RENTRÉE EN IFSI

Des coûts d'inscription trop élevés pour les étudiants infirmiers

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Publié le 05/08/2025

Face aux coûts de la rentrée, les inégalités persistent entre étudiants infirmiers et étudiants des autres filières, pointe la Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières, qui appelle à rendre l'universitarisation de la formation plus effective pour les réduire.

étudiante qui révise, fond bleu, livres

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

À l’aube d’une nouvelle rentrée universitaire, le constat de la Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières (FNESI) ne varie pas : chaque année, les coûts inhérents à la reprise des cours, aussi bien en formation socle qu’en formation aux différentes spécialités (anesthésistes, de bloc opératoire, de puériculture, et en pratique avancée) augmentent. Et demeurent toujours supérieurs aux montants que doivent débourser la plupart des étudiants des autres filières. En moyenne, les élèves infirmiers s’acquitteront pour la rentrée de septembre 2025 de 3 034 euros. Mais s'y ajoutent : 

  • pour les ESI en formation socle : 506 euros, soit +8,43% par rapport à 2024.
  • pour les étudiants infirmiers de bloc opératoire : 281 euros, soit +4,18%.
  • pour les étudiants infirmiers de puériculture : 252,85 euros, soit +0,44%.
  • pour les étudiants infirmiers anesthésistes : 227,62 euros, soit +0,11%.

Seuls les étudiants infirmiers en pratique avancée s’en sortent un peu mieux : ils auront à débourser 30 euros de plus, enregistrant ainsi une diminution générale de leurs frais de 5,46%.

Une augmentation des frais d'inscription

Car en plus d’être soumis à des dépenses qui sont communes à l’ensemble des étudiants de l’université, les ESI sont toujours confrontés à des frais spécifiques. D’un côté donc, ils subissent de plein fouet la hausse générale des frais d’inscription – entre +1,71% pour la formation socle et +1,6% pour les étudiants de deuxième cycle – de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC), estimée à +1,9%, soit 105 euros (contre 103 euros en 2024). « Depuis la création de cette contribution étudiante en 2018, elle a subi une augmentation totale de 16,67%. Cette hausse est en contradiction la plus totale avec les reliquats résultant d’une utilisation incomplète des crédits CVEC alloués aux établissements de l’enseignement supérieur et au réseau des œuvres », observe la FNESI. Elle s’appuie ici sur un rapport de la Cour des comptes de mai 2025, qui évaluait à 900 millions d’euros la somme collectée entre 2018 et 2024 au titre de cette contribution. « Les reliquats, qui résultent d’une utilisation incomplète des crédits CVEC, atteignent aujourd’hui 100 M€ », constatait-elle également, appelant à assurer une meilleure gestion de cet argent pour qu’il bénéficie réellement aux étudiants.

Des frais spécifiques qui constituent "un obstacle tangible à l'égalité des chances"

Viennent d’autre part s’y greffer les coûts spécifiques aux études en soins infirmiers : chaussures aux normes hospitalières (53,25 euros en moyenne pour ESI et étudiants IPDE, et 42,25 euros pour EIPA et EIBO, selon le comparatif de la FNESI), matériel (dont pack de kit d’entraînement aux sutures), livres (jusqu’à 193 euros pour les étudiants en formation socle), frais liés aux concours dans les instituts de formation aux spécialités ou encore consultation médicale obligatoire.  Cette dernière est encore à la charge des étudiants, mais sa tarification n’est pas encadrée, entraînant des inégalités selon les territoires. Pourtant la FNESI propose depuis plusieurs années déjà de faire réaliser cette consultation soit par la médecine du travail soit par le service de santé étudiante.

Mais c’est surtout l’achat contraint de tenues qui continue de hérisser la Fédération : 100 euros en moyenne cette année, contre 70 euros en 2024. Au moment de la pandémie, une instruction enjoignait les structures accueillant des étudiants en stage à les leur fournir elles-mêmes et à en assurer l’entretien. mais cette instruction n'étant pas contraignante, nombre d’établissements font encore le choix de les laisser à la charge des étudiants. Avec des conséquences qui ne sont pas que financières : « La non-application de cette instruction contraint les ESI à entretenir leurs tenues à domicile, les exposant à des pathogènes nosocomiaux, avec des risques pour eux-mêmes et leurs familles », et compromettant également la santé des patients, s’agace la FNESI. «Cette pratique illustre la négligence persistante des lieux d’accueil en stage vis-à-vis de la sécurité sanitaire des étudiants et des patients.»

Enfin, elle souligne du reste la persistance de certains frais illégaux (en moyenne 42,55 euros), maintenus dans une trentaine d’instituts de formation en soins infirmiers (IFSI). Il y a toutefois du mieux : elle en recensait 77 lors de son précédent baromètre sur les coûts de la rentrée étudiante… « Ces dépenses, présentées comme nécessaires pour suivre la formation et réaliser les stages, traduisent en réalité une pression financière sur les ESI », tacle-t-elle, soulignant des dépenses imposées qui constituent «un obstacle tangible à l’égalité des chances».

Des indemnités de stage et des bourses insuffisantes 

Parallèlement, les ESI subissent une autre inégalité sous la forme de la rémunération de leur stage. Là où les autres étudiants sont payés 4,35 euros de l’heure, ils ne touchent qu’entre 1,10 euro et 1,70 euro selon qu’ils sont en début ou en fin de cursus, rappelle la FNESI. « Rien ne justifie cette inégalité », fustige-t-elle. « Ces montants sont dérisoires face à la charge de travail et à l’investissement demandé aux étudiant·e·s en sciences infirmières pendant leurs stages. Ces indemnités ne permettent même pas de couvrir les frais de transport, de logement ou de restauration. » Les indemnités kilométriques, elles, ne couvrent toujours pas les frais avancés par les étudiants.

La gestion des bourses à la main des régions (quand elle est nationale pour les autres étudiants), crée une rupture injustifiable : d’un territoire à l’autre, les inégalités explosent, les retards de versement se multiplient.

Reste l’application de la deuxième phase de la réforme des bourses, que la Fédération réclame avec force. Le premier volet, mis en œuvre en septembre 2023, a acté une hausse de 37 euros du montant des bourses et a modifié certains critères d’admission, permettant à 14 000 étudiants supplémentaires d’en bénéficier en 2023-2024. Mais son second volet, qui doit changer structurellement le système de leur attribution, a été repoussé à septembre 2026, après décision de Patrick Hetzel, alors ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (gouvernement Barnier), en novembre 2024. Là encore, les ESI sont défavorisés : la gestion des bourses est encore à la main des régions, quand elle est nationale pour les autres étudiants. « Ce choix politique crée une rupture injustifiable : d’un territoire à l’autre, les inégalités explosent, les retards de versement se multiplient et les démarches deviennent un véritable parcours du combattant », s’émeut la FNESI, qui réclame « des réponses immédiates et concrètes » face à « l’urgence sociale » à laquelle ils sont confrontés. Et celle-ci est d’autant plus grande que François Bayrou, dans la présentation de son budget 2026, réclame près de 5 milliards d’économie à la santé et menace de geler les prestations sociales.  Résultat, près d’un tiers des ESI (32,69%) ont donc été contraints en 2025 de cumuler un emploi avec leurs études, qui s’alourdiront de 400 heures supplémentaires à la rentrée de septembre 2026 au plus tard, pour subvenir à leurs besoins.

Chaque arrêt de formation est une perte irréversible pour le système de santé : ce sont des futur·e·s professionnel·le·s formé·e·s, motivé·e·s et nécessaires qui disparaissent du système de santé. 

L'intégration universitaire comme réponse à ces inégalités

« La précarité agit comme précurseur d’arrêt de formation », alerte en conséquence la FNESI. Au cours de l’année universitaire passée, ce sont près de 7 ESI sur 10 qui ont déjà envisagé d’arrêter la formation, dont 16,49% qui citent directement les difficultés financières comme raison principale. Or, dans un contexte de pénurie de soignants, « chaque arrêt de formation est une perte irréversible pour le système de santé : ce sont des futur·e·s professionnel·le·s formé·e·s, motivé·e·s et nécessaires qui disparaissent du système de santé ».

Les étudiants infirmiers et la profession dans son ensemble a toutefois l’opportunité de résorber une partie de ces coûts obligatoires : la réingénierie de la formation, dont la mise en œuvre est prévue pour septembre 2026. La FNESI se verrait bien profiter de l’occasion pour y inscrire notamment l’obligation pour les établissements de prendre en charge la fourniture et l’entretien des tenues, revaloriser les indemnités de stage et kilométriques, et surtout rendre bien plus effective l’universitarisation de l’enseignement infirmier. Seule « l’intégration universitaire pleine et entière permettra de faire cesser la mise à l’écart des ESI », juge-t-elle en effet, citant à l’appui la formation des IPA : les coûts supportés sont moindres car ces étudiants ont plus facilement accès aux services de l’université. Il y a urgence ; selon la dernière enquête « Bien-être » de la FNESI publiée en mars dernier, 93% des ESI consultés déclaraient être « mentalement épuisés ».


Source : infirmiers.com