C'est une petite phrase du ministre délégué à la Réussite scolaire Alexandre Portier, prononcée mercredi 27 novembre au Sénat, qui a fait bondir la communauté éducative et du soin. Alors que le futur programme d'éducation à la sexualité, attendu depuis des mois, fait l'objet d'une offensive des milieux conservateurs, Alexandre Portier est venu porter un coup dur au projet, selon ses défenseurs, en assurant que le texte n'était «pas acceptable en l'état», affirmant notamment que «le militantisme» et «la théorie du genre» n’ont «pas leur place» à l’école.
Bronca générale. La ministre de l'Education Anne Genetet, obligée de se positionner, a dû réaffirmer que «la théorie du genre n'existe pas, elle n'existe pas non plus dans le programme» d'éducation à la vie sexuelle. «Ce programme, je le pilote, et la ligne de ce programme c'est la ligne du ministère, il n'y a pas de théorie du genre dans ce programme», a-t-elle martelé jeudi 28 novembre en marge d'un déplacement à Marcq-en-Baroeul (Nord), dans la banlieue de Lille, sur l'orientation. Plusieurs organisations, comme le Planning Familial et la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), ont également dénoncé la fronde conservatrice contre le futur programme d'éducation à la sexualité, insistant sur son rôle «essentiel» dans la lutte contre les violences sexuelles. «Des voix isolées mais véhémentes se font entendre pour attaquer ce programme et le vider de son contenu, voire pousser le gouvernement à y renoncer», déplore ainsi la Ciivise.
L'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle est une nécessité prévue par la loi de 2001. Elle est un des meilleurs outils de repérage de l'inceste et de prévention de toutes les violences.
Les infirmières scolaires indignées
Le collectif «Pour une véritable éducation à la sexualité», qui regroupe une dizaine d’organisations de la société civile «fortes d’expériences de terrain en matière d’éducation à la sexualité», dont le Syndicat national des Infirmier.es Conseiller.es de Santé - FSU, dénonce à son tour «l’usage de rhétoriques mensongères des mouvements anti droits issus de l’extrême droite visant à empêcher l’aboutissement de ce projet essentiel». Sur le terrain, des infirmières scolaires font d'ailleurs régulièrement les frais de ces campagnes, attaquées sur le contenu de leurs interventions sur l'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle auprès des enfants dans les écoles.
«Ces attaques viennent mettre à mal un travail indispensable, urgent et attendu de longue date. Elles jettent par ailleurs le discrédit sur l’ensemble des acteurs et professionnels qui ont participé à la construction de ce projet éducatif et qui assurent aujourd’hui sur le terrain sa mise en œuvre concrète», souligne le communiqué, diffusé jeudi 28 novembre.
«L'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle est une nécessité prévue par la loi de 2001. Elle est un des meilleurs outils de repérage de l'inceste et de prévention de toutes les violences. Bénéficier d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle, permet d’apprendre le respect de soi et des autres, d’appréhender le consentement, de lutter contre les stéréotypes et toutes formes de violences, de développer son esprit critique, de devenir autonome, d’apprendre à faire ses propres choix» explique le Collectif. «Elle contribue à l’épanouissement et au bien être des élèves, à leur réussite scolaire et à l’apaisement dans les établissements scolaires. Cet enseignement est un préalable essentiel à la construction d’un projet de société égalitaire, sans discriminations et sans harcèlement scolaire. En pleine actualité du procès Pélicot, la nécessité de mettre en œuvre une éducation permettant de prévenir les violences et de mieux repérer les victimes ne devrait plus être à démontrer».
"Qu'une seule ligne, celle du ministère"
Le collectif réaffirme son attachement à la loi de 2001 ( cette loi prévoit qu'«une information et une éducation à la sexualité soit dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d'au moins trois séances annuelles et par groupes d'âge homogène») et «à son application qui n’a que trop tardé, et appelle le gouvernement à revenir sur les propos tenus par son ministre», afin de tenir une ligne ferme et claire. «Il n'y a qu'une seule ligne, c'est celle du ministère», a justement estimé la ministre Anne Genetet, défendant «un programme qui puisse soutenir, accompagner nos enseignants et qui soit totalement clair et transparent».
Annoncé par l'ex-ministre de l'Education Pap Ndiaye et prévu initialement pour la rentrée 2024, ce projet doit être présenté courant décembre aux organisations syndicales. Ce texte, dont la version actuelle n'est pas encore définitive, fait l'objet de concertations depuis le printemps.
A propos du collectif « Pour une véritable éducation à la sexualité »
Ce collectif a été mis en place fin 2022. Il réunit des organisations de la société civile, associations et syndicats, dotées d'expérience de terrain et représentant les différents enjeux de l'éducation à la sexualité auprès des jeunes. Ce collectif est l'auteur du Livre blanc de novembre 2023.
A ce jour, il rassemble les organisations suivantes : ALS – Association de lutte contre le sida et pour la santé sexuelle ; Excision parlons-en ! ; Fédération nationale des CIDFF – Centres d’information sur les droits des femmes et des familles ; Fédération nationale Solidarité Femmes ; IDsanté ; Planning familial ; Sidaction ; StopFisha ; Syndicat national des infirmier(e)s conseiller(e)s de santé FSU. Il est soutenu par Le Crips, la FSU, SNPDEN-UNSA et l’Union syndicale lycéenne.
ÉCOLE
Education à la santé sexuelle : les infirmières scolaires sous haute pression
HOSPITALISATION
L’infirmier "bed manager" au cœur de la gestion des lits
IDEL
Vidéo - "Avec un enfant, il faut savoir être enveloppant"
INTERNATIONAL
Infirmiers, infirmières : appel à candidatures pour les prix "Reconnaissance" 2025 du SIDIIEF