L’intérim est «un symptôme, pas une déviance.» Dans un communiqué, le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) s’agace de ce qu’il perçoit comme une tentation de culpabiliser les soignants qui choisissent ce mode d’exercice, alors qu’il est l’une des conséquences d’un problème beaucoup plus structurel. À savoir les difficultés que l’hôpital public rencontre pour attirer et fidéliser ses personnels. Salaires bas et qui n’évoluent que peu, surcharge de travail, verticalité de la gouvernance, voire maltraitance institutionnelle, évolution de carrière peu enthousiasmante… Les conditions d’exercice au sein des structures sont telles que l’intérim apparaît, avec sa souplesse et son salaire majoré, comme une «alternative» capable de redonner du souffle aux jeunes professionnels. Et en face, les établissements ne peuvent pas faire sans ces infirmiers intérimaires, alors qu’ils peinent encore à combler les postes vacants dans leurs équipes
Une contrainte qui ne résout rien
Le communiqué du SNPI se veut en réalité une réponse à la volonté du gouvernement de limiter le recours aux intérimaires, qui pèse sur les finances des hôpitaux car ils sont mieux rémunérés que les professionnels titulaires. Depuis juin 2024, un décret oblige en effet les professionnels de santé, dont infirmiers, à exercer 2 ans avant d’avoir accès à l’intérim. S’ils y contreviennent, établissements, professionnels et entreprises de travail temporaire s’exposent d’ailleurs à des sanctions. Avancée comme un moyen de stabiliser les équipes et d’assurer la sécurité des soins, la mesure n’a pas eu les résultats escomptés. «18 mois après, le constat est clair : la pénurie demeure, les jeunes continuent de quitter l’hôpital, et les services restent en grande fragilité», juge le syndicat. Elle a au contraire démontré «qu’une restriction, lorsqu’elle ne s’accompagne d’aucun effort sur l’attractivité ou les conditions de travail, ne peut produire que des effets limités.»
Un jeune infirmier n’est pas un débutant absolu. Il sort d’un cursus structuré comprenant 60 semaines de stages, la moitié de sa formation
Il y a d’abord ce paradoxe : celui qui voudrait qu’un infirmier tout juste diplômé ne soit pas apte à effectuer correctement son travail comme intérim mais qu’il puisse pourtant être affecté directement à un service de réanimation par exemple. «Un jeune infirmier n’est pas un débutant absolu. Il sort d’un cursus structuré comprenant 60 semaines de stages, la moitié de sa formation, au cœur des services de médecine, de chirurgie, de psychiatrie, d’urgences ou de soins critiques», martèle le SNPI. Le professionnel est certes «novice au sens de l’expérience, mais professionnellement opérationnel», ce que reconnaît l'État en lui délivrant son diplôme. «Si la compétence est jugée suffisante dans les contextes les plus exigeants, elle ne peut être considérée insuffisante ailleurs», ironise-t-il.
Renforcer l'attractivité et la professionnalisation de la profession
Et il y a ensuite la situation des hôpitaux. Contraints de limiter les personnels intérimaires, ils ont dû mettre en place d’autres solutions pour combler les trous : essor des vacations, recours accru aux contrats courts, multiplication des ajustements locaux. La contrainte n’a finalement rien résolu et stabilité et cohérence des équipes ne sont pas plus garanties.
Au lieu de multiplier les règles, il vaudrait bien mieux assurer l’attractivité du métier infirmier pour fidéliser les personnels. En versant des salaires à la hauteur des responsabilités assumées. En assurant des conditions de travail dignes. En reconnaissant réellement l’expertise clinique. Ou encore en imposant des ratios patients/soignant, liste le SNPI. Concernant cette dernière proposition, une loi a été votée par l’Assemblée nationale en janvier dernier, qui demande à la Haute autorité de santé (HAS) de se prononcer d’ici 2027 sur les ratios à appliquer en fonction de chaque champ du soin. Enfin, le SNPI défend de nouveau son idée d’instaurer une quatrième année de formation initiale pour les étudiants infirmiers, également soutenue par le Conseil national professionnel infirmier. Elle «ancrerait la montée en responsabilité, développerait l’autonomie clinique, sécuriserait les pratiques et valoriserait enfin l’expertise infirmière. Elle renforcerait la sécurité des soins sans enfermer les jeunes diplômés dans des dispositifs rigides qui ne répondent ni à leurs besoins ni à ceux des patients», plaide-t-il en conclusion.
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