Comment répondre à l'explosion des troubles psychiques ? La commission des affaires sociales a décidé de conduire une mission d'information sur l'état des lieux de la santé mentale depuis la crise du covid-19. Un rapport intitulé «Santé mentale et psychiatrie : pas de 'grande cause' sans grands moyens» expose ainsi une vingtaine de recommandations pour enrayer «la tendance de fond» qu'est la dégradation de la santé mentale en France et répondre à «l'impérieuse nécessité de réduire les inégalités territoriales» dans l'accès aux soins psychiques.
Quelles recommandations ?
- Développer les consultations avancées assurées par les IPA PSM au sein des maisons de santé pluriprofessionnelles et des centres de santé (établissements psychiatriques).
- Étendre les formations aux premiers secours en santé mentale à toutes les professions clés puis à l’ensemble des citoyens (ministères concernés).
- Mieux intégrer les professionnels de santé de l’éducation nationale aux conseils locaux de santé mentale et à la démarche des projets territoriaux de santé mentale (DGS, collectivités territoriales, ARS).
- Développer les équipes mobiles pluridisciplinaires intervenant en faveur des enfants protégés (établissements psychiatriques, ARS, conseils départementaux).
- Instaurer des grilles indiciaires appropriées pour les IPA exerçant dans les trois versants de la fonction publique (Pouvoir règlementaire).
- Revoir le modèle économique des IPA PSM dans une révision globale de la rémunération des IPA exerçant en libéral (Assurance maladie).
- Augmenter le nombre de professionnels, notamment d’IPA PSM, exerçant en CMP en priorisant les territoires où les délais d’attente sont les plus longs (Ministère de la santé).
- Conduire une réflexion, à l’échelle territoriale, sur la création de permanences d’accueil en urgence et d’aménagement des horaires au sein des CMP (ARS).
- Flécher des financements pérennes en faveur du développement d’équipes mobiles (ARS).
L'urgence de réorganiser les premiers recours
Dans un contexte très sinistré la discipline psychiatrique est « saturée » et en grand déficit d’attractivité, alors que la dégradation de la santé mentale des jeunes s'accélère, plus encore depuis la crise du Covid : en 2024, les risques de troubles anxiodépressifs touchent près de 30 % des 11-24 ans. La mission, rapportée par Jean Sol (Les Républicains), Daniel Chasseing (Les Indépendants - République et Territoires) et Céline Brulin (Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky) s'est penchée sur les priorités d'actions et de réorganisation, et surtout la prise en charge de premier recours des patients atteints de troubles psychiatriques.
Revaloriser les IPA santé mentale
Les infirmiers en pratique avancée (IPA) figurent en très bonne place dans cette organisation, à plusieurs niveaux de recours. Pour rappel, les infirmiers en pratique avancée (IPA) en psychiatrie et santé mentale ont pu commencer leur formation en septembre 2019. «À rebours de certaines réticences concernant les IPA», notent les rapporteurs, ils ont constaté qu'un «large consensus prévalait dans le corps médical, et notamment chez les psychiatres, quant à la plus-value des IPA mention [psychiatrie et santé mentale] PSM». Il faut donc selon la mission «encourager leur recrutement» dans les services psychiatriques, les centres médico-psychologiques (CMP) mais, également, au sein de l'Éducation nationale ou de l'aide sociale à l'enfance, «puisque cette possibilité a récemment été ouverte par la loi».
Le faible nombre des IPA mention PSM (548 au niveau national) s'explique selon les rapporteurs par le caractère récent de cette profession mais également par «certains freins qu'il convient de lever». Ils notent par exemple que la rémunération des IPA , dans la fonction publique comme en libéral, ne rend pas cette profession attractive. La mission appelle donc à «instaurer des grilles indiciaires appropriées pour les IPA exerçant dans les trois versants de la fonction publique», ainsi qu'à «revoir le modèle économique» des IPA dédiés à la santé mentale dans «une révision globale de la rémunération des IPA exerçant en libéral».
Le déploiement d'IPA spécialisés en psychiatrie et santé mentale au sein des structures de soins de ville constitue indéniablement un espoir pour réduire les inégalités d'accès aux soins.
De consultations avancées infirmières
Les rapporteurs estiment également que «les soins de ville doivent prendre toute leur part dans la prise en charge des patients en souffrance psychique» et appellent à une meilleure coopération entre médecins généralistes, infirmiers et psychiatres, citant le modèle de soins collaboratifs expérimenté en Île-de-France dans le cadre du programme Sesame. Par ailleurs, le déploiement d'IPA spécialisés en psychiatrie et santé mentale au sein des structures de soins de ville «constitue indéniablement un espoir» pour réduire les inégalités d'accès aux soins, estiment-ils. Ils recommandent ainsi de développer les consultations avancées assurées par les IPA en santé mentale au sein des maisons de santé pluriprofessionnelles et des centres de santé. Autre préconisation : renforcer les maisons des adolescents ou encore les conseils locaux de santé mentale (CLSM) «tout en se gardant de promouvoir un modèle unique». Les sénateurs appellent enfin à développer les équipes mobiles pluridisciplinaires intervenant en faveur des enfants protégés.
Renforcer le rôle des centres médico-psychologiques
Le centre médico-psychologique (CMP) doit par ailleurs redevenir le lieu privilégié de l'accès aux soins psychiques et être clairement identifié par les patients, estime la mission qui préconise d'«augmenter le nombre de professionnels, notamment d'IPA spécialisés en psychiatrie et santé mentale (PSM), exerçant en CMP en priorisant les territoires où les délais d'attente sont les plus longs». Les sénateurs appellent aussi à conduire une réflexion, à l'échelle territoriale, sur la création de permanences d'accueil en urgence et d'aménagement des horaires au sein des CMP. Enfin, les sénateurs expliquent que «la priorité donnée au renforcement des CMP doit leur permettre de retrouver leur vocation naturelle à intervenir à domicile». Ceci en complémentarité, toutefois, avec l'intervention des équipes mobiles pour des situations spécifiques (psychiatrie de la personne âgée, précarité, interventions précoces, etc.). La mission appelle donc pour finir les ARS à flécher aussi des financements pérennes en faveur du développement de ces équipes mobiles.
Déserts médicaux et déficit d'attractivité de la psychiatrie
La mission s'est concentrée ensuite sur les problématiques majeures que sont le déficit d'attractivité de la psychiatrie et la désertification médicale en cours, une situation qui «empêche la prise en charge des patients dans des délais raisonnables, concourant à la chronicisation des troubles, laquelle alimente à son tour la dynamique à la hausse des besoins en soins et l'engorgement des services des urgences psychiatriques».
Dans ce contexte, les rapporteurs estiment qu'il serait utile de cartographier les besoins en soins à l'échelle du territoire national, pour flécher les moyens vers les territoires les plus en tension. À court terme, «le renforcement des effectifs pourrait également être facilité par la simplification du dispositif d'autorisation d'exercice des praticiens étrangers d'une part, et l'augmentation du nombre de stages réalisés par les étudiants en médecine en psychiatrie, en priorisant les hôpitaux non universitaires».
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