Serai-je à ma place ?

[Lenalan]

Tout le monde tourne autour du pot sans le dire clairement, alors je vais m'y coller : les soignants détestent les profs.

Je suis IDE et ma mère est prof, j'ai plusieurs amies profs ou instit, mince alors

[Minerva]

Merci pour ta franchise Wardjig, mais tu sais il n'y a pas que les soignants qui détestent les enseignants

Notre profession est très mal considérée et cela ne s'arrange pas. Les profs qui veulent se reconvertir mettent souvent ce premier argument en avant pour justifier leur envie de se reconvertir. Cela peut prêter à sourire mais je t'assure que c'est une réelle souffrance pour certains d'entre nous.

Dans une soirée, j'évite de dire ce que je fais dans la vie. Les petits sourires, le mépris, les allusions foireuses... non vraiment, j'ai assez donné. Qu'ils viennent dans nos classes et on en reparlera après.

Aujourd'hui, il y a plein d'enseignants qui souhaitent passer un CAP de boulanger, pâtissier... d'artisan. Je pense qu'on a un grand besoin de redonner du sens à notre boulot.

Moi le mien, je n'y crois plus. L'éducation nationale est une vaste fumisterie et je ne veux plus y participer.

[Lenalan]

AS (et IDE mais un peu moins) est aussi très mal considéré. Quand tu dis que tu es AS on te regarde d'un air navré... "ahhh la pauvre, elle lave des culs"

[Minerva]

Et pourtant je ne l'ai pas senti comme tel quand j'étais en stage. Les patients disaient volontiers qu'on faisait un beau métier, difficile, ingrat... certes, mais qu'on avait beaucoup de courage et de mérite !

J'ai vu dans un récent sondage que le métier d'IDE était dans le peloton de tête des métiers les plus respectés par les français AS sans doute moins, mais qui déteste les AS ?

Le boulot de prof je le traîne presque comme une maladie honteuse. Les gens nous méprisent, clairement... et ça peut aller très loin. Les parents agressifs qui nous balancent dans la figure "moi j'ai un vrai boulot ma p'tite dame !" Et encore, ça ça reste soft

[Lenalan]

On ne nous déteste certes pas (quoi que, des fois on en entend de belle), mais métiers extrêmement mal considérés, après 12 ans dans le milieu, je te le confirme à 100%, je pense qu'on est à peu près au même niveau que les profs.

On se fait même parfois taper dessus, et insulter, c'est très courant. Non, on est pas respectés ni très considérés même si les gens dans les sondages disent le contraire. AS encore plus qu'IDE. On inspire souvent la pitié, voire les moqueries ("encore une qui est tellement conne qu'elle n'a pas pu être médecin" quand on est IDE, et "t'es là pour laver ma merde, si j'ai envie de faire à côté des toilettes c'est mon droit" "vous êtes là pour me servir, ne me demandez pas de me laver seule en plus" quand on est AS).
Je ne parle pas du mépris affiché de certains médecins.


Si tu vas vers ce métier pour avoir un peu plus de considération, c'est un très mauvais choix, tu n'auras rien.

[Minerva]

Est-ce que dans tous les services sans exception c'est vraiment ainsi ?

Quand j'étais ESI (il y a donc déjà 10 ans) mon projet était de travailler dans une unité de soins palliatifs. Il est toujours le même aujourd'hui. J'aime les soins de nursing et le relationnel que l'on peut nouer avec les patients. La fin de vie est une thématique qui me parle tout particulièrement.

Je sens que si je n'essaie pas, je vais regretter... Mais j'entends bien les mises en garde et je poursuis ma réflexion.

[Lenalan]

Est-ce que dans tous les services sans exception c'est vraiment ainsi ?

Quand j'étais ESI (il y a donc déjà 10 ans) mon projet était de travailler dans une unité de soins palliatifs. Il est toujours le même aujourd'hui. J'aime les soins de nursing et le relationnel que l'on peut nouer avec les patients. La fin de vie est une thématique qui me parle tout particulièrement.

Je sens que si je n'essaie pas, je vais regretter... Mais j'entends bien les mises en garde et je poursuis ma réflexion.

Je travaille en soins palliatifs depuis 3 mois.... C'est comme ailleurs, ça varie selon les patients qu'on a et leurs familles..... Le manque de considération est partout et personnes dépendant, donc il y a des prises en charge qui se passent bien, et d'autres beaucoup plus difficiles (il y a aussi le problème de la colère des familles quand le patient est en fin de vie avec une prise en charge qu'ils ne comprennent pas malgré les explications, ils ont parfois l'impression qu'on a baissé les bras et qu'on laisse mourir leur parent sans rien faire, et ils tapent sur tout le monde, au sens figuré et parfois au sens propre).

[Jo_bis]

J'ai vu dans un récent sondage que le métier d'IDE était dans le peloton de tête des métiers les plus respectés par les français

ça, c'est une chose.
Une fois malades et hospitalisés, c'en est une autre !

Les parents agressifs qui nous balancent dans la figure "moi j'ai un vrai boulot ma p'tite dame !" Et encore, ça ça reste soft

Imaginez alors les mêmes sur un lit d'hôpital !!

On inspire souvent la pitié, voire les moqueries ("encore une qui est tellement conne qu'elle n'a pas pu être médecin" quand on est IDE, et "t'es là pour laver ma merde, si j'ai envie de faire à côté des toilettes c'est mon droit" "vous êtes là pour me servir, ne me demandez pas de me laver seule en plus" quand on est AS). Je ne parle pas du mépris affiché de certains médecins.

Je suis d'accord à 1000%
A domicile, c'est encore pire, une fois chez eux, ils confondent l'AS avec la femme de ménage.
Je suis régulièrement amenée à me déplacer au domicile pour remettre tout le monde 'd'équerre" !

Conversation :
"Mais c'est nous qui les payons avec nos impôts (alors que beaucoup n'en paient pas)"
"Non madame, c'est la sécurité sociale qui, dans sa grande bonté, assure vos soins à domicile et moi aussi je paie des impôts (et là, pour le coup c'est vrai ! ) "
Là, calme plat...

Si tu vas vers ce métier pour avoir un peu plus de considération, c'est un très mauvais choix, tu n'auras rien.

ça, c'est sûr !!!

[Lenalan]

En EHPAD quand j'étais AS, j'avais pas mal de personnes impolies, alors au bout d'un moment quand on me dit "de l'eau!" je ne bougeais pas et j'attendais. Après 3 ou 4 "de l'eau!" et qu'elles me voyaient les bras croisés elles me disaient "et beh alors, j'ai dis de l'eau!" alors moi je disais "oui je vais vous en donner mais il manque peut-être un s'il vous plait non?" et là on avait la tirade "je vous paie pour que vous me serviez (parfois c'était plus violent: vous êtes mon employée, j'exige que vous me serviez sinon je vous ferai renvoyer)". Phrase qui revenait aussi si on avait le malheur de vouloir maintenir leur autonomie en leur disant que non, on ne leur ferait pas leur toilette au lit vu qu'elles marchent et qu'en plus elles allaient se laver elles-même et qu'on ne ferait que le dos et les pieds. "Je paie, je suis en droit de demander ce que je veux". Je leur disais "mais vous payez avec quoi tout ça?", elles disaient "j'ai une retraite madame, j'ai travaillé toute ma vie", et là je leur disais "vous connaissez le système des retraites en France", elles me répondaient oui, alors je leur disais "donc vous savez que c'est nous qui travaillons qui payons votre retraite, donc c'est une boucle, c'est pas vous qui nous payez, on travaille pour votre retraite vous devriez nous remercier". Bon souvent ça marchait pas, mais la direction nous suivait toujours dans ce genre de problèmes, et souvent elle convoquait résident et famille pour mettre les choses au point (le personnel n'est pas "à leur service" et le but du soin n'est pas de tout leur faire).
Les familles sont pas mal aussi, surtout quand elles sont rongées par la culpabilité d'avoir mis leur parent en institution.......

[Minerva]

Quand je lis vos témoignages, je m'interroge quand même... ne le prenez pas mal, mais... pourquoi continuez-vous dans cette branche ? Certains parmi vous ne se sont plus sentis bien dans leur métier d'AS et continuent malgré tout vers IDE tout en se rendant compte que finalement c'est toujours pareil

Evidemment, on a tous un crédit sur le dos, des enfants... on ne peut pas tout lâcher comme ça... mais quand même... exercer un métier et le détester à ce point... j'ai du mal à comprendre.

Je pense que c'est la société qui est malade. Personne n'a plus aucun respect pour personne, on est dans l'ère de consommation où le client/patient/parent est roi, il pense donc que tout lui est dû. Les notions de politesse et de respect deviennent dépassées, c'est lamentable d'en arriver là.

Enfin bon...

[Lenalan]

Je fais ce métier parce que je ne me vois pas ailleurs que dans un hôpital, j'aime le soin et la plupart du temps on a des moments relationnels positifs avec les patients et leur famille (pour moi c'est plus important que les autres) et surtout je n'ai pas besoin de reconnaissance (que je sois la profession préférée des français ou la plus détestée ça m'est égal, j'aurais pu faire huissier si ça m'avait plu, être aimé ou pas m'importe peu), les insultes et tout le reste me passent bien au dessus et ça ne me mine pas du tout, quand on me dis que je "lave des culs parce que je suis incapable de faire autre chose" ça ne me touche pas du tout, quand on me dit "connasse" ou "------" non plus, quand un médecin me parle comme à un chien j'essaie de faire en sorte de ne pas le prendre pour moi (mais oui ça arrive et des fois j'en pleurerais bien)
L'argent ne peut pas être une motivation non plus vu les salaires, et la profusion de l'emploi ne l'est plus depuis quelques années vu qu'on est touchées de point fouet par le chômage (au 1er novembre je vais pointer au pôle emploi et je n'ai rien en vue)...
Si j'ai fait IDE après AS c'est parce que j'aimais mon métier d'AS mais je n'en pouvais plus de certains aspects et j'étais au bord du burn out. En étant IDE on peut avoir de plus larges horizons notamment en lieu d'exercice et dans la pénibilité (j'étais AS en EHPAD en faisant du travail à la chaine et de l'abattage de toilettes). Mais je suis parfaitement consciente que la vie professionnelle IDE est courte, en moyenne on exerce 8 ans avant de jeter l'éponge, mais encore une fois on peut avoir plusieurs vies dans la vie professionnelles et je vais peut-être pas faire de l'hospitalier toute ma vie, je me laisse quelques temps pour trouver ma voie.

Voilà, je mets toujours en garde ceux qui se lancent là-dedans après une autre vie professionnelle en imaginant que ça va être mieux mais (surtout quand c'est prof, pour moi prof est largement mieux) ce serait une erreur de croire à un el dorado. En étant prof tu as aussi des avantages qu'on a pas: les horaires à la noix, les week-end travaillés, les 5 semaines de congés par an et surtout le salaire largement inférieur je pense (j'ai été AS à 1100€ net/mois pour 2 week-end travaillés).

Quand aux jeunes qui passent le concours dès le bac (ma fille en fait partie cette année ), je leur dis "attention attention, on est très très loin de Nina et Greys' anatomy" .............

[Minerva]

Le problème pour moi est d'arriver à donner du sens à mon métier. Tu vois, c'est un peu comme tous ces gens qui sont payés à bosser derrière un pc et qui finalement passent leur temps sur Internet car ils n'ont rien d'autre à faire...

Dans le cas de ces gens, je préfèrerais "torcher des culs" comme tu le dis, au moins je rendrai les gens propres et peut-être que pour certains (les moins grincheux) je leur apporterai un certain réconfort

Mon métier n'a aucun sens, je me sens inutile, désoeuvrée, au bord de la dépression. Sincèrement. Je n'ai pas été violentée comme certains de mes collègues, "juste" insultée. Mais le pire c'est me dire que mon métier ne sert à rien.

Les gamins suivis à la maison n'ont pas besoin de moi et les autres, on leur fait croire qu'ils auront un avenir, alors que la société n'a rien à leur apporter. Alors, on est obligés de ne plus faire redoubler, de mentir aux parents. On entasse dans des classes à 30, des gamins paumés qui nous foutent un bordel pas possible.

Après quelques années tu ne supportes plus le bruit, même pas celui de tes gosses en rentrant le soir.

Vos conditions sont certainement pires que les nôtres, je ne dis pas, mais vous avez au moins la satisfaction de "servir" à quelque chose.

En tous cas merci pour votre aide, je vais continuer à cogiter avant de prendre ma décision.

[vanille64]

Vos conditions sont certainement pires que les nôtres, je ne dis pas, mais vous avez au moins la satisfaction de "servir" à quelque chose.

attention au film qui trotte dans ta tète sur la satisfaction de servir qui rendrait les soignants heureux de ce qu"il font...
Tu dis être au bord de la dépression et manquer de confiance en toi peut être qu'avant de changer quoi que ce soit il serait intéressant d'aller voir ce qu'elle cache de ton désœuvrement...et de tes besoins inassouvis...
que fais tu de joyeux dans ta vie...

[cosmos]

Eh bien, moi, Minerva, je t'encourage à suivre tes ressentis profonds, et ton envie d'exercer ce métier.

Ne t'occupes pas des dires des autres que tu pourrais entendre ça et là. Ce sera toujours négatif,
mais je te rassure, beaucoup nous disent qu'on fait un beau métier tourné vers l'humain, et c'est ça qu'il faut garder en toi.
Je te sens posée et tu sais ce que tu veux, tu n'es pas née de la dernière pluie et tu sauras toujours quoi répondre aux attaques.

Faire fi des malveillances verbales, comme le fait Lenalan, garder en soi, l'aide qu'on peut apporter, la relation d'humain à humain, et la profonde conviction qu'on fait des choses utiles.

Moi je t'encourage.

(et je ne vis pas au pays des Bisounours !!!! )

[cosmos]

Je viens de me relire, et j'espère que vous aviez compris, qu'en parlant de Lenalan, je voulais dire qu'elle arrive à dépasser les malveillances, à passer au-dessus des impolitesses, ne pas prendre pour elle, etc..
Perso, .j'y arrive également facilement ! c'est une qualité!

(ma phrase pouvait prêter à confusion, excuse-moi Lenalan.. )