ENTRETIEN

Jérémy Guy : «Ce n’est pas parce qu’on n’a pas fait médecine qu’on n'a pas réussi notre vie»

Publié le 11/07/2025

Infirmier anesthésiste, influenceur et vulgarisateur en santé, Jérémy Guy s’est fait connaître grâce aux « Minutes de Jérémy » sur YouTube et Instagram. Il y partage ses conseils notamment en ce qui concerne les gestes d’urgence. A 29 ans, il a exploré le monde hospitalier et travaille aujourd’hui de nuit au SMUR. S’il n’avait qu’un message à faire passer, c’est que les infirmières et les infirmiers sont capables de faire de grandes choses en autonomie.

Jérémy Guy

Jérémy Guy

 

Quelles sont les étapes fortes qui ont jalonné votre parcours professionnel ?

J’ai intégré un IFSI en Bretagne directement après un bac scientifique. J’ai obtenu mon diplôme en 2017 et suis venu travailler aux urgences pédiatriques de l’hôpital Necker à Paris avant de changer de service pour la réanimation pédiatrique. En septembre 2020, autrement dit pendant le Covid, j’ai commencé ma formation pour devenir IADE. J’ai été diplômé     en 2022 et depuis j’ai une activité mixte au SMUR, à la fois adulte et pédiatrique. A côté de cela, depuis 2020, je dispense également des formations autour de la santé. Je collabore tout particulièrement avec Pratico Santé, un organisme fondé par deux infirmiers. Mes cours portent sur le métier d’infirmier en réanimation, sur celui d’infirmier d’accueil d’orientation aux urgences pédiatriques mais aussi sur la salle de naissance avec la réanimation du nouveau-né, etc.

J’ai créé ma chaîne YouTube, avec l’objectif de transmettre les gestes de premiers secours. C’est un de mes chevaux de bataille parce qu’en France, la population y est globalement assez mal formée. 

Vous avez écrit un livre, vous avez lancé « @les-minutes-de-Jerem » sur Instagram : qu'est-ce qui vous a donné envie de communiquer avec le public ?

Je fais de la vidéo depuis des années et, durant mon enfance, j’ai été biberonné à l’émission «C’est pas sorcier». Je me suis dit qu’il n’y avait pas d’équivalent pour la santé et j’avais envie, à côté de mon travail, de faire quelque chose pour moi. Et puis tout cela est aussi venu d’une frustration que j’ai pu ressentir aux urgences pédiatriques. Le plus souvent face à des parents très mal informés sur l’état de santé de leur enfant et sur les premiers réflexes à avoir face à différents accidents du quotidien. Partant de ce constat et de cette frustration, j’ai créé ma chaîne YouTube, avec l’objectif de transmettre les gestes de premiers secours. C’est un de mes chevaux de bataille parce qu’en France, la population y est globalement assez mal formée. 
Au-delà de désengorger les urgences, l’idée est essentiellement de maximiser les chances de survie des individus. 

D’où vous vient l’énergie pour mener tous ces projets de front ? 

J'adore mon métier mais, sans cette transmission au public, il m’aurait manqué cet aspect créatif. Dans le cadre de mon métier, que j’exerce dans l’univers hospitalier, je subis beaucoup de contraintes - et c’est tout à fait normal -, je ne peux pas faire ce que je veux. Avec ma chaîne YouTube et Instagram, personne ne me dit quoi faire et c’est très motivant ! Cela donne une autre facette à ma vie professionnelle tout simplement. 

Il faut développer encore plus la pratique avancée pour donner d’autres opportunités de carrière aux infirmiers.

Vous êtes au cœur de l'action. Alors, de quelle façon pensez-vous que l’on pourrait améliorer la situation dans les hôpitaux ?

C’est une vaste question qui implique différents facteurs. Je pense tout d’abord à l’aspect qualité de vie au travail. Les conditions dans lesquelles nous exerçons à l’hôpital sont très aléatoires et dépendent de chaque hiérarchie. Les cadres de proximité ont une grande influence sur nos journées et sur le climat managérial. C’est quelque chose dont on parle peu mais la qualité de vie ne consiste pas seulement à mettre en place des ateliers de massage. Les professionnels s’en fichent. En revanche, que leur hiérarchie s’intéresse au développement de leur carrière, à leurs ambitions et à leur vie de famille, compte davantage. Ensuite, avec la loi infirmière les choses devraient évoluer d’elles-mêmes. 
Pour participer au maillage de l'offre de soins sur le territoire, il va bien falloir admettre, en 2025, que la solution ne réside pas uniquement dans le fait de former davantage de médecins. Nous n’avons pas les moyens de le faire. Il faut développer encore plus la pratique avancée pour donner d’autres opportunités de carrière aux infirmiers. Cela permettra d'attirer plus de monde vers ce secteur, vers les spécialités et les mentions. Même si de nombreux freins subsistent encore, c’est heureusement ce qui est en train de se passer. 

Quels sont vos projets pour les années à venir ? 

J’en ai plein, reste à les concrétiser ! J'aimerais bien consacrer un peu plus de temps à la formation, avec un temps dédié à cela dans mon travail. Je ne m’arrêterais jamais de travailler à l'hôpital parce que cela me nourrit au sens propre et figuré mais cumuler le SMUR de nuit, les réseaux sociaux et la formation est parfois un peu compliqué. Dans quelques années, le métier de cadre formateur pourrait aussi éventuellement m’attirer. 

Il faut se débarrasser de ce fameux syndrome de l’imposteur qui a tendance à coller à la peau des infirmiers.

Avez-vous des conseils à donner à des infirmiers en devenir tout juste diplômés de l’IFSI ?

Oui. Nous avons la chance avec ce diplôme de pouvoir exercer un tas de métiers différents. C’est la grande force de nos études. Au cours des trois ans d’IFSI, on ne perçoit qu’une partie de tout ce qui nous est ouvert avec le diplôme. Malgré les stages obligatoires qui permettent essentiellement d’explorer le monde hospitalier, on ne découvre pas le métier d’infirmier scolaire, d’infirmier en milieu pénitentiaire, d’infirmier de santé publique, d’infirmier du travail, etc. Et puis, si l’on souhaite poursuivre ses études, en plus des trois spécialités (IBODE, IADE et puéricultrice), il y a plein de mentions IPA, que ce soit en pathologies chroniques stabilisées, santé mentale, urgences, cancérologie, etc., et bien d’autres qui devraient arriver si l’on en croit la récente loi infirmière. Au-delà du soin, il y a la possibilité de devenir directeur d'hôpital, cadre de santé, formateur, etc. En bref, une panoplie de manières d’exercer le métier. 
Si je devais donner un ultime conseil, ce serait de se débarrasser de ce fameux syndrome de l’imposteur qui a tendance à coller à la peau des infirmiers.

Que voulez-vous dire ?

Que ce soit durant nos études ou pendant nos premières années en tant que professionnels, on nous fait sentir – et tout particulièrement en France -, que nous ne sommes pas au sommet de la pyramide du soin. On se situe plutôt en bas de l’échelle hiérarchique. Ce qui fait qu’aujourd’hui encore, on a parfois du mal à prendre notre envol en tant que professionnel. C’est dommage car on a suffisamment montré que les infirmiers étaient capables de faire des choses seuls, en autonomie. On n’a plus à rougir d’accomplir des choses en tant qu'infirmier. Ce n’est pas parce qu’on n’a pas fait médecine qu’on n'a pas réussi notre vie. C’est un message que je voudrais transmettre aux futurs infirmiers : on est capable de grandes choses seuls ! 

Bio express de Jérémy Guy
- 2014 : bac scientifique
- 2017 : diplômé d’un IFSI breton, il intègre les urgences pédiatriques de l’hôpital Necker à Paris
- 2019 : Lancement des réseaux sociaux “Les Minutes de Jérémy”     
- 2020 : démarre son activité de formation 
- 2022 : obtient son diplôme d’IADE     
- 2023 : diplôme de formateur en simulation
- 2024 : parution de son livre « Urgences : Le Bon geste au bon moment »
- 2025 : intégration de la Société Française de Médecin d’Urgence, obtention d’un DIU de Pédagogie en Sciences de la Santé

Retrouvez Les Minutes de Jéremy sur Youtube : https://www.youtube.com/@lesminutesdejeremy et Instagram : @lesminutesdejerem
 
A lire : Urgences : le bon geste, au bon moment, de Jérémy Guy, éd. Solar, 224 p., 17,90€.

Élise Kuntzelmann

Source : infirmiers.com