Comment avez-vous appris cette nomination ?
Eh bien, grâce à vous ! C'est-à-dire qu'hier, j'étais tranquillement en soins à domicile, et quand je suis en soins, j'évite de répondre au téléphone. Et puis, entre deux patients, j'écoute la messagerie. Et là, une voix, la vôtre ! m'annonce cette attribution de médaille. Alors, au début, je me dis, bon, c'est un fake. Et puis, quand même, par curiosité, je tape mon nom, mon prénom... Et là, effectivement, je vois que sur Légifrance, qu'il y a une publication avec mon nom, mon prénom, ma profession libérale... Donc, j'appelle ma soeur, qui est aussi ma collègue. Elle éclate de rire et me dit : "Écoute, je t'avoue, effectivement, ta fille Aliya , quand elle était au collège, a entrepris les démarches, en novembre 2022, elle a constitué un dossier à ton sujet". J'appelle donc ma fille, qui est à présent lycéenne, et qui me répond en riant: "Ah, maman, super, félicitations, tu le mérites !"
Ma fille a constitué un dossier en secret expliquant qu'elle souhaiterait un acte de reconnaissance envers sa maman infirmière comme envers tous les professionnels dévoués pendant la crise du Covid.
J'ai alors appris le fin mot de l'histoire : à l'âge de 13 ans, ma fille a constitué un dossier, dans le plus grand secret. Aidée de ma soeur, elle a fait des démarches auprès du maire et du maire adjoint de notre ville, et des élus des villes dans lesquelles je travaillais. Dans un courrier, que j'ai retrouvé, elle explique les tenants et les aboutissants et elle sollicite le soutien du maire, son parrainage pour faire une demande officielle pour sa maman. Elle explique que, pendant le Covid, les professionnels de santé et les infirmiers se sont donnés corps et âme pour soigner la population au péril de leur vie, et que, de ce fait, en plus des applaudissements, elle aimerait qu'il y ait une reconnaissance pour sa maman infirmière et pour tous les professionnels qui se sont vraiment dévoués. Et puis, voilà. Vous m'annoncez la nouvelle !
Extraits de la lettre d'Aliya Mezaguer au maire de Yerres, en novembre 2022
«Comme vous le savez durant la période difficile du Covid, la profession infirmière s'est donnée corps et âme pour soigner la population au péril de sa vie. Je pense que cela mérite une reconnaissance de la nation en dehors des applaudissements chaleureux. La Légion d'honneur serait une extraordinaire reconnaissance de la nation à toute la profession. (...) Ma mère dans le contexte de forte tension due à l'épidémie de COVID19, en plus d'assurer son activité libérale, s'est inscrite sur la plateforme de renfort et a travaillé dans les centres de vaccination sur les villes de Montgeron et de Brunoy (...) afin de faire vacciner un maximum la population».
Comment s'est dessiné votre parcours professionnel?
Je suis infirmière puéricultrice libérale. Et franco-algérienne. Je tiens à le dire parce qu'en ce moment, c'est important, pour souligner qu'il y a aussi beaucoup de réussite dans ce pays. Je suis issue de la diaspora et et je suis très, très fière de cela. Ma mère était assistante maternelle à l'Aide Sociale à l'Enfance. Je pense qu'il y a cette fibre qu'elle nous a communiquée, celle du soin, de l'entraide, de la bienveillance et de la solidarité. Ce n'est pas un hasard si nous sommes deux infirmières dans la famille, ma soeur aînée et moi. J'estime avoir eu beaucoup de chance. Je suis née sous une bonne étoile parce que tout le long de mon parcours, je suis bien tombée au niveau de l'encadrement, des enseignants, toujours sur des personnes bienveillantes, qui m'ont appris ce que c'était que le partage et la solidarité. Donc c'est vraiment des valeurs que j'essaye de transmettre moi-même, au quotidien, que j'essaye d'inculquer à mes enfants aussi.
J'ai été diplômée en 92. J'ai toujours voulu être infirmière puéricultrice, aussi je me suis spécialisée en pédiatrie. Là encore, j'ai eu la chance d'aller faire de nombreux stages auprès d'enfants, de femmes, à travers tout le secteur mère-enfant. J'ai travaillé une année à l'hôpital de Créteil en pôle pédiatrique, ce qui m'a conforté dans mon idée d'aller dans cette voie-là. J'ai aussi travaillé à la pouponnière de Sucy-en-Brie (94). Je pense qu'il y a une symbolique pour moi dans tous ces lieux-là. C'est une école de puériculture. Suite à cette année-là, je suis retournée à l'hôpital de Créteil. J'y ai travaillé à peu près trois ans. Ensuite, j'ai fait mon parcours en pédiatrie générale. Puis, j'ai voulu faire de l'extra-hospitalier pour découvrir un peu cette facette de la profession. J'ai aussi été directrice adjointe de crèche. J'ai été infirmière puéricultrice en PMI avant de faire de l'HAD, hospitalisation à domicile, pédiatrique aussi. C'était assez dur parce qu'il y avait beaucoup d'oncologie. Je me suis interrogée sur mon désir de faire du soin, du relationnel, de la prévention... Je ne voulais pas forcément m'occuper uniquement des enfants très malades. Donc, j'ai fait des remplacements en libéral, ce qui m'a énormément plu parce que je retrouvais l'hospitalisation à domicile tout en ayant cette possibilité d'« agrandir » l'échantillon de soins. J'ai alors décidé de créer mon cabinet. J'ai diversifié mes soins : je fais beaucoup de pédiatrie et de soins à domicile.
Par ailleurs, j'ai 4 enfants, de 16 ans, 11 ans, 9 ans et 7 ans. Quand j'ai eu mon petit dernier, j'ai été frappée directement par maladie, parce qu'il a dû être opéré du coeur à un jour de vie. On s'est retrouvés à Necker. J'ai rencontré des professionnels de santé formidables. Malgré mes malheurs, j'ai eu beaucoup de chance dans ma vie. Aujourd'hui, il va bien.
Lorsqu'on avait des surplus de doses, on appelait les enseignants qui étaient sur liste d'attente pour les vacciner.
Comment avez-vous vécu la période Covid ?
Quand le Covid commençait à arriver, on a été sollicités par nos collègues hospitaliers et extra-hospitaliers du département pour monter les centres de vaccination. Ça a été une évidence d'agir. Avec ma soeur, on a réorganisé notre planning : on continuait les soins à domicile, mais on voulait aussi dégager du temps par demi-journées pour essayer d'aider ponctuellement dans les centres. Donc, on a travaillé plus d'un an dans plusieurs centres de vaccination. C'était une expérience humaine magnifique, malgré le drame. C'était éprouvant, je ne vous le cache pas, mais je m'estimais quand même un peu plus épargnée, dans les centres de vaccination... Je n'étais pas en réanimation. C'était une formidable aventure humaine. J'ai rencontré des gens incroyables. Malheureusement, pendant le Covid, le fameux petit garçon qui a été opéré du cœur, mon fils, a attrapé le Covid et a déclenché un diabète de type 1. Pendant le Covid, il a été hospitalisé, mis sous insuline. J'ai été aussi soutenue, portée à bout de bras par mes anciens collègues. Là encore ça a été une expérience magnifique malgré la découverte de la maladie de mon fils. Et puis je me suis dit qu'il fallait continuer. Je suis revenue sur le terrain et là, je me suis rendue compte que tout le monde n'était pas prioritaire pour la vaccination, et notamment pas les enseignants. J'ai donc voulu faire quelque chose. On ne pouvait pas leur demander d'accepter les enfants des soignants et ne pas les protéger ou leur donner priorité. Alors, on a essayé de monter un réseau avec l'aide de la commune où je réside, Yerres, dans le 91. Lorsqu'on avait des surplus de doses, on appelait les enseignants qui étaient sur liste d'attente pour les vacciner. Ça nous prenait des journées, des soirées, parce qu'on consultait les listes, on gérait les stocks, j'étais en contact avec les enseignants, avec les élus, on essayait aussi de faire vacciner les agents de la police municipale, les employés municipaux, parce qu'ils faisaient aussi des astreintes. C'est cette mission qui a été récompensée, ainsi que mes 30 ans de service.
Cette profession infirmière, elle est formidable. Elle est éprouvante, ça c'est sûr, mais elle a du sens - même si elle n'est pas forcément reconnue au niveau du salaire.
Que retenez-vous de cette période Covid, il y a 5 ans déjà ?
Cette reconnaissance que je reçois aujourd'hui à travers cette nomination, elle devrait être spontanée pour toutes les personnes, tous les professionnels de santé, du transport, les caissières, les enseignants, qui ont été si nécessaires pendant la pandémie. Ça aurait dû être une reconnaissance nationale pour toutes ces personnes. La population nous a portés à bout de bras, les gens étaient adorables, reconnaissants, on a été applaudis le soir. Aujourd'hui, je tiens à remercier tout le monde. Cette distinction est symbolique et j'en suis très touchée, mais je souhaite surtout la partager avec toutes mes collègues, paramédicales, médicales, professionnelles de santé et toutes les personnes qui nous ont soutenues pendant le Covid, pendant cette période si difficile.
Cette profession infirmière, elle est formidable. Elle est éprouvante, ça c'est sûr, mais elle a du sens - même si elle n'est pas forcément reconnue au niveau du salaire. Celui qui dira qu'il ne faut pas de vocation, ce n'est pas vrai. C'est trop pénible. Sans la vocation, on ne tient pas. Je pense qu'il faut aussi avoir la fibre de la solidarité, de la bienveillance, et de l'entraide, sinon c'est pas possible, on ne peut pas faire ce métier-là.
Le Covid a mis en lumière cet exercice infirmier, que les gens connaissaient assez peu, ces petits professionnels : aides-soignants, auxiliaires de vie...
Oui, tout à fait. Ce que je retiens c'est vraiment cette solidarité et cette mise en action des professionnels, qui se sont soutenus, qui ont mis les mains dans le cambouis... Tout un réseau s'est mis en place, entre collègues, entre infirmières libérales. On a créé des groupes WhatsApp : quand on arrivait à avoir des boîtes de masques, (parce que, je ne sais pas si vous vous souvenez, mais on n'avait pas de boîte de masques), c'est la population qui nous en donnait, et on partageait, même dans la galère, nos masques, on se les partageait, en disant : à la guerre comme à la guerre, on est ensemble et on y va. C'est vrai, c'est beau, ça. C'est encourageant.
L'Ordre national du Mérite
Il récompense les mérites distingués acquis soit dans une fonction publique, civile ou militaire, soit dans l'exercice d'une activité privée. La personne récompensée par cet ordre doit remplir deux conditions : avoir des mérites distingués dans l'exercice, pendant au moins 10 ans, d'une fonction publique, civile ou militaire ou d'une activité privée, et être proposé par un ministre, après étude d'un dossier constitué à la demande d'une administration centrale, d'un préfet, d'une association, d'une personnalité politique (maire, député, etc.) ou d'un groupe d'au moins 50 personnes (pour l'initiative citoyenne).
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