«J'ai le plaisir et l'honneur de rapporter devant vous ce matin une proposition de loi sur les infirmières que nous attendions depuis bien longtemps et qui me tient particulièrement à coeur au vu de mon parcours professionnel*». C'est ainsi que la rapporteure de la loi, Nicole Debré-Chirat, a entamé son discours devant la commission des Affaires sociales, au côté du président Frédéric Valletoux, co-auteur du texte.
Nicole Debré-Chirat a rappelé le rôle essentiel des «650 000 professionnels en activité» qui se trouvent «tous les jours auprès du patient, que ce soit à domicile ou en établissement», soulignant au passage que la population était très largement (à hauteur de 85%) favorable à l'extension des missions des infirmiers. Malgré tout, le mal-être est grand au sein de la profession : si le métier d'infirmier attire beaucoup de jeunes (c'est notamment la formation la plus sollicitée sur Parcoursup), les abandons sont nombreux (20% au cours des études), sans parler de ceux qui quittent le métier après quelques années de carrière. Le constat est bien connu : conditions de travail pénibles, salaires bas, manque de reconnaissance.

«Les infirmiers doivent en permanence trouver des modalités pour s'extraire du carcan du décret d'actes»
«La profession est régie par un décret d'actes qui énumère de façon limitative tout ce qu'ils sont autorisés à accomplir dans l'exercice de leur fonction», a rappelé Nicole Debré-Chirat, évoquant un décret «rigide», «rarement actualisé» et «peu en phase aujourd'hui avec les besoins de soins». (...) «Les infirmiers doivent en permanence trouver des modalités pour s'extraire du carcan du décret d'actes (délégations officieuses d'actes médicaux, prescriptions régularisées a posteriori, des cotations d'actes techniques divers faute de pouvoir valoriser des consultations qui ne disent pas toujours leur nom)», a réexpliqué la rapporteure du texte. Ces efforts déployés quotidiennement par les infirmiers pour exercer leur mission alimentent fortement «le sentiment de manque de reconnaissance et la faible attractivité du métier».
L'urgence de faire évoluer le cadre juridique
«C'est la raison pour laquelle il faut faire évoluer ce cadre juridique», a-t-elle défendu, énumérant les avancées du législateur : «l'extension des compétences infirmières a été voté pour la vaccination, pour les prescriptions de dispositifs médicaux, pour les renouvellements de prescription» par exemple. «Nous avons aussi voté pour les bilans de prévention, les protocoles de coopération afin de permettre des délégations de tâches dans un cadre sécurisé. Sans oublier la mise en oeuvre des IPA».
Pourtant, la logique du décret d'actes n'a jamais été remise en question. «Désormais, il nous faut définir ce qui fait l'essence et l'unité du métier infirmier, quelles sont ses grandes missions et faire découler de cette définition une évolution du référentiel de compétences et de la nomenclature des actes tarifés», a affirmé Nicole Debré-Chirat, martelant qu'il ne s'agissait à aucun moment «de concurrencer les médecins dans leur champ de compétences», une peur exprimée à plusieurs reprises par les intéressés.
Evitez d'alourdir le texte car les représentants infirmiers aspirent à ce qu'il soit le plus général, le plus large et le plus efficace possible
L'article 1 de la loi : quatre grandes missions
La proposition de loi identifie 4 grandes missions, comme l'a observé Nicole Debré-Chirat : «les soins infirmiers (préventifs, curatifs, palliatifs, relationnels) et leur évaluation, la contribution à la prévention et à la promotion de la santé et l'éducation thérapeutique, la contribution à la coordination des parcours de soin, la formation des étudiants et la recherche en soins infirmiers. Par ailleurs, l'article 1 ancre dans la loi deux notions qui revêtent une nécessité pour la profession : la consultation infirmière et l'existence d'un droit de prescription de l'infirmière pour l'exercice de sa profession. (ceci sera décliné au niveau réglementaire). La rédaction de cet article est synthétique et générale pour éviter les écueils du précédent texte. Cela appellera un travail important de déclinaisons au niveau réglementaire et conventionnel. Dans un deuxième temps, il faudra réévaluer et repréciser les référentiels de compétence inhérents à ces nouvelles missions en lien avec la réingénierie de la formation qui est en cours et dans un troisième temps, la nomenclature des actes infirmiers et leur tarification devront être vus en lien avec la caisse d'Assurance Maladie». Le chemin à parcourir est donc assez long, ce qui justifie, a-t-elle encore avancé, de passer la vitesse supérieure dans le vote de ce texte, demandant à son audience «d'éviter d'alourdir le texte» car «les représentants infirmiers aspirent à ce qu'il soit le plus général, le plus large et le plus efficace possible».
Je pense que nous pouvons nous entendre sur cette proposition de loi, dont l'écriture est pondérée et qui est d'une impérieuse nécessité pour les infirmiers et les infirmières
L'article 2 : sur la pratique avancée et les spécialités infirmières
L'article 2 porte, lui, sur la pratique avancée et les infirmiers spécialisés (IBODE, IADE et puéricultrices). «Tout le monde reconnait la compétence de ces infirmiers qui ont un grade Master», a souligné Nicole Debré-Chirat. «Quant aux infirmières spécialisées, elles aspirent à ce que l'on reconnaisse une forme de pratique avancée dans leurs actes et à ce qu'on fasse évoluer leur profession pour développer cette pratique. Il faut accompagner cette aspiration, pour autant, nous devons être vigilants à ne pas fragiliser le statut des IPA, des professionnels avec des compétences transversales, de responsabilités élargies, dotés d'un pouvoir de prescription, et de consultation en accès direct. Ils sont appelés à jouer un rôle important dans la coordination des parcours de soin sur le territoire, en lien avec les médecins généralistes». Et la rapporteure de conclure : «Je pense que nous pouvons nous entendre sur cette proposition de loi, dont l'écriture est pondérée et qui est d'une impérieuse nécessité pour les infirmiers et les infirmières».
Changement de paradigme
Après une séance de questions relativement consensuelles, Stéphanie Rist a pris la parole pour évoquer une proposition de loi «qui vient en complémentarité de celles qu'elle a pu porter ( la loi Rist, adoptée le 11 mai 2023, a ouvert l'accès direct à certains professionnels de santé paramédicaux) et qui permettent progressivement, une modification de notre organisation, à la fois de la structure des soins et de la culture des soins dans notre pays, jusque-là structurée sur un monopole médical», a-t-elle salué.
«Plus que jamais nous ne pouvons pas nous permettre de gâcher les compétences de professionnels à l'heure où l'accès aux soins est compliqué. N'ayons pas peur !», a lancé Stéphanie Rist. «Bien sûr le médecin reste évidemment au centre de la prise en charge mais n'est plus forcément le premier à voir le malade. Les professionnels ont besoin de cette loi et de notre confiance». Le texte passera en séance publique à l'Assemblée Nationale le 10 mars prochain.
Retrouvez ici la vidéo des débats et ici le texte de loi.
* Nicole Dubré-Chirat a été cadre supérieure de santé dans la fonction publique hospitalière, exerçant pendant 14 ans en service d’urgences et au SAMU, puis en bloc opératoire. Elle a également été chargée de formation à destination des personnels infirmiers, dans les instituts pour le développement professionnel continu en secteurs public et privé. Elle a également présidé le Conseil interdépartemental de l’Ordre des infirmières pour le Maine-et-Loire, la Mayenne et la Sarthe, de 2008 à 2017.
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