DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE

Comment le cadre de santé doit-il appréhender sa première prise de poste ?

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Publié le 27/03/2025

Au terme des études à l’Institut de formation des cadres de santé (IFCS), amenant à côtoyer au quotidien d’autres professionnels de santé, la première prise de prise de poste peut susciter inquiétude et incertitude. Comment passer d'une logique collective à une position individuelle de manager ?

soignants équipe

Durant les premières semaines dans son nouveau rôle, le cadre est confronté à une dynamique de groupe existante, à un collectif formé d’individualités et de personnalités multiples, dont certaines ont un « pouvoir » qui les définissent comme leaders  [1] et sur lesquelles les autres se reposent.

Le nouveau cadre et les leaders de l’équipe

La prise de poste, comme en d’autres circonstances le "premier entretien, pose les prémices du rapport à l’équipe. Il est important, à ce stade, de ne pas vouloir faire des révolutions organisationnelles, mais plutôt de déceler les leaders de l’équipe qui deviendront peut-être les personnes ressources du cadre. Car les leaders peuvent aussi s’avérer des acteurs passifs ou contestataires, comme l’indique A.Montesinos [2] qui identifie deux types leaders, l’un dit utile et l’autre nuisible.

Mais l’un et l’autre sont reconnus et exercent un pouvoir sur l’ensemble du groupe et le cadre doit apprendre à valoriser, à reconnaître et à utiliser les leaders utiles. Il ne doit pas, d’autre part, entrer en conflit avec les leaders nuisibles, ne doit pas les affronter, mais plutôt solliciter leur potentiel pour contribuer à fixer les règles explicites de travail, d’organisation et de relation dans l’unité.

Favoriser l’intégration de sa logique managériale dans la stratégie institutionnelle

L’équipe se définit comme un ensemble de personnes en interaction ayant des buts communs. Elle est donc très dépendante des individus qui la composent et sa capacité de travail dépend de chacun de ses membres et de la qualité des interactions qu’ils entretiennent. Le cadre doit donc, à fortiori lors de sa période de prise de poste, les inciter à réfléchir sur l’organisation de l’unité de soins afin d’aboutir à un consensus sur son mode de fonctionnement.

D’autre part, en tant que représentant de l’établissement de santé, il est porteur des valeurs et des directives institutionnelles qu’il devra mobiliser dans son management. Il sera ainsi appelé à impliquer son équipe dans différents projets institutionnels et articuler la logique institutionnelle et sa logique managériale.

Utiliser les compétences individuelles au service du collectif

Le collectif soignant est fait des compétences spécifiques de chacun, en termes techniques, relationnels ou organisationnels. Les compétences étant des « répertoires de comportements que certaines personnes maîtrisent mieux que d’autres, ce qui les rend efficaces dans une situation donnée » [3], elles appartiennent à chaque individu comme un élément de son identité, mais doivent se mobiliser à la faveur du collectif.

Dans ce contexte, la capacité du cadre à communiquer avec l’équipe va lui permettre de faire coexister le projet individuel de chacun avec le projet de l’équipe et de donner du sens à l’action des soignants auprès des patients dans le respect de la stratégie institutionnelle.

Déléguer certaines tâches comme acte de reconnaissance envers les agents

Le cadre de santé doit également apprendre à déléguer, à ne pas tout assumer lui-même. Il s’agit d’un bon vecteur de motivation pour les agents car il favorise leur autonomie et leur responsabilisation. D. Noyé abonde [4] : « La délégation doit tenir compte du niveau d’autonomie du collaborateur ... et de sa compétence ». Cette délégation de pouvoir entraîne aussi d’une façon indirecte une reconnaissance, pour faire émerger, chez l’agent, l’estime et l’accomplissement de soi.

Va s’installer alors une reconnaissance mutuelle, notion indissociable de l’épanouissement au sein de l’organisation. C. Bourcier et Y. Palobart [5] définissent la reconnaissance comme étant « La réaction constructive et personnalisée exprimée à court terme par un individu à la suite d’une action ou d’une attitude particulière ou globale qui constitue un effort méritant d’être relevé à ses yeux ». Ainsi, selon M.Desplebin et B.Duran, tout collaborateur doit être « reconnu dans sa fonction et dans sa personne tout en sachant que cette reconnaissance ne fige pas la personne, mais sert à augmenter ses compétences » [6].

L'enjeu pour un cadre de santé, lors de sa prise de poste tient à se placer, sur le long terme, dans une position confortable de leader montrant de la reconnaissance envers les membres de son équipe, tout en respectant et maîtrisant la stratégie institutionnelle.

[1] Montesinos André, les relations de pouvoir dans l’équipe soignante : leaders utiles et leaders nuisibles, Objectifs soins, Novembre 1996, n°47

[2] . MONTESINOS A, les relations de pouvoir dans l’équipe soignante : leaders utiles et leaders nuisibles, Objectifs soins, Novembre 1996, n°47

[3] LEVY-LEBOYER C, La gestions des compétences. Editions d’organisation, 1996, 165 p.

[4] NOYE D, Déléguer et responsabiliser, Ed INSEP consulting , 2003, 50 p

[5] BOURCIER C et PALOBART Y. La reconnaissance, un outil de motivation pour les salariés, Editions d’organisation, 1997.

[6] DESPLEBIN M et DURAN B « fonction cadre de santé infirmier et responsabilité éthique » Soins cadres n ° 33, 1er trimestre 2000, pp 36-39.


Source : infirmiers.com