Nathan, 22 ans est étudiant en 3e année dans un IFSI de province. Après un bac ST2S, il a intégré la 1re année d'IFSI. Et depuis, il enchaîne les périodes difficiles : « Cela a vraiment été un premier choix de poursuivre en IFSI, j'ai toujours été attiré par ce milieu. Malheureusement, je ne bénéficie pas de l'aide de mes parents comme la plupart des étudiants que je côtoie. N’ayant pas de relations avec ma famille, je ne peux pas prétendre à une bourse (voir encadré). »
Pendant les périodes de cours, il m’est possible de tenir le coup en travaillant la nuit mais en périodes de stage, cumuler tout cela devient très compliqué
Depuis qu’il a validé les compétences d’aide-soignant à la fin de la 1re année, il effectue des missions d’intérim dès qu’il le peut et qu’on le sollicite, durant les vacances scolaires, les nuits et les week-ends. « Pendant les périodes de cours, il m’est possible de tenir le coup en travaillant la nuit mais en périodes de stage, cumuler tout cela devient très compliqué », confie-t-il.
L’intérim constitue ses seules rentrées d'argent. Les délais de paiement le pénalisent énormément : « Il y a toujours un temps de latence de deux semaines environ. Lorsque c'est trop compliqué financièrement, je demande des acomptes. Il en va de même pour les indemnités de stage qui arrivent plus de deux mois après ledit stage. »
Pour faire une demande de bourse, il est nécessaire de constituer un dossier social étudiant (DES) à adresser à la région. Parmi les pièces justificatives à envoyer, figure notamment l’avis fiscal des parents. C’est pour cette raison que les étudiants n’ayant plus de contacts avec leur famille, ne peuvent pas prétendre à une bourse.
Des frais trop importants
L’argent récolté durant ses missions d’intérim permet à Nathan de payer le loyer et la caution en début d’année ainsi que la CVEC (Contribution de vie étudiante et de campus). « La CVEC avoisine les 110 euros et augmente d’année en année, précise le futur infirmier. En tant qu'étudiant en soins infirmiers nous ne sommes pas remboursés de cette CVEC, à la différence des autres. » Côté repas, il n’a pas accès au restaurant universitaire car l’IFSI est loin du campus. Et à l'IFSI, il n'y en a pas.
Le bureau des étudiants de notre IFSI met parfois en place des projets alimentaires mais je ne peux pas me permettre de me servir trop régulièrement, c'est un peu humiliant.
A l'hôpital, il y a un bien un self mais les prix sont trop élevés et ne sont pas adaptés aux étudiants. « Le plus souvent, nous nous préparons des repas nous-mêmes ou ne prenons pas le temps de manger. Le bureau des étudiants de notre IFSI met parfois en place des projets alimentaires mais je ne peux pas me permettre de me servir trop régulièrement, c'est un peu humiliant. »
Une fois payé le loyer, les courses, le forfait téléphone, l’électricité, etc., Nathan n’a plus, aux alentours du 10 du mois, d’argent sur son compte : « J'ai un ami qui m'a dépanné financièrement le mois dernier. Heureusement, que l’on s’entraide. »
La Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières (FNESI) et diverses associations étudiantes, mettent en place des projets de soutien tels que "Le panier aubergine", déployé par l'association étudiante de l'IFSI de Clermont-Ferrand. « Il s’agit de projets financés par des partenaires et par la FNESI qui permettent de délivrer des paniers de fruits et légumes aux étudiants pour une valeur de 1 ou 2 euros, explique Elodie Lenfant secrétaire générale en charge des relations presse et de la communication de la FNESI. Cela permet aussi de travailler avec les producteurs locaux dans les différentes villes comptant des établissements de formation. Ce sont des projets menés par les étudiants et les associations. Nous les soutenons dans le montage. »
Autre dispositif d’aide de plus en plus répandu dans les établissements de formation : le projet de « frigos solidaires » ou « frigos en libre-service ». « La FNESI incite les IFSI à déployer ce dispositif afin que les étudiants ayant des restes alimentaires les déposent pour ceux qui n’ont pas l’occasion de manger à leur faim. »
Dans le cadre de la loi Levi, visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, la FNESI travaille à l’élaboration de conventions avec le Crous ou le self le plus proche de l'établissement de formation pour que les étudiants puissent avoir accès à une alimentation à tarif modéré lorsqu'ils sont en formation.
Travailler et étudier : un rythme épuisant
Pour Lucie, 21 ans, également étudiante en 3e année dans un IFSI de province, la situation est assez équivalente : «Mes parents sont divorcés, ma mère s'est remariée avec mon beau-père ce qui fait qu’au niveau financier je ne touche pas de bourse. Ma mère ne me donne rien. Je vis dans un logement HLM, travaille toutes les vacances et les week-ends pour subvenir à mes besoins. »
L'année dernière, Lucie travaillait de nuit en tant qu'aide-soignante. A deux doigts d’abandonner la formation qu’elle juge très dense, elle a été contrainte de diminuer le rythme des jobs à côté, pour pouvoir suivre les cours et les stages correctement. Elle ne travaille plus que les week-ends et pendant les vacances scolaires.
Pour arriver à s’alimenter, elle fait souvent appel à son association locale qui met à disposition des paniers alimentaires. « Ils récupèrent des légumes auprès d'agriculteurs et nous les revendent moins chers. Cela m’aide beaucoup. »
De nombreux étudiants doivent avancer d’importants frais kilométriques et cela accentue leur précarité. Sans compter que l’on se déplace souvent très loin pour nos stages et que les indemnités de stage sont dérisoires
L’étudiante pointe d’autres éléments qui jouent en défaveur des étudiants en soins infirmiers : « Je connais de nombreux étudiants qui doivent avancer d’importants frais kilométriques et cela accentue leur précarité. Sans compter que l’on se déplace souvent très loin pour nos stages et que les indemnités de stage sont dérisoires. » Si effectivement les IFSI accueillent davantage d’étudiants, les places en stage, elles, n’augmentent pas et contraignent, en effet, les étudiants à parcourir de nombreux kilomètres jusqu’à leur établissement.
L’importance des associations
Lucie a eu quelque fois envie de tout lâcher. Et c’est en partie grâce au soutien de la FNESI (Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières) et de la Cnaé (Coordination nationale d’accompagnement des étudiants), un dispositif d’écoute et d’accompagnement dédié aux étudiants, qu’elle a tenu bon : « Les associations c'est vraiment le plus important. J’ai appelé la Cnaé à plusieurs reprises et cela m’a fait beaucoup de bien. Ces échanges me donnent aussi envie de faire bouger les choses et que d’autres étudiants puissent se réunir pour faire avancer nos conditions d'études. »
Pour Elodie Lenfant, secrétaire générale en charge des relations presse et de la communication de la FNESI, la précarité ne fait que croître chez les jeunes. Le coût de la vie augmente mais le montant des aides à destination des étudiants stagne voire diminue. « Cette année les frais d'inscription ainsi que de la CVEC ont augmenté pour tous les étudiants, pointe-t-elle. Et les étudiants en soins infirmiers n’ont pas tous accès aux services universitaires. »
- La Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières (FNESI) propose un mail : vosdroits@fnesi.org et un numéro de téléphone ouvert quasi 24h/24 (01 40 33 70 78 ) « Sur 2023/2024, nous avons reçu une dizaine d’appels par jour et une centaine de mails par mois d’étudiants en détresse, en lien avec un mal-être en stage ou avec la précarité, que nous essayons de soutenir et d’orienter », rapporte Elodie Lenfant.
- Le Guide des aides sociales de la FNESI intègre l’ensemble des aides dont peuvent bénéficier les étudiants en soins infirmiers.
- Afin de lutter contre la précarité menstruelle, la FNESI soutient le financement de distributeurs dans les IFSI, en partenariat avec Marguerite & Cie (lien : https://margueriteetcie.com). Si ces distributeurs sont obligatoires dans les universités, les IFSI sont souvent oubliés.
- La FNESI œuvre également à favoriser l’accès aux logements Crous proches de l’IFSI. Il existe aussi le fonds de solidarité pour les logements
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