Adressé par un médecin généraliste, la crèche, ou encore la PMI, l'enfant est d'abord reçu par le psychiatre de l’unité qui demande une évaluation complète sur deux semaines s’il estime les signes d’alerte suffisants. «La première semaine nous permet de connaître l'enfant, de lui faire son bilan cognitif pour connaître son niveau, toutes les observations en salle des symptômes autistiques et la deuxième semaine nous permet d'affiner le diagnostic, de voir l'intensité des symptômes et de prodiguer les conseils pour la maison», explique Lucie Portet, infirmière puéricultrice venue nous accueillir à l'entrée de l'unité 4. Les lieux sont clairs, modernes, avec plusieurs petites salles pour permettre aux professionnels de travailler tour à tour auprès des enfants. Car l'infirmière travaille main dans la main avec l’équipe pluriprofessionnelle de l’unité, et notamment des médecins, des psychologues, des psychomotriciens, des orthophonistes ou encore une éducatrice spécialisée, pour parvenir au diagnostic de ces enfants de 3 à 5 ans, venus de l’Est parisien et du 93.
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Aujourd'hui on parle du trouble du spectre de l'autisme : les gens qui en sont atteints partagent certains critères diagnostic, que l'on peut regrouper en trois grandes catégories : les troubles des interactions sociales, les troubles de la communication verbale et non verbale et enfin, les intérêts spécifiques et comportements stéréotypés.
Observation fine
«L'autisme est un trouble du neurodéveloppement qui a des retentissements fonctionnels dans différents milieux de vie de l'individu», explique le docteur Imane Khireddine, praticien associé à l'hôpital Robert Debré dans le service de pédopsychiatrie. «Dans les anciennes classifications, on parlait plutôt de trouble envahissant du développement, aujourd'hui on parle du trouble du spectre de l'autisme : les gens qui en sont atteints partagent certains critères diagnostic, que l'on peut regrouper en trois grandes catégories : les troubles des interactions sociales, les troubles de la communication verbale et non verbale et enfin, les intérêts spécifiques et comportements stéréotypés».

Ce matin-là, trois enfants de 4 ans aux profils très différents sont présents : deux d'entre eux s'expriment et vont à l'école tandis qu'un troisième n'a pas développé de langage et ne va en classe qu'une heure par jour. «Une heure préparée de longue date par la maman», nous explique Lucie Portet, qui fait justement le lien avec les parents. Avec sa collègue éducatrice spécialisée Keïssa Sefiane, pendant une séance de dessin et de coloriage entre deux bilans avec l'orthophoniste, le psychomotricien ou le psychologue, elle observe les enfants de manière très fine.
Comme des indices qui peu à peu laissent entrevoir un tout, les signes repérés par les professionnels de l'unité viennent construire un diagnostic.
«On regarde s'ils sont déjà capables de rester assis sur une chaise, parce que c'est une compétence qui leur est demandée à cet âge, est-ce qu'ils sont capables de s'investir sur une activité ou pas, pendant combien de temps, est-ce qu'ils sont capables de comprendre et de respecter une consigne, d'interagir entre eux, avec les adultes, si oui comment, on regarde aussi le contact visuel (...) On observe tout ce qui tourne autour de la communication, pour savoir si celle-ci est fonctionnelle ou pas», précise Keïssa Sefiane qui met aussi les enfants à l'épreuve pour les obliger «à faire une demande», par exemple en cachant le feutre qu'ils doivent utiliser. «On a tous en tête les signes qu'on recherche mais on ne les a pas forcément tous au même moment sur les mêmes sujets», explique Lucie Portet. «Un enfant peut présenter plusieurs symptômes et je pourrais avoir repéré une stimulation visuelle de type visée sur une petite voiture, mais je n'aurais peut-être pas entendu le chantonnement que ma collègue va entendre. C'est la pluralité des regards qui fait la richesse de la matière pour le diagnostic». Comme des indices qui peu à peu laissent entrevoir un tout, les signes repérés par les professionnels de l'unité viennent construire un diagnostic.

Prendre en charge l'enfant et sa famille
«Prendre en soin des enfants, c'est forcément s'inscrire dans une triade», explique Lucie Portet, puisque les parents sont complètement associés au diagnostic mais aussi à la prise en charge. Parfois, ces 15 jours sont très courts pour les parents, qui reçoivent beaucoup d'informations, qui ont aussi beaucoup de questions. Sans parler du diagnostic lui-même, qui peut aussi représenter un choc pour la famille. Les réactions sont très variables selon Lucie Portet. «Certains parents sont dans l'acceptation, certains pleurent, d'autres sont dans une sidération». Les professionnels sont là pour les accompagner, pour orienter l'enfant mais également les parents, dans les soins à venir. «Ces deux semaines d'observation et d'évaluation permettent justement de prioriser les prises en charge : certains jeunes patients auront besoin de tout : d'orthophonie, de psychomotricité et de psychoéducation, mais ce temps nous permet d'évaluer l'urgence».
Favoriser l'autonomie de l'enfant
L'équipe recherche l'autonomie de l'enfant afin qu'il ait sa place dans la société, «ce qui passe par le développement de ses compétences de communication, son autonomie, et bien sûr, l'école», précise l'infirmière qui énumère quelques possibilités d'adaptations. On peut ainsi ajouter une aide humaine à l'école ou orienter l'enfant vers une classe adaptée type ULIS (qui permet la scolarisation des enfants en situation de handicap dans le premier et le second degré)... «Ce n'est pas en deux heures de temps qu'on va révolutionner la vie de ces familles», confie Lucie Portet qui considère l'unité comme «le tremplin pour la vie future» de ces enfants qui reviennent pour des consultations tous les trois mois dans l'unité. L'infirmière, qui travaille dans l'unité depuis 2018 apprécie surtout l'aspect médico-social de son exercice. «Oui je ne prépare plus d'antibiotiques, je ne fais plus de perfusion, mais je m'inscris dans une autre dimension de mon métier, très riche, assure-t-elle. Ici, les infirmiers ont vraiment leur place, au même titre que tous les professionnels, pour accompagner l'enfant et sa famille».
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