Bonjour tout le monde,
Je suis dans un hôpital essentiellement Gériatrique, nous avons un étage entier dédié aux personnes âgées en phase aigue du COVID et trois autres étages partiellement ou totalement convertis en SSR post COVID (patients toujours potentiellement contagieux).
À l'heure actuelle je note enfin une véritable amélioration, nous avons de moins en moins d'admissions pour COVID et presque plus de contaminations...ouf!
Malheureusement, entre la mi-mars et aujourd'hui nous avons vraiment eu chaud:
-Les EPI ont posé et posent encore problème : matériel inadapté, en quantités insuffisantes, informations contradictoires et parcellaires, il y a beaucoup de colère liée à une communication assez catastrophique de l'équipe d'hygiène et d'une partie de notre hiérarchie.
De nombreuses collègues ont été contaminées, heureusement sans formes graves.
À mon niveau j'en veux beaucoup à ma cadre, quand on a une IDE qui est complètement HS à 39,5 et qu'on le sait on ne la laisse pas travailler, COVID ou pas COVID, c'est un coup à contaminer les patients...ça n'a pas loupé.
-La reconversion totale ou partielle d'unités gériatriques généralistes en unités COVID a été difficile dans un premier temps car nous avons été dépassés par la masse de travail, compliquée par le manque de matériel...
Même si je suis dans un service étiqueté SSR nous accueillons aussi des personnes en soins palliatifs et globalement des gens très fragiles, qui nécessitent une prise en charge véritablement adaptée et chronophage, jongler entre tout cela ne fut pas simple.
De plus il a fallu prendre des décisions difficiles concernant certains patients (déambulants, ne pouvant pas respecter les fameux gestes barrières et se mettant donc en danger ainsi que les autres).
Certaines personnes ont donc été contentionnées et/ou sédatées pour éviter la propagation du virus, avec tous les effets négatifs que cela engendre sur l'état général de ces personnes

Je vois mal comment nous aurions pu faire autrement, néanmoins ça a été un cas de conscience.
Beaucoup de stress, beaucoup de fatigue psychique, de soucis pour dormir et couper avec tout ça.
Heureusement, tout n'est pas noir:
-Il y a eu des prises d'initiatives diverses et pertinentes pour s'adapter à une situation dont personne n'avait vraiment l'expérience, les exemples sont très nombreux.
Globalement nos médecins se sont déchiré, notamment notre médecin chef par intérim, toujours sur le pont pour informer les équipes, s'enquérir des difficultés à tous les niveaux, trouver des solutions pour organiser ou ré-organiser, le tout en plus de la prise en charge de ses patients, il s'est surpassé.
Certains cadres ont également déployé des trésors d'ingéniosité pour obtenir du matériel, répondre aux interrogations (et aux peurs) des soignants, alors qu'il s'agissait parfois de remplaçants ne connaissant pas forcément le CH.
-Nous avons également reçu de nombreux renforts IDE/AS, qu'il s'agissent de volontariat ou de réquisitions, et heureusement parce qu'on était en train de craquer.
Ces collègues ont des parcours de toute sorte, parfois très éloignés de la gériatrie (IBODE, puer, pédiatrie, etc) et malheureusement rien n'a été prévu pour les intégrer proprement, au départ elles ont même été baladées d'unité en unité, avant que nous insistions pour les "fixer" autant que faire se peut.
Certaines ont donc assez mal vécu le début de cette période de renfort, allant jusqu'à douter de leurs compétences et de leur capacité à être utiles.
Pour ma part je leur tire mon chapeau, toutes étaient très motivées, désireuses de faire les choses bien et franchement elles ont assuré, vraiment.
-Il y a eu de nombreuses initiatives bienvenues, par exemple, afin de ne pas rompre le contact avec les familles, les ergothérapeutes (en activité réduite depuis le début de la crise) se sont chargées d'organiser des visio-conférences.
Cela peut paraître secondaire mais ce n'est pas du tout le cas, nous avons des personnes très isolées, parfois incapables de se servir du téléphone et très angoissées par l'épidémie (notamment peur de mourir seules, sans avoir pu dire au revoir à leurs proches).
Cette simple idée a vraiment transformé certaines personnes, qui se laissaient totalement aller depuis l'arrêt des visites et ont retrouvé du baume au coeur.
Bref, je retrouve doucement le moral, le sommeil aussi se fait un peu moins agité depuis 2-3 jours, on a enfin une organisation bien rodée et le rythme se ralentit.
Pavé je sais, mais ça fait du bien de se lâcher

J'espère que vous commencez à voir le bout dû tunnel.