Le Covid long, avec ses symptômes variables qui s’inscrivent dans le temps, déboussole les professionnels de santé et épuisent les patients. Pour mieux le prendre en charge et limiter l’errance diagnostique, le CHU de Rennes a mis en place une unité dédiée qui assure à la fois coordination et offre adaptée de soin.
Une fois sortis de la phase aiguë du Covid, nombreux sont les patients qui continuent d’éprouver certains symptômes persistants, dont la sévérité peut parfois réellement nuire à leur qualité de vie : fatigue importante, toux, essoufflement, tachycardie ou encore troubles cognitifs légers (de la mémoire, de la concentration, des fonctions exécutives)… auxquels s’ajoute un retentissement psychologique (anxiété). Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), qui a émis un certain nombre de recommandations à destination des professionnels de santé pour la prise en charge de la maladie, plus de 20 % des patients manifestaient encore des symptômes plusieurs semaines ou mois après l’infection, et plus de 10 % en étaient encore atteints après 3 mois. Dès lors que ces symptômes persistent au-delà de 4 semaines suivant le début de la maladie, l’Assurance maladie estime que les personnes atteintes souffrent du "Covid long". Ce qui suppose d’imaginer un nouveau type de prise en charge, dans le contexte d’une maladie encore peu connue, et de nouvelles missions pour certaines structures, dont les Plateformes Territoriales d’Appui . Au CHU de Rennes, s’est ainsi ouverte le 20 septembre une unité dédiée au Covid long afin de répondre aux besoins d’information et de soins des professionnels de santé et des patients.
Une mission double
C’est à partir d’un appel à manifestation d’intérêt lancé par l’ARS de Bretagne que s’est montée l’unité. L’objectif était de créer un réseau entre la ville et l’hôpital
afin de répondre aux besoins des médecins généralistes en matière d’orientation de leurs patients, explique le docteur Mélanie Cogné, médecin de Médecine Physique et de Réadaptation (MPR) au sein de l’établissement et responsable de l’unité. Le projet, qui s’est construit en partenariat avec la clinique Saint-Hélier et la polyclinique privée Saint-Laurent, mais aussi avec le concours d’infectiologues et du département de médecine générale de l’université de Rennes, a deux finalités : transmettre des informations aux médecins généralistes sur le Covid long afin qu’ils puissent au mieux diriger leurs patients vers les bons spécialistes en libéral en fonction d’un certain nombre de tests (de la chaise, MoCA*…) et d’évaluations définis en amont avec l’ARS, et prendre en charge les cas les plus complexes. Au sein de l’unité, Claire Le Fresne, infirmière, et Emmanuelle Le Béguec, ergothérapeute titulaire d'un DU de Coordination de soins, occupent des fonctions de coordinatrices au sein de l'unité et se chargent à la fois de répondre aux sollicitations des généralistes et d’orienter les patients pris en charge par le CHU. Par "patients complexes", nous entendons ceux qui ont plusieurs plaintes, dont des plaintes cognitives, et qui ne peuvent pas être pris en charge par les Plateformes territoriales d’appui (PTA)
, explique ainsi l’infirmière. La plupart sont plutôt jeunes et ont encore une activité professionnelle qu’ils n’ont toutefois pas pu reprendre car ils ne peuvent pas assumer une journée de travail en raison d’une fatigabilité importante
. Ils nécessitent une prise en charge pluriprofessionnelle et des professionnels qui se trouvent plus difficilement en libéral, tels que les ergothérapeutes ou les neuropschiatres
, ajoute Emmanuelle Le Béguec.
Une symptomatologie très variable Selon une étude publiée dans la revue Clinical Microbiology and Infection et portant sur une cohorte française, un quart des patients hospitalisés, dont ayant fait une forme sévère de la maladie, présentait encore trois symptômes persistants 6 mois après le diagnostic. Et d’après une étude norvégienne portant sur 312 individus, 52 % des patients âgés de 16 à 30 ans présentaient encore des symptômes 6 mois après dont : • Des troubles ORL (anosmie et agueusie) pour 28 % d’entre eux ; • De la fatigue pour 21 % ; • Une dyspnée dans 13 % des cas ; • Des difficultés de concentration, dans une même proportion ; • Et des troubles de la mémoire pour 11 % des cas. |
Un programme adapté à chacun
Afin de construire les parcours de soin les plus adaptés, les deux professionnelles, qui consacrent 30 % de leur temps de travail à cette unité, ciblent les besoins de chaque patient en amont de la prise en charge. Nous échangeons au préalable par téléphone afin de comprendre son mode de vie, les difficultés qu’il rencontre au quotidien ou au travail, et de noter ses symptômes et ses souhaits
, relate Emmanuelle Le Béguec. Un travail de coordination qui requiert une grande qualité d’écoute, d’autant plus que nombre de ces patients se sont souvent heurtés à des difficultés à faire reconnaître leur maladie. Nous sommes là pour entendre ce qu’ils ont à dire et faire du lien entre tous les professionnels
, insiste Claire Le Fresne. Il faut savoir les écouter afin de bien les orienter et de ne pas les envoyer vers des soins non-pertinents
. Un constat qu’illustre Véronique Robine, première patiente accueillie par l’unité, qui a par deux fois été atteinte du Covid (en mars 2020 puis en novembre) et qui souffre depuis d’importantes séquelles (trouble de l’attention, fatigue, toux persistante…) l’ayant forcée à suspendre son activité professionnelle en novembre 2020. Médecin traitant, cardiologue, pneumologue…, ce n’est qu’après une réelle errance diagnostique que ses symptômes de Covid long ont été pris en charge en janvier 2021 par le docteur Mathieu Revest, responsable médical des maladies infectieuses émergentes au CHU de Rennes, qui l’a ensuite dirigée vers l’unité. Un soulagement
, pour cette enseignante de 63 ans qui avoue s’être sentie rassurée
par le fait d’être écoutée et prise en charge.
Il ne s’agit pas d’intégrer les gens dans des parcours de soin chronique si ce n’est pas nécessaire
Les patients sont ensuite soit directement pris en charge sur le site du CHU, par l’unité Covid long pour les plaintes respiratoires et cognitives (au sein du pôle MPR ou du Centre Santé et Bien-Être) ou par d’autres services de l’établissement (pour les plaintes ORL par exemple), soit orientés vers les établissements partenaires (Saint-Hélier pour les plaintes physiques et/ou cognitives, et Saint-Laurent pour les troubles respiratoires). L’objectif étant de leur proposer un parcours de soin pluriprofessionnel personnalisé : orthophoniste, ergothérapeute et neuropsychologue pour les plaintes cognitives, kinésithérapeute et enseignants en Activité Physique Adaptée (APA) pour les plaintes physiques. Nous proposons un réentraînement à l’effort avec des exercices adaptés
pour les secondes, détaille Mélanie Cogné, et pour les premières, une rééducation analytique des troubles et un apprentissage de techniques de réadaptation au nouvel environnement cognitif. Nous associons à cela un soutien psychologique grâce à une psychologue présente dans l’unité.
Le programme s’inscrit dans une durée de 4 semaines, à raison de 3 demi-journées par semaine, témoigne Véronique Robine, pour des séances de 45 minutes. Lors des séances d’APA, on me demandait par exemple de donner un maximum de noms d’animaux tout en marchant afin de coordonner activité physique et intellectuelle.
À la sortie du programme, le CHU assure le relais du suivi avec les libéraux ainsi que la continuité des consultations en fonction des besoins de chaque patient : Il ne s’agit pas d’intégrer les gens dans des parcours de soin chronique si ce n’est pas nécessaire
, souligne Mélanie Cogné. Et côté patient, on apprécie cette prise en charge individualisée qui, bien que très récente, contribue à améliorer l’état de santé. J’ai l’impression que je vis mieux depuis que je suis passée par l’unité. Je sens les progrès que j’ai pu faire
, confirme Véronique Robine qui, si elle n’a pas encore pu reprendre son activité professionnelle, a renoué au quotidien avec l'activité physique.
Des évolutions à prévoir
Mis en place récemment, le programme est amené à évoluer, notamment en fonction des retours des patients et des connaissances sur le virus et ses conséquences. Tout n’est pas figé, car nous commençons tout juste cette prise en charge
, note ainsi Claire Le Fresne, par ailleurs titulaire d'un DU d'éducation thérapeutique du patient. Nous sommes donc très à l’écoute des retours de nos patients.
Des ateliers d’ETP seront inclus au programme ; ils porteront essentiellement sur la gestion de la fatigue et sur une meilleure compréhension du fonctionnement cognitif. L’ETP permettra non seulement de prendre en charge plus largement le patient dans sa globalité et de faire du lien – même si celui-ci existe déjà – entre lui et les professionnels, mais également de renforcer le travail en groupe. Cela apportera davantage de suivi
, précise l’infirmière. Un travail en groupe qui est essentiel, car il autorise l’adaptation des parcours de soin mais aussi car, dans le contexte d’une maladie nouvelle comme le Covid-19, il nourrit les échanges et la réflexion sur les thérapies utilisées. Nous appliquons actuellement des méthodes de rééducation qui sont propres à la prise en charge d’autres pathologies, tout en gardant un œil sur l’évolution des connaissances sur le Covid. Il n’y a pour l’instant pas encore de publication sur la rééducation cognitive au Covid long
, témoigne Mélanie Cogné. Le fait d’échanger nous permet d’avancer et de proposer la meilleure prise en charge possible.
*Montreal Cognitive Assessment : Test utilisé pour repérer les troubles cognitifs, aussi bien dans le dépistage de la maladie d’Alzheimer que dans les troubles dépressifs ou du sommeil.
Audrey ParvaisJournaliste audrey.parvais@gpsante.fr
ÉCOLE
Education à la santé sexuelle : les infirmières scolaires sous haute pression
HOSPITALISATION
L’infirmier "bed manager" au cœur de la gestion des lits
IDEL
Vidéo - "Avec un enfant, il faut savoir être enveloppant"
INTERNATIONAL
Infirmiers, infirmières : appel à candidatures pour les prix "Reconnaissance" 2025 du SIDIIEF