Accidents graves de la route, traumatisme sexuel, militaire, agressions… Le Centre Hospitalier de Lille a ouvert au mois de décembre 2024 un hôpital de jour spécifiquement dédié au psychotraumatisme, autour d'une méthode innovante : l'association de plusieurs psychothérapies sur un mode intensif pour des patients qui souffrent de stress post-traumatique.
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Dans l'une des salles de l'établissement, Arnaud Leroy, psychiatre et responsable de l’hôpital de jour REPII du Centre Régional du Psychotraumatisme, échange avec Adéline Serez, l’une des infirmières de l’hôpital. Tous deux discutent du plan de prise en charge du jour pour les trois patients qui se présenteront bientôt. «On a une manière de travailler un peu particulière : on fait un plan avant le début du programme de 15 jours où on décide de ce que l'on va travailler et comment, de quelle scène traumatique on va travailler et puis on l'adapte, on rediscute plusieurs fois par jour pour savoir si on va dans le bon sens. Là du coup, on est en train de rediscuter, pour les trois patients qui sont là et il y a des débats», sourit le psychiatre. C'est lui qui a importé le concept des Pays-bas.
Psychothérapie intensive et rotation des thérapeutes
«Il y a un mouvement global dans le monde, en particulier aux États-Unis et aux Pays-Bas, qui met en avant la psychothérapie intensive pour traiter le psychotraumatisme», explique le médecin, qui s'est rendu aux Pays-Bas et qui en a ramené ce modèle : «Il y a un hôpital de jour et une hospitalisation à temps complet aux Pays-Bas qui montrent des résultats très intéressants, je suis donc allé voir et je suis revenu avec pas mal d'idées, pas mal de concepts qu'on a repris ici, et notamment l'idée de proposer un module de psychothérapie complet sur 2 fois 5 jours, soit deux semaines».
Sur indication d’un médecin psychiatre, les patients volontaires se confrontent à leur traumatisme, accompagnés par une équipe pluri-professionnelle, des infirmiers, des psychologues, des psychiatres ou encore des éducateurs en activité physique adaptée, qui s’engagent à leur côté pendant 15 jours d’un programme particulièrement éprouvant.

Ce côté très adaptatif, quasiment heure par heure, en fonction de l'évolution du patient et notre approche psyco-corporelle, très poussée, sont deux spécificités qui n'existent pas ailleurs.
Une première en France
«Plusieurs psychothérapies sont validées pour le traitement du trouble de stress post-traumatique, mais l'hôpital de jour REPII en utilise plusieurs en même temps», confie Arnaud Leroy : «On fait notre cuisine. On utilise uniquement des ingrédients qui sont reconnus comme efficaces dans le trouble de stress-post-traumatique, mais d'une façon qui est complètement individualisée et adaptée en fonction de l'évolution des patients». Cette nouvelle offre de soins s'adresse notamment à des patients plus complexes pour lesquels la prise en charge en consultation est insuffisante.
L'une des spécificités de la prise en charge s'appuie aussi sur «la rotation des thérapeutes» : «c'est l'idée que le modèle d'un thérapeute qui suit son patient pour toutes les séances, toujours le même, finalement est un modèle qui peut être remis en cause», explique encore le psychiatre responsable de l'unité. À l'hôpital de jour, l'ensemble des soignants prend en soin les patients, sans qu'un thérapeute soit attribué à l'un ou à l'autre. Parfois un peu déstabilisant pour les patients, le concept a malgré tout plusieurs avantages selon l'équipe soignante. Les patients profitent des différentes compétences des thérapeutes (que ce soit les infirmiers, les psychologues, la psychomotricienne...), les soignants ont aussi moins de pression sur les épaules et enfin, le principe permet de partager davantage les pratiques, puisqu'il oblige l'équipe à communiquer énormément, chaque jour, pour garder le fil.
La volonté d'intensifier la prise en soin existe en France, grâce à des hôpitaux de jour, mais ce mode de fonctionnement est une première : «Ce côté très adaptatif, quasiment heure par heure, en fonction de l'évolution du patient et notre approche psyco-corporelle, très poussée, sont deux spécificités qui n'existent pas ailleurs», souligne Arnaud Leroy. Le programme est en effet associé à plusieurs séances d'activités par jour, combinant notamment activité physique, renforcement musculaire ou encore sports de combat.
Le rôle prépondérant des infirmières
Dans cette unité, les infirmières ont un rôle pivot. Elles accueillent et accompagnent le patient tout le long de son parcours de soin, elles assurent la surveillance clinique du patient tout le long du cycle. Elles animent également des ateliers de psycho-éducation. Comme elles sont aussi formées en thérapie, elles participent aux entretiens à visée psychothérapeutique, elles assistent l'éducatrice en activité physique adaptée et administrent les traitements si besoin. «On a aussi la trans-disciplinarité, c'est à dire qu'on a vraiment intégré les savoirs pluri-professionnels, dans la limite de nos compétences, mais ça nous permet d'avoir une vision globale sur des situations complexes et d'accompagner au mieux le patient», précise Adéline Serez. La place qui leur est accordée dans le service relève d'une vision militante, assure Arnaud Leroy. «Avec ce principe de rotation des thérapeutes, on a besoin de personnes qui soient les piliers de l'unité et qui aient une vision globale, ce qui est le cas des infirmières puisqu'elles assurent une continuité des soins. Et d'autre part, au-delà des tâches administratives, elles utilisent des outils thérapeutiques en étant supervisées par des psychothérapeutes, elles sont en capacité de proposer des activités à médiation corporelle sous supervision de la psychomotricienne, elles sont en capacité d'animer des groupes... On a donc vraiment une vision très polyvalente du poste d'infirmière et c'est pour ça qu'elles ont le temps de présence le plus important sur la structure».
Le projet REPII, késaco ?
Porté par le Centre Régional du psychotraumatisme (CRP) Hauts-de-France, ce projet, dénommé REPII, est financé par la Direction Générale de l’Offre de Soins 2023 (DGOS) dans le cadre de l’appel à projet Fond d’Innovation Organisationnel en Psychiatrie (FIOP), pour une durée de 3 ans.
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