Création d'une «consultation infirmière», «diagnostic infirmier», droit de «prescription» : ce texte doit donner un cadre à la refonte du métier et «améliorer la reconnaissance» des quelque 640 000 professionnel(les) en activité, qui «dans notre système de soins régi par le monopole médical, se sentent souvent un peu oubliés, empêchés d'exercer pleinement leurs compétences», expliquait la rapporteure EPR Nicole Dubré-Chirat devant la commission des Affaires sociales, mercredi 5 mars. Or dans ce système centré depuis longtemps sur les médecins, les termes sont importants. Rien d’étonnant, de fait, à ce que les uns et les autres bataillent à leur sujet.
"Consultation infirmière", "diagnostic infirmier" : des notions qui dérangent
Evolution attendue, mais très critiquée par les syndicats de médecins justement, le texte crée la «consultation infirmière» et la notion de «diagnostic infirmier», termes traditionnellement réservés aux professions médicales. Il donne encore aux infirmières l'autorisation de «prescrire» certains produits dont la liste sera définie par arrêté. Or, si la consultation médicale est bien ancrée dans les têtes et que chacun sait de quoi il retourne, la consultation infirmière semble devoir encore être expliquée et cette (relativement nouvelle) terminologie comprise par tous.
«Nous demandons que la consultation infirmière soit explicitement inscrite dans la loi et que l'accès direct à cette consultation soit facilitée, notamment concernant les plaies et cicatrisations, mais ce peut être aussi la perte d'autonomie ou d'autres sujets, qui sont des sujets de santé publique et qui sont partie prenante de notre rôle propre. C'est ce que nous avions demandé au départ et c'est que nous avons à nouveau porté», a rappelé Sylvaine Mazière-Tauran, présidente de l'Ordre national infirmier, dans le contexte de tensions autour de cette notion, centrale dans l'article 1 du projet de loi. Dans les rangs infirmiers, on s'agace d'ailleurs de ces ronds de jambes autour de la reconnaissance des termes.
Reconnaître des termes "qui appartiennent à la profession"
Pour la présidente de l'Ordre, il s'agit surtout d'officialiser un état de fait. «C'est d'autant plus équivoque que depuis de nombreuses années, et dans de nombreux plans de santé publique, on donne un rôle de consultation aux infirmières... Quand on met dans le plan cancer une consultation des infirmières dans le dispositif d'annonce pour qu'elles réexplicitent au patient son diagnostic, qu'elles aident ce patient à comprendre comment va se dérouler son plan de soins, etc, c'est une notion qui existe. Quand dans le plan Alzheimer, on donne un rôle aux infirmières notamment d'accompagnement et de consultation des aidants pour les soutenir dans la compréhension de la maladie et des effets sur la vie du patient et de son entourage, on donne aussi déjà cette possibilité aux infirmiers. Et je pourrais citer d'autres exemples. Donc il y a quand même une ambiguïté à ne toujours pas vouloir reconnaitre ces termes qui appartiennent à notre profession», regrette-t-elle.
Il faut arrêter de mettre les professions en concurrence.
Dans le même ordre d'idée, la notion de diagnostic infirmier «existe depuis plusieurs dizaines d'années et est utilisée dans le monde entier par l'ensemble des professionnels de santé», défend Sylvaine Mazière-Tauran. Il serait aberrant pour toute une profession, «de se voir refuser d'utiliser des termes qui lui sont pourtant spécifiques», souligne la présidente de l'Ordre infirmier, rappelant que les infirmiers disposent de leurs propres outils, de la même manière que les masseurs-kinésithérapeutes ou les sages-femmes ont les leurs et qu'ils n'empiètent pas pour autant sur le diagnostic et la consultation médicale. «Donc il faut arrêter de mettre les professions en concurrence. Nous serons attentifs à ce que les députés vont voter, mais on a bien vu dans l'ensemble des amendements proposés en commission des Affaires sociales, une volonté de laisser les infirmières sans autonomie, sans possibilité d'exprimer leurs compétences dans le système de santé, ce qui est pourtant extrêmement important pour nous : cette autonomie et cette reconnaissance».
Face à la désertification médicale, les infirmières, à même selon l'ONI de résoudre certaines difficultés d'accès aux soins, se sont vu déléguer ces dernières années de plus en plus de tâches médicales (vaccination, réalisation de certificats de décès, suivi de malades chroniques pour les infirmières en pratique avancée...). Promouvoir la vaccination, aider à prendre rendez-vous, vérifier l'adaptation du logement, les effets indésirables d'un traitement... Les infirmières assurent aussi un «accompagnement global» sans être rémunérées pour, soulignent les syndicats. L'enjeu de cette loi est bien de poser un cadre. De là découleront, espèrent les grandes instances représentatives des infirmiers, un accès facilité aux soins sur le territoire, et en cela une partie de la réponse aux problèmes du système de santé, mais aussi une fidélisation et une attractivité qui manquent cruellement à la profession, en mal de reconnaissance.
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