«À leur entrée, on s’engage, eux, nous et les parents sur trois mois d’hospitalisation, renouvelables. La plupart du temps, ils restent toute l’année scolaire», explique le docteur Lisa Jeannot, responsable de l’unité de la semaine. «On a souvent des jeunes déscolarisés, qui souffrent de gros troubles anxieux… Ils ont tous en commun d’être repliés chez eux, d’avoir peu d’extérieur et pas d’école ». La participation aux médiations, et notamment à la médication culinothérapie, intervient sur prescription médicale et le projet est discuté en amont en entretien familial, en présence du jeune, en fonction de ses appétences, du stade de sa prise en charge etc. «Un jeune qui n’est pas sorti depuis six mois, on ne va peut-être pas tout de suite l’inscrire à la médiation où il faut aller au marché», sourit le docteur Jeannot.
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De faire une activité en groupe, et de se dire qu’on peut y prendre du plaisir, c’est ce qui fait que cette activité, notamment, est thérapeutique
Médiatiser la relation patient/ soignants
Au marché, les adolescents ont chacun une responsabilité : l'un achète les produits auprès des commerçants, un autre s'occupe du budget, un autre encore suit la recette et barre les produits achetés. Tous ou presque goûtent les produits proposés à la dégustation. On voit toutefois poindre, par moment, un regard angoissé, ou une tentation de retrait. Une jeune fille exprime sa peur de la foule, sa difficulté à attendre dans un endroit bondé. «En tant qu’infirmier, notre rôle est multiple», confie Jonathan, infirmier à l’unité de la semaine, qui accompagne le petit groupe : « Permettre aux ados d’avoir une activité qui améliore leur quotidien, leur permettre de naviguer en groupe, en se disant que le groupe n’est pas menaçant, parce que ce sont des jeunes qui ont tendance à se déscolariser, à se désocialiser. Et donc, faire une activité en groupe, et se dire qu’on peut y prendre du plaisir, c’est ce qui fait que c'est thérapeutique ». Au côté de l'infirmier, Alice Ettouati suit le déroulé des achats pour le menu du jour, un menu italien : bruschetta en entrée, lasagnes et tiramisu aux fraises. «Le principe de la médiation thérapeutique c’est de pouvoir médiatiser la relation patient/ soignants», explique la psychologue, qui encadre cette activité avec l’infirmier. «L’idée c’est de pouvoir leur faire vivre des éprouvés ou de leur faire revivre des éprouvés, des sensations de plaisir, de déplaisir. C’est vraiment ce qu’on recherche à travers cette médiation culinothérapie, qui est une médiation sensorielle : remettre en mouvement la vie psychique».

La culinothérapie, une médiation intéressante par plein d'aspects
Pourquoi la culinothérapie ? Parce que c'est une médiation très complète : on s'attaque au gros morceau qu'est l'alimentation, une fonction instinctuelle comme le sommeil. On a des ados encore une fois très souvent repliés, qui ne mangent plus à table, ce n'est plus du tout un moment de partage, qui mange pas ou peu, toujours la même chose... C'est quand même un symptôme qui revient. Le repas, ce sont trois dimensions importantes : la dimension nutritive. On a des jeunes qui ont souvent des traitements, des traitements dont l'effet principal est la prise de poids, donc reparler de ce que c'est que manger, manger équilibré, manger varié, c'est intéressant en soi. Il y a une dimension sociale au repas, c'est un temps de partage, à toutes les étapes : élaborer le menu, faire les courses, préparer à manger, partager le repas en tant que tel et ça c'est un super support pour les aider à élaborer sur leur récit familial. Enfin, il y a une dimension culturelle au repas. C'est un moyen relationnel central, notamment dans la vie familiale : les recettes qu'on se transmet... Mais c'est aussi un support de différenciation pour les adolescents qui aussi se décalent de la transmission parentale. Tout ça, c'est une manière différente de rencontrer les ados.
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