Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « la schizophrénie est une des maladies les plus invalidantes, avec des répercussions sur tous les aspects de la vie » de ceux qui en sont atteints. À commencer par les effets secondaires des traitements antipsychotiques, qui peuvent prendre la forme de troubles sexuels : « éjaculation retardée, troubles de l’érection, de l’orgasme chez la femme, douleurs, diminution du désir sexuel… »
Un manque de données scientifiques
C’est par ces propos introductifs que Louise Michaudel a ouvert son intervention sur la sexualité et les antipsychotiques chez les personnes présentant une telle maladie, lors du séminaire de recherche « Handicap & Sexualité » organisé par le Centre hospitalier de Plaisir*. Diplômée en pratique avancée mention « Psychiatrie – Santé mentale » en juillet 2023, elle travaille actuellement comme simple infirmière aux urgences psychiatriques du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne) avant de pouvoir exercer comme IPA. Et c’est dans le cadre de son mémoire de Master qu’elle s’est penchée sur le sujet des troubles sexuels induits par les antipsychotiques chez les personnes atteintes de schizophrénie. Rapidement, la jeune infirmière a toutefois été confrontée à une réalité : les données scientifiques manquent sur le sujet, en particulier en France.
La santé sexuelle n’est pas vraiment considérée comme importante dans la prise en soin du patient de manière générale en psychiatrie
« Il y a très peu de méta-analyses ou de revues systématiques qui permettent vraiment d’avoir une preuve supplémentaire » ou un degré de validité suffisant, explique-t-elle. Elle s’est donc lancée dans une revue de la littérature, compilant des articles essentiellement produits à l’international et dressant un état des lieux, à l’instant T, de la recherche sur le sujet.
La cause de cette absence de données ? « La santé sexuelle n’est pas vraiment considérée comme importante dans la prise en soin du patient de manière générale en psychiatrie », observe-t-elle au cours de ses recherches. Et puis, il y a le fait que ce soit « un sujet très intime », qui peut être difficile à aborder, pour les soignés comme pour les soignants, souvent mal formés sur ces questions. Seulement 30% des patients parlent spontanément de leurs troubles sexuels, et 10% les listent parmi les effets indésirables des traitements, a-t-elle ainsi avancé lors de son intervention.
Une question essentielle dans la prise en soin
Sa revue de la littérature lui a toutefois permis de confirmer que « l’origine des troubles sexuels peut être multifactorielle » chez les personnes atteintes de schizophrénie, et que les antipsychotiques, s’ils peuvent être en cause, ne sont pas les premiers éléments sur lesquels il faut jouer. Notamment car « modifier un traitement chez un patient stabilisé, c’est très compliqué », explique-t-elle, soulignant d’abord la nécessité de réaliser une évaluation globale pour identifier les différents facteurs possibles de ces troubles.
Plus personnellement, elle entend mettre à profit les enseignements qu’elle a tirés de sa recherche dans sa future pratique professionnelle, quand elle pourra exercer comme IPA à l’issue de ses 3 années d’expérience comme infirmière. « Ça m’a permis de réaliser à quel point il était important » de prendre en compte la question des troubles sexuels chez les patients schizophrènes, défend-elle. Car il y a vraiment un risque de non-adhésion thérapeutique au traitement. Je pense que ça pourrait vraiment renforcer l’alliance thérapeutique d’être là et d’être à l’écoute du patient sur tous les domaines de sa vie pour l’accompagner au mieux ».
*Organisé le 18 octobre 2024 à Saint-Cyr-l'École.