Dans un contexte d'évolution profonde, quelques jours après le projet de décret en Conseil d'État qui doit définir l'exercice de la profession infirmière, c'est à présent au tour du projet d'arrêté de formation d'être soumis à concertation Alors qu'un nouveau référentiel de formation est attendu à la rentrée 2026, le congrès de la FNESI qui s'est tenu à Paris le 3 octobre a été l'occasion de faire le point sur la question. «Les travaux ont bien avancé et même si les textes ne sont pas encore publiés, on est plus proches de l'aboutissement que jamais puisqu'ils ont été soumis à concertation», a ainsi souligné Mélanie Marquer, adjointe au sous-directeur des ressources humaines à la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), .
Depuis 2009, la profession infirmière est entrée dans une phase de réforme qui passe par une mise en conformité de la formation avec les standards européens et l’universitarisation des études paramédicales (imposant la mise en place du système licence-master-doctorat (LMD). Pour rappel, en octobre 2019, un décret a officialisé la création de la discipline des sciences infirmières et permis la qualification de professionnels titulaires d’un doctorat aux fonctions de maître de conférences ou de professeur des universités.
Les grands objectifs
Mettre en conformité la formation et le volume horaire avec les directives européennes
L’allongement de la durée de la formation en soins infirmiers était l’un objectifs de la refonte du référentiel. Le volume horaire actuel est en effet de 4 200 heures, réparties en parts égales entre les deux types d’enseignement, soit 2 100 heures chacun. Soit un différentiel de 400 heures par rapport à ce qui est demandé au niveau européen. Une entrée en vigueur du décret est prévue pour septembre 2026, au plus tard, dans le contexte de la refonte du référentiel. Se posera alors la question de l’intégration effective de ces 400 heures supplémentaires dans une formation que professionnels et étudiants infirmiers jugent déjà particulièrement lourde. Certains, dont les membres du Conseil national professionnel infirmier (CNPI), évoquaient la possibilité d’étendre à quatre ans la durée des enseignements en licence en soins généraux, pour éviter de l’alourdir outre mesure. Une proposition qui, jusqu’à présent, n’a pas été envisagée par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS).
Initiée en 2009 avec la formation infirmière, l’universitarisation des professions paramédicales est engagée dans un processus continu de refonte des formations paramédicales pour les inscrire dans l’architecture de formation de l’enseignement supérieur, Licence Master Doctorat, tout en répondant aux enjeux d’attractivité, étudiante et professionnelle, et de transformations des métiers.
Avoir une nouvelle formation adaptée à la nouvelle profession d'infirmier
En effet, la réforme de la profession infirmière, ambitieuse, doit naturellement mener à une évolution adaptée de la formation.
Moderniser cette formation
Et pour cause : celle-ci s'appuie encore sur un référentiel rédigé en 2009. «Nous savons que les pratiques pédagogiques ont évolué, avec une réflexion davantage axée sur les compétences. Les étudiants ont également de nouvelles aspirations, entre autres de formation, donc il était légitime, au bout de 15 ans, de revoir la manière dont on concevait votre formation», a confié l'adjointe au sous-directeur des ressources humaines à la DGOS.
Renforcer l’attractivité de cette formation
«En 2023, au sortir de la difficile crise du Covid, le taux d’abandon en cours de formation augmentait. Il fallait donc que l'universitarisation réponde aussi à cet enjeu».
Des cours et des compétences communes à toutes les professions paramédicales
Dans les textes qui sont actuellement en concertation et qui seront proposés à la rentrée prochaine, deux points sont directement issus de la mission d'universitarisation : des contenus pédagogiques "génériques", c'est à dire communs aux différentes professions paramédicales (avec notamment des enseignements sur l'éthique, la lutte contre les violences sexuelles et sexistes…) et d'autres compétences génériques communes à toutes les professions paramédicales. «C'est important pour la formation parce que ça donne aussi des perspectives en termes de passerelles et de transversalité avec d'autres formations, mais c'est aussi très important pour nous au ministère de la santé parce que vous, professionnels de demain, serez amenés à travailler en étroite collaboration et coopération avec énormément de professionnels de santé : la loi qui redéfinit la profession insiste énormément sur cette notion de coopération et de travail en équipe, qui redessine vraiment l'avenir de l'organisation des systèmes de soin», a déclaré Mélanie Marquer.
«Le nouveau référentiel intègre aussi plus clairement une méthodologie de la recherche. Le travail réalisé ces derniers mois s'est complètement nourri des préconisations et des échanges qui ont eu lieu dans le cadre de la mission d'universitarisation. La mission d’universitarisation a aussi permis de se pencher sur les questions relatives au droit des étudiants. Qu'est-ce que les étudiants en sciences infirmières peuvent attendre en termes d'accès aux droits».
Les grandes préoccupations des étudiants
Quels sont les impacts des travaux de la mission d'universitarisation sur la réforme de la formation infirmière? Mélanie Marquer, adjointe au sous-directeur des ressources humaines à la Direction générale de l'offre de soins (DGOS), a longuement répondu aux questions et aux inquiétudes des étudiants en sciences infirmières.
Les Etats généraux de la FNESI ont mis en lumière le mal-être des étudiants : à commencer par les stages, qui clivent les étudiants, qui les discriminent… La FNESI demande depuis deux ans la mise en place d'une plateforme d'évaluation des stages : où en est-on ?
Mélanie Marquer : La réforme de la formation infirmière a aussi été construite avec cette attention assez inédite au bien-être étudiant. Je pense que c'est l'une des première réforme où l'on a autant intégré ce paramètre. Concrètement, qu'est-ce que ça veut dire ? Dans la construction de la progression pédagogique il y a une réflexion sur la place et le volume des stages sur ces 3 années. On a ainsi décidé de revoir la répartition des stages (de façon à ce qu'il y en ait un peu moins en première année et davantage en 3e année, à un moment où l'on est sans doute plus armé en tant qu'étudiant). Sur la question de l'évaluation des stages : les textes qui ont été préparés à ce stade comportent un certain nombre de préconisations sur les stages, à la fois sur le volume-horaire par semaine avec une recommandation sur l'idée de préserver du temps d'appropriation, du temps de réflexivité pendant les stages (5h précisément à intégrer à la formation pour prendre le temps d’échanger autour du stage) et à la fois via une procédure d'agrément de stage (certaines régions le faisaient déjà mais ce n'était pas systématisé), de manière à ce qu'on ait un engagement des services, une démarche volontaire, un accompagnement et un accueil. Enfin, sur le volume horaire : on le sait, la formation professionnalisante est exigeante avec des professionnels de haut niveau. On a souhaité intégrer au volume horaire de 4600h, le temps de travail autonome et personnel. On a donc un renforcement du volume horaire tel qu'il apparaît dans l'arrêté de 400h mais ce ne sont pas 400h de cours bien évidemment et on fait mieux apparaitre ce temps de travail autonome dans le nouveau texte.
35h de cours par semaine + la charge de travail personnel : ce volume global représente un temps important qui nous oblige à faire des choix difficiles, parfois même à sacrifier notre bien-être, nos activités personnelles ou nos engagements à l'extérieur. Dans la formation, comment allez-vous reconnaître et intégrer concrètement ce temps de travail personnel ?
Mélanie Marquer : Ce que vous évoquez, ce sont des choses que l’on a intégrées dans nos réflexions sur la réforme et que l’on a cherché à corriger dans les nouveaux textes sur les études. La formation restera exigeante parce que c’est une profession dont on attend beaucoup. La réforme de la profession telle qu'elle est portée remet en valeur la place des infirmiers, de leur expertise, de leur rôle central dans les prises en soin et par ricochet, la formation restera exigeante. Il n'empêche, le travail auquel on a abouti apporte un mieux de ce point de vue là (volume horaire en stage / préservation d'un temps de réflexivité). (...) Les textes sont la première pierre, ensuite il y aura tout ce travail d’appropriation. Donc on va avoir un premier temps, d'environ 6 mois de mise en place des choses, et ensuite il y aura un temps d’évaluation. On arrive à un projet de texte qui répond aux objectifs qu’on s’était fixés. Dans les textes actuellement soumis à concertation : cela représenterait un volume horaire de 4600h, dont 2310h en stage + un temps d'enseignement théorique autour de 30h/semaine, qui pourra aussi intégrer le temps de travail personnel autonome.
Les stages c’est très compliqué. On est harcelés, peu accompagnés... Quand les professionnels seront-ils évalués à leur tour ?
Mélanie Marquer : Je ne peux que regretter l’expérience que vous nous livrez. Il y a un véritable espoir dans la réforme par rapport à l’amélioration de vos conditions de stage. On insiste sur le besoin d’évaluation systématique des terrains de stage. Ensuite, au-delà de la réforme : le ministère conduit d’autres actions, avec par exemple différents dispositifs : la CNAE (un dispositif d’écoute, d’accompagnement et de signalement pour les étudiants qui vivent des situations de mal-être, de violence ou de discrimination). Le ministère de la santé a également lancé un plan de lutte contre les violences sexuelles et sexistes (la FNESI y est d'ailleurs associée) et plusieurs groupes de travail sont en cours, avec notamment un axe : faciliter les remontée d’informations. Autre axe de ce plan : garantir un meilleur suivi des procédures.
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