil du cyclone Chido
Le 14 décembre 2024, le cyclone Chido dévastait Mayotte et engendrait de nombreuses victimes et des dégâts considérables. «C'était très marquant», se souvient l'adjudant Oumy, déployée en urgence, «d'abord parce qu'il s'agissait de civils, d'adultes mais aussi d'enfants, ce qui est plus rare pour nous. C'était vraiment une mission d'évacuation. Lorsqu'on part, on ne sait pas exactement dans quelles conditions on va trouver les gens, tant sur le plan physique que psychologique. Évacuer des enfants, c'est une mission à laquelle on est aussi peu préparés en tant que militaires. Si l'état des gens a finalement été plutôt rassurant, on a dû faire face à leur détresse psychologique. À commencer par celle provoquée par les nombreuses séparations : des enfants qui ne partaient qu'avec leur mère par exemple. Par ailleurs, ces civils prenaient place dans de gros avions qui font énormément de bruit, avec une route qui n'est pas du tout habituelle, des sièges qui n'ont rien à voir avec les avions de ligne, avec des vols de nuit... Nous, militaires, avons donc aussi dû rassurer les gens, surtout les enfants et assurer à tous de bonnes conditions de vol. Ça m'a beaucoup marquée».

On peut aller jusqu'à une équipe médicale de dix-huit personnes avec plusieurs médecins réanimateurs, plusieurs médecins urgentistes, des infirmiers anesthésistes pour faire du rapatriement.
Comme tous les cas de figure existent : d'un militaire blessé à la cheville qui ne pourra pas achever sa mission, à une situation de plusieurs blessés graves dans un conflit armé, l'escadrille aérosanitaire se déploie très différemment selon les situations, souligne le commandant Sylvain. «On peut aller jusqu'à une équipe médicale de dix-huit personnes avec plusieurs médecins réanimateurs, plusieurs médecins urgentistes, des infirmiers anesthésistes pour faire du rapatriement. La configuration Morphée désigne l'une de nos capacités à transformer un Airbus A330 en mini-hôpital sur lequel on peut transporter jusqu'à quatorze patients allongés en état grave et jusqu'à 40 patients assis.»
Au moment d'une alerte, l'unité a accès au dossier médical du patient à transporter. Les soignants de l'escadrille se rapprochent aussi des médecins sur place «pour avoir des informations précises à propos de ce que l'équipe médicale peut nous donner en termes de matériel, de traitement, et pour avoir des données plus actuelles sur l'état du patient - qui doit être stabilisé avant le décollage». Une fois le patient entre les mains de l'escadrille aérosanitaire, il passe entièrement sous sa responsabilité. «Ainsi, pour les patients les plus graves, on part régulièrement avec un médecin qualifié en aéronautique et un médecin réanimateur. On peut même embarquer avec un chirurgien, afin qu'il puisse réaliser une intervention avant l'embarquement».
Sur le plan psychologique, on a souvent affaire à des cas de stress post-traumatique, à de la détresse. À mon sens, ces situations font partie des missions les plus sensibles.
Des précautions qui n'évitent pas toujours les surprises : «Si les risques sont limités au maximum, certaines situations délicates peuvent se présenter, notamment avec les patients atteints de troubles psychologiques», reconnait le commandant de l'escadrille. «Finalement, les blessures médicales sont assez bien connues et maîtrisées, mais sur le plan psychologique, on a souvent affaire à des cas de stress post-traumatique, à de la détresse. À mon sens, ces situations font partie des missions les plus sensibles».
À leur retour, les blessés passent systématiquement par la case hôpital militaire, pour réaliser des bilans ou pour des soins et afin de s'assurer que le patient repartira chez lui, dans son régiment, sur sa base aérienne, dans son unité, dans de bonnes conditions.
Médaille de l’Aéronautique
Le mercredi 16 juillet 2025, l’escadrille aérosanitaire (EAS) 6/560 « Étampes » s’est vue remettre la médaille de l’Aéronautique lors d’une cérémonie présidée par le chef d’Etat-Major de l’armée de l’Air et de l’Espace, le général d’armée aérienne Jérôme Bellanger. «On est très fiers d'avoir été reconnus, au-delà de notre spécificité médicale, pour notre compétence en aéronautique», se réjouit le commandant Sylvain.
Les infirmiers convoyeurs, considérés comme des membres d'équipage, sont amenés, en cas de problème pendant le vol (incendie, dépressurisation de la cabine...), à appliquer toutes les procédures d'urgence au même titre que n'importe quel membre d'équipage. «Ils doivent ainsi connaître parfaitement les avions, toute la partie électrique, tous les organes de fonctionnement de l'avion et toutes les procédures de sécurité, pour l'ensemble de la flotte, à savoir nos neuf avions de transport différents», observe le commandant de l'escadrille.
Une connaissance sans failles des particularités médicales et techniques de chaque avion
Sans parler de toute la particularité médicale, alors même que chaque avion peut avoir d'une à quatre versions médicales différentes. «Certains avions, comme le Falcon, n'ont qu'une seule version médicale, mais un A 330 par exemple va avoir quatre ou cinq versions différentes. Il faut donc connaître, pour chaque version, comment on installe les appareils, où on branche l'oxygène, où on a accès à l'électricité, quelle est la puissance autorisée sur chaque bloc électrique pour ne pas faire disjoncter l'avion avec nos appareils, tous les circuits de secours. En cas de panne électrique, comment on peut continuer à prendre en charge notre patient. Cela demande vraiment une connaissance très pointue, très fine, de l'aéronautique et en particulier des avions avec leurs capacités».
L'unité a dû ainsi évacuer un avion, pendant une mission. «Ça nous est arrivé en début d'année, sur un Falcon, avec un patient grave, intubé, ventilé. Pendant une escale de ravitaillement, il y a eu un problème et le circuit de dégivrage n'a pas voulu se couper, ce qui a entraîné une surchauffe des ailes de l'avion et un risque de voir le carburant s'enflammer», raconte le commandant, qui rappelle que ces incidents sont extrêmement rares. La mission s'est bien terminée et pour l'avion et pour le patient. «C'est un métier d'engagement», assure l'adjudant Oumy, «mais le jeu en vaut vraiment la chandelle, pour sa spécialité unique, l'organisation très familiale de l'unité, et le sens de la solidarité. Une équipe où il fait bon vivre, malgré les emplois du temps chargés».
* Barkhane : opération militaire menée au Sahel et au Sahara par l'Armée française, avec une aide secondaire d'armées alliées, qui vise à lutter contre les groupes armés djihadistes dans toute la région du Sahel, et lancée le 1er août 2014.
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