ACTUALISATION DES CONNAISSANCES

Bonnes pratiques ou fakes ? 5 idées reçues expertisées

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Publié le 01/10/2025

Remettre en question ses pratiques de soins n’est pas toujours évident, mais peut s’avérer nécessaire. D’une part les choses évoluent au gré des techniques et des connaissances, d’autre part certaines idées fausses ont la peau dure.  Voici cinq pratiques de soin revues et corrigées*.

infirmière, chambre d'hôpital, patiente hospitalisée

Crédit photo : BURGER / PHANIE

Au prétexte de «faire ainsi parce que c’est comme cela» ou «parce que l’on a toujours fait de cette façon dans le service», il arrive que certains soins et actes infirmiers ne soient pas effectués dans les règles de l’Art et conformément aux dernières recommandations en vigueur. Ainsi des pratiques complètement désuètes voire carrément hors recommandations comme bon nombre d’idées reçues perdurent çà et là dans les établissements de soins ou les cabinets infirmiers en ville.

Des croyances en soins infirmiers persistent malgré les avancées scientifiques.

Pour les faire disparaître mais aussi, plus globalement, transmettre à leurs pairs les dernières connaissances et recommandations en lien avec la profession d’infirmier, neuf créateurs de contenus, regroupés au sein de l’Association pour la transmission des savoirs en sciences infirmières (Atssi), explorent et déconstruisent régulièrement certains mythes et légendes en soins infirmiers, des croyances qui persistent malgré les avancées scientifiques… Histoire de faire le tri entre fictions et réalités pour une bonne pratique soignante !

En cas de troubles de la déglutition, il est possible d’écraser tous les comprimés pour aider le patient à avaler.” : Vrai ou faux ? 

FAUX

Les risques encourus sont en effet multiples, comprenant tout à la fois :
-    une altération de l’efficacité et du dosage. Par exemple écraser un comprimé à libération prolongée (ex Tramadol LP) induit une libération immédiate et un risque de surdosage. Un “case report” (cf PubMed®) consigne ainsi le décès d’une patiente diabétique de 38 ans en service de réanimation après l’écrasement d’un comprimé de nifédipine LP, la libération rapide du principe actif ayant provoqué une hypotension sévère et une défaillance multiviscérale
-    des irritations et des effets indésirables locaux (par ex. les bisphosphonates peuvent provoquer des ulcères œsophagiens) 
-    une toxicité pour le personnel soignant (par ex., l’écrasement de cytotoxiques expose à un risque d’inhalation ou de contact cutané dangereux pour le soignant)
-    des interactions médicamenteuses (avec le lait par ex) et des erreurs d’administration.

Bonnes pratiques et recommandations : 

-    réaliser une évaluation préalable et voir si des alternatives sont possibles. Il s’agit ainsi d’évaluer la nécessité réelle du médicament avant toute modification, de vérifier si une forme galénique alternative existe et de ne jamais écraser un médicament sans prescription écrite du médecin (au risque d’engager sa responsabilité)
-    sécuriser la préparation. Ce qui passe, avant toute manipulation, par la consultation d’un guide des médicaments écrasables (par exemple ceux des Observatoires des médicaments, dispositifs médicaux et innovations thérapeutiques – Omédit – ou via des classeurs dédiés mis à disposition au sein des services de soins) et par l’utilisation d’un écrase-comprimé avec dispositif à usage unique si possible.
 
Autres précautions indispensables pour toute préparation sécurisée : 
-    Porter une blouse/un masque, travailler dans un espace aéré afin de limiter l’exposition et écraser les comprimés un par un pour éviter les interactions ;
-    Adapter l’administration : mélanger la poudre avec un véhicule neutre (eau…). Administrer également chaque médicament séparément et installer le patient en position semi-assise. 
-    Surveiller l’efficacité et noter l’administration dans le dossier de soins.

“Prendre la pression est contre-indiqué en cas de curage ganglionnaire axillaire.” Vrai ou faux ?

VRAI

Même si l’évolution des recommandations et des techniques opératoires fait qu’aujourd’hui il n’existe plus de contre-indication absolue. Pour rappel, cette intervention chirurgicale, dans le cadre d’un cancer du sein, consiste à retirer une partie ou la totalité des ganglions lymphatiques, l’objectif étant d’évaluer l’extension de la maladie et d’adapter les traitements. Toutefois, lorsque cela est possible, le prélèvement du ganglion sentinelle est privilégié, la technique étant moins invasive. 
Deux bémols cependant : 
-    il est toujours préférable d’utiliser le bras non opéré (hiérarchisation des précautions) 
-    il est recommandé de contrôler le poids afin de prévenir le lymphœdème (Grade B).
Autre précaution notable : prendre en compte le ressenti de la patiente. Son vécu personnel (douleurs, inconfort…) doit ainsi être entendu et respecté, tout comme ses craintes afin de favoriser une bonne alliance thérapeutique. D’où l’importance d’informer sans imposer afin de permettre une meilleure acceptation des nouvelles recommandations.

“Un massage cardiaque doit obligatoirement être réalisé sur un plan dur.” Vrai ou faux ?

FAUX

Compte tenu du fait que jusqu’à un quart des témoins d’un arrêt cardiaque rencontrent des obstacles pour déplacer un patient au sol, la recommandation systématique de transférer le patient au sol ou sur une surface rigide pour les soignants a été réévaluée. Notons par ailleurs qu’une étude réalisée sur des mannequins a démontré que les interventions, y compris le placement du patient sur le sol ou l’utilisation d’une planche dorsale, ont un impact minime sur l’obtention d’une plus grande profondeur de compression. C’est donc un mythe. Certes, pour une compression plus efficace mieux vaut effectuer un massage cardiaque sur un plan dur … mais à la seule condition que cela ne retarde pas le début de la réanimation cardiopulmonaire (RCP) et que cela ne complique pas l’ergonomie : « Chaque minute compte. Dans un arrêt cardiaque, ce qui détermine le recovery (pronostic), c’est le temps de no flow (temps sans compression thoracique). Plus celui-ci est faible, plus le pronostic est bon », indique Michael Mimouni, infirmier anesthésiste, SCM anesthésie parc, Ramsay Santé-clinique La Croix du Sud (31) et président de l’Atssi.
Pour rappel, une RCP de qualité doit être réalisée de la manière suivante : 
-    mains positionnées au milieu de la poitrine ;
-    bras tendus
-    épaules au-dessus du thorax 
-    coudes verrouillés
-    compressions thoraciques d’environ 5-6 cm
-    relâchement complet entre chaque compression
-    rythme de 100-120 compressions/min.

“La veine de l’anesthésiste, un choix pour perfuser.” Vrai ou faux ?

FAUX

La veine céphalique est à éviter voire carrément à exclure dans la mesure du possible lorsque l’on n’arrive pas à perfuser un patient mais aussi pour une prise de sang. 
Des “case reports” relatent en effet des paresthésies, une perte de sensibilité, des douleurs neurologiques… pendant plusieurs mois. Et ce, pas seulement en cas de loupé. En effet, les extravasations de médicaments peuvent également irriter le nerf radial, et cela est d’ailleurs assez fréquent.

“Il y a davantage d’accouchements et d’entrées aux urgences les soirs de pleine lune.” Vrai ou faux ?

FAUX

S’il existe bien une spécificité des entrées liées aux admissions aux urgences les soirs de pleine lune, la majorité des accouchements ont en revanche lieu autour… de 4h du matin, jours de pleine lune ou non, et il n’y en a pas davantage! «Attention donc aux biais de confirmation, de disponibilité, au raisonnement motivé et surtout à l’effet de persistance des croyances» met ainsi en garde Louis Piprot, IDE de réanimation à Paris et autre membre fondateur de l’Atssi.

Biais de confirmation et de cognition 
Le biais de confirmation consiste à ne retenir uniquement les éléments qui confirment notre hypothèse sans en chercher d’autres contradictoires. Le biais de disponibilité consiste quant à lui à se souvenir plus facilement d’un évènement marquant ou récent. (source : https://urgomedical.fr/pansez-sans-douleur-prise-en-charge-de-la-douleu…)

En conclusion 

Finalement, l’analyse de la validité de ces cinq pratiques de soin montre combien il importe de «réfléchir au pourquoi on fait les choses» dixit Michael Mimouni, à ne pas tout prendre pour argent comptant, à justifier ce que l’on affirme, à raisonner en résultats de recherche, c’est-à-dire en utilisant, de façon explicite et judicieuse, l’information issue de recherches scientifiques et basées sur des théories (démarche d’Evidence Based Nursing – EBN). Bref, ils invitent les infirmiers à faire preuve d’assertivité. 

La formation continue, une obligation pour les IDE

Pour rappel, à l’instar de l’ensemble des professionnels de santé français*, les infirmiers tous secteurs confondus (hospitaliers, autres salariés et libéraux), sont soumis depuis 2013 à l’obligation triennale de développement professionnel continu (DPC). Un dispositif dont les deux principaux objectifs sont d’une part l’évaluation et l’amélioration des pratiques professionnelles, d’autre part le maintien et l’actualisation des connaissances et des compétences.
Chaque professionnel de santé doit ainsi, par période de trois ans, suivre un parcours de DPC combinant de la formation et/ou de l’évaluation de pratiques professionnelles et/ou de la gestion des risques. Un minimum de deux actions de deux types différents est requis pour remplir son obligation de DPC, et au moins une action doit s’inscrire dans le cadre des orientations nationales prioritaires de DPC (celles de 2023-2025 sont prorogées en 2026).
À noter que depuis le 1er janvier 2023, le DPC est partie prenante de la certification périodique des infirmiers, définie par l’ordonnance n°2021-961 du 19 juillet 2021.
Sources : https://www.agencedpc.fr ; Ordre national des infirmiers
*À l’exception de ceux exerçant dans les collectivités d’outre-mer (Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna) et celles à statut particulier (terres australes et antarctiques françaises et Nouvelle Calédonie).

Rendez-vous le 11 octobre au Congrès de l’Atssi
“Promouvoir la profession infirmière en valorisant ses compétences et ses connaissances”, telle est la mission principale de l’Atssi. Et rien de mieux qu’un congrès pour le partage de connaissances et l’échange de pratiques. L’Atssi donne donc rendez-vous aux soignants intéressés par sa démarche au Centre de formation des professions paramédicales de Colmar (68) le samedi 11 octobre 2025 à l’occasion de son 4e congrès annuel. «Le programme sera diversifié avec des sujets pédiatrie, cardiologie, oxygénothérapie, facteurs humains en santé, réseaux sociaux, compétences infirmières…» précise Michael Mimouni, son président. Et avec toujours «quelques mythes et légendes en soins infirmiers en fil rouge décalé!».
Pour en savoir plus : @a.t.s.s.i. ; association.atssi@gmail.com ; https://www.helloasso.com/associations/association-pour-la-transmission-des-savoirs-en-sciences-infirmieres/evenements/congres-atssi-2025

 *informations recueillies auprès de l’Association pour la transmission des savoirs en sciences infirmières (Atssi) lors du Salon Infirmier 2025


Source : infirmiers.com