Le suicide, événement multifactoriel, toujours énigmatique, interroge les équipes soignantes. Ce dossier de la revue SOINS explore le sujet de façon transversale : de la tentative de compréhension de la crise suicidaire à la prise en charge du suicidant, pointant également les indispensables stratégies de prévention à mettre en œuvre pour améliorer le repérage des personnes à risque…
Avant-propos – Le suicide n'est pas une fatalité
Le suicide est un événement multifactoriel, parfois énigmatique
Le suicide d’une personne est sans doute l’un des faits humains les plus complexes et les plus désespérants. Des millions d’individus sur cette terre décident chaque année de se donner la mort. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime à 800 000 ceux qui y parviennent1. En France, l’Observatoire national du suicide (ONS)2 estime à 200 000 le nombre de tentatives de suicide en 2012 et à 9 715 le nombre de morts. Toutefois, une sous-évaluation d’au moins 10 % est pressentie. Les imperfections dans les recueils de données aujourd’hui laissent, en creux, l’envergure réelle du phénomène.
Fait social universel, le suicide touche indistinctement hommes et femmes, jeunes et vieux, dans tous les milieux sociaux, cultures et catégories professionnelles. Des variations existent selon le sexe, l’âge, le métier, le pays, la région, le mode d’autolyse… Dans le monde, les hommes se donnent la mort davantage que les femmes, sauf en Inde et en Chine3. En France, le taux de décès par suicide augmente avec l’âge. La part due au suicide dans la mortalité générale est la plus élevée chez les jeunes de 15 à 24 ans (18 %)2. Les modes de suicide sont aussi variés : pendaison (53 %), armes à feu (15 %), substances chimiques (11 %)2. Enfin, notons qu’il existe une inégalité sociale face au suicide : le risque de mourir ainsi est plus élevé chez les agriculteurs, les employés, les ouvriers et les chômeurs4.
Le suicide est un événement multifactoriel, parfois énigmatique. Certains des mécanismes et manifestations du processus suicidaire sont connus. La sociologie, la psychiatrie, la neurobiologie, les autopsies psychologiques… identifient quelques déterminants observables. Cependant, le processus suicidaire s’élabore et évolue aussi de façon souterraine, “à bas bruit”, inaudible jusqu’au drame qui est alors qualifié d’inexplicable, échappant à notre compréhension. La souffrance, comme quasi-invariant dans ces situations de détresse, serait muette. L’est-elle vraiment ?
Que faire face à un tel ï¬éau ? Le suicide n’est pas une fatalité. Le monde associatif a un rôle majeur, comme il le montre quotidiennement. L’État a pris du retard ; sa politique publique doit s’étoffer pour apporter des moyens de prévention, améliorer le recueil de données, les ï¬lières de soins, le dispositif d’alerte, favoriser les nouvelles voies de recherche… L’enjeu est d’ampliï¬er la lente décrue du nombre de suicides constatée depuis quelques années.
Notes
- social-sante.gouv.fr
- www.who.int
- Baudelot C.Le suicide, un fait social. Soins. 2017 ; 814:26-9.
- social-sante.gouv.fr
Daniel MAROUDY Cadre supérieur inï¬rmier d’anesthésie-réanimation, chargé d’enseignement à l’Agence de la biomédecine maroudyd@gmail.com
L'auteur déclare ne pas avoir de conï¬its d’intérêts en relation avec cet article
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