RECRUTEMENT

Limiter le recours à l'intérim est une impasse, estime le SNPI

Publié le 17/12/2025

Présentée comme un moyen de stabiliser les équipes, la loi restreignant le recours à l'intérim, exigeant 2 ans d'expérience pour y avoir accès, n'a produit aucun des résultats attendus, dénonce le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI).

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Crédit photo : BURGER / PHANIE

L’intérim est «un symptôme, pas une déviance.» Dans un communiqué, le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) s’agace de ce qu’il perçoit comme une tentation de culpabiliser les soignants qui choisissent ce mode d’exercice, alors qu’il est l’une des conséquences d’un problème beaucoup plus structurel. À savoir les difficultés que l’hôpital public rencontre pour attirer et fidéliser ses personnels. Salaires bas et qui n’évoluent que peu, surcharge de travail, verticalité de la gouvernance, voire maltraitance institutionnelle, évolution de carrière peu enthousiasmante… Les conditions d’exercice au sein des structures sont telles que l’intérim apparaît, avec sa souplesse et son salaire majoré, comme une «alternative» capable de redonner du souffle aux jeunes professionnels. Et en face, les établissements ne peuvent pas faire sans ces infirmiers intérimaires, alors qu’ils peinent encore à combler les postes vacants dans leurs équipes

Une contrainte qui ne résout rien

Le communiqué du SNPI se veut en réalité une réponse à la volonté du gouvernement de limiter le recours aux intérimaires, qui pèse sur les finances des hôpitaux car ils sont mieux rémunérés que les professionnels titulaires. Depuis juin 2024, un décret oblige en effet les professionnels de santé, dont infirmiers, à exercer 2 ans avant d’avoir accès à l’intérim. S’ils y contreviennent, établissements, professionnels et entreprises de travail temporaire s’exposent d’ailleurs à des sanctions. Avancée comme un moyen de stabiliser les équipes et d’assurer la sécurité des soins, la mesure n’a pas eu les résultats escomptés. «18 mois après, le cons­tat est clair : la pénu­rie demeure, les jeunes conti­nuent de quit­ter l’hôpi­tal, et les ser­vi­ces res­tent en grande fra­gi­lité», juge le syndicat. Elle a au contraire démontré «qu’une res­tric­tion, lorsqu’elle ne s’accom­pa­gne d’aucun effort sur l’attrac­ti­vité ou les condi­tions de tra­vail, ne peut pro­duire que des effets limi­tés

Un jeune infir­mier n’est pas un débu­tant absolu. Il sort d’un cursus struc­turé com­pre­nant 60 semai­nes de stages, la moitié de sa for­ma­tion

Il y a d’abord ce paradoxe : celui qui voudrait qu’un infirmier tout juste diplômé ne soit pas apte à effectuer correctement son travail comme intérim mais qu’il puisse pourtant être affecté directement à un service de réanimation par exemple. «Un jeune infir­mier n’est pas un débu­tant absolu. Il sort d’un cursus struc­turé com­pre­nant 60 semai­nes de stages, la moitié de sa for­ma­tion, au cœur des ser­vi­ces de méde­cine, de chi­rur­gie, de psy­chia­trie, d’urgen­ces ou de soins cri­ti­ques», martèle le SNPI. Le professionnel est certes «novice au sens de l’expé­rience, mais pro­fes­sion­nel­le­ment opé­ra­tion­nel», ce que reconnaît l'État en lui délivrant son diplôme. «Si la com­pé­tence est jugée suf­fi­sante dans les contex­tes les plus exi­geants, elle ne peut être consi­dé­rée insuf­fi­sante ailleurs», ironise-t-il.

Renforcer l'attractivité et la professionnalisation de la profession

Et il y a ensuite la situation des hôpitaux. Contraints de limiter les personnels intérimaires, ils ont dû mettre en place d’autres solutions pour combler les trous : essor des vaca­tions, recours accru aux contrats courts, mul­ti­pli­ca­tion des ajus­te­ments locaux. La contrainte n’a finalement rien résolu et stabilité et cohérence des équipes ne sont pas plus garanties.

Au lieu de multiplier les règles, il vaudrait bien mieux assurer l’attractivité du métier infirmier pour fidéliser les personnels. En versant des salaires à la hauteur des responsabilités assumées. En assurant des conditions de travail dignes. En reconnaissant réellement l’expertise clinique. Ou encore en imposant des ratios patients/soignant, liste le SNPI. Concernant cette dernière proposition, une loi a été votée par l’Assemblée nationale en janvier dernier, qui demande à la Haute autorité de santé (HAS) de se prononcer d’ici 2027 sur les ratios à appliquer en fonction de chaque champ du soin. Enfin, le SNPI défend de nouveau son idée d’instaurer une quatrième année de formation initiale pour les étudiants infirmiers, également soutenue par le Conseil national professionnel infirmier. Elle «ancre­rait la montée en res­pon­sa­bi­lité, déve­lop­pe­rait l’auto­no­mie cli­ni­que, sécu­ri­se­rait les pra­ti­ques et valo­ri­se­rait enfin l’exper­tise infir­mière. Elle ren­for­ce­rait la sécu­rité des soins sans enfer­mer les jeunes diplô­més dans des dis­po­si­tifs rigi­des qui ne répon­dent ni à leurs besoins ni à ceux des patients», plaide-t-il en conclusion.

La Rédaction d'Infirmiers.com

Source : infirmiers.com