La tournée, de Maxime Rossi (L’iconoclaste)
Ex-libraire devenu infirmier libéral, Maxime Rossi livre le roman bouleversant d’une journée très particulière du quotidien ordinaire d’une ruralité qui s’éteint dans un désert médical.
La tournée débute bien avant l’aube dans l’obscurité glacée d’un nouveau matin de campagne : un infirmier quitte sa maison, emportant avec lui son brassard à tension, ses aiguilles, ses papiers et une thermos de café. Sur le siège passager, trône aussi son casque, au cas où, car l’homme est également pompier. Chaque jour, autour du Plateau du Gras, entre l’Ardèche méridionale et les contreforts des Cévennes, il sillonne les routes de village en village pour dispenser des soins. Le choix de vie de cet ancien libraire qu’est Maxime Rossi. A 35 ans, il a décidé de se reconvertir ainsi. Il en tire ce récit qui n’est pas un simple carnet de tournée à la rencontre de ces personnes âgées isolées qui attendent sa visite. C’est aussi un voyage intérieur, une méditation sur le soin, la vieillesse et la mort. D’autant plus intime que cette journée s’avère très particulière pour le narrateur : son père lui a demandé de l’aider à mourir, et, naturellement, cela le hante.
Une diversité de destins
Avec l’art de rendre sensible la fragilité du monde rural et des corps vieillissants, cet infirmier très littéraire nous entraine avec lui de maisons décrépites en fermes vides dans une ruralité qui s’éteint, au contact d’une nature vivante et omniprésente. Au fil des visites, les figures rencontrées incarnent la diversité des destins : l’une décidée à quitter sa ferme pour un Ehpad, l’autre entourée de plantes et habitée par le spectre d'Alzheimer, ou encore cette diabétique pour qui l’injection d’insuline offre l’occasion de partager un café et de rompre sa solitude. Tout est peint avec une bienveillance pudique, sans sentimentalisme, mais avec une attention extrême portée aux détails du quotidien. Ces petits riens qui font encore lien. Le drame personnel vécu par notre homme l’emmène par ailleurs dans une réflexion éthique sur la fin de vie, qui résonne avec son expérience d’infirmier-pompier confronté aux urgences, à la détresse et à l’acharnement thérapeutique. En sort un roman qui s’avère un bouleversant récit d’humanité.
Et aussi…
PSYCHIATRIE
L’entretien infirmier au long cours en psychiatrie, de Dominique Friard (Seli Arslan)
Petit-fils et arrière-petit-fils de marin, Dominique Friard a été bercé par des récits maritimes durant son enfance. Des voyages au long cours qui présentaient de grands risques, surtout par rapport aux faibles profits escomptés. On nous serine également que le soin au long cours ne serait pas rentable, remarque cet infirmier qui donne ainsi dans la métaphore du voyage périlleux avec ce livre très incarné sur la relation longue qui se noue avec un patient en psychiatrie. Un accompagnement par la parole qui ne se fait pas sans guide ni repère. Le voyage se prépare, avec son port d’attache, son équipage, son appareillage, et comme perspective de ne pas échouer à l’hôpital. Un lieu que l’on ne saurait considérer comme le pivot d’un soin qui se traduit d’abord par une relation thérapeutique continue visant à favoriser le rétablissement ou la stabilisation du patient. Cela passe par une écoute active que permet l’entretien dont Dominique Friard détaille le contexte, la durée, le rythme et les objectifs à réexaminer sans cesse avec l’intéressé. Evitant les itinéraires tout tracés, il invite finalement à prendre les chemins adaptés à chaque singularité.
TÉMOIGNAGE
Infirmier zoreille en Nouvelle-Calédonie, de Thibaud Mainbourg (Vérone éditions)
En 2019, Thibaud Mainbourg arrive sur le «Caillou», cette Nouvelle-Calédonie où il rêvait de se rendre depuis l’âge de 10 ans. Il y atterri comme un infirmier qui va exercer son métier entre Nouméa et «La Brousse», à savoir toutes les terres de l’île dès lors que l’on sort de sa capitale. L’homme y est aussi bien évidemment un «zoreille», un métropolitain blanc, fraichement débarqué. Il nous narre son immersion dans ce territoire aux contrastes saisissants, entre hôpital moderne et médecine coutumière, rythmes citadins et traditions tribales. S’enchainent les anecdotes cliniques, les rencontres et les découvertes d’un soignant confronté aux défis de l’expatriation. Avec ses incompréhensions interculturelles, et la chaleur des patients qui transforme le zoreille en l’enrichissant des coutumes kanakes et océaniennes. Au-delà du journal clinique et du carnet de voyage par temps de Covid, ce témoignage sensible de l’infirmier s’avère un hommage à la beauté et à la complexité de la Nouvelle-Calédonie, et de ceux qui l’habitent.