DOULEUR

Face à l'addiction aux opioïdes, 20 recommandations pour mieux prendre en charge la douleur

Publié le 08/09/2025

Un rapport présenté à la Commission des affaires sociales du Sénat dresse l'état des lieux des usages et mésusages des opioïdes en France et alerte sur leurs dangers. Il formule 20 recommandations, dont le renforcement du réseau des structures douleur chronique et la coordination des soins pour améliorer la prise en charge de la douleur. 

Médicament antalgique Tramadol ®

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Il y a d’abord le contexte : des délais de rendez-vous dans les structures spécialisées douleur chronique (SDC) qui s’allongent alors que la douleur demeure la première cause de consultation en médecine générale et dans les services d’urgences, le manque d’information des patients, et la crise des opioïdes aux États-Unis. Depuis 25 ans, 800 000 décès par surdoses de ces traitements ont été recensés, dont 120 000 rien qu’en 2022. « Ainsi, en 2014, 99 % des médecins américains prescrivaient des opioïdes au-delà des durées recommandées. Des centaines de milliers d’Américains ont donc développé une dépendance aux opioïdes », écrivent ainsi les sénatrices Patricia Demas (Les Républicains, Alpes-Maritimes), Anne-Sophie Romagny (Union centriste, Marne) et Anne Souyris (Groupe écologiste-solidarité et territoires, Paris) en introduction de leur rapport sur les dangers que représentent les opioïdes, soumis à la Commission des affaires sociales.

Le danger d'une augmentation des prescriptions et du mésusage en France

Et puis, il y a les chiffres. Si un scénario à l’américaine demeure très improbable en France, le pays connait toutefois « depuis plusieurs années, une évolution notable de la consommation d’opioïdes, et des mésusages et surdoses associés ». En 2024, près de 12 millions de Français se sont vu prescrire des antalgiques opioïdes : tramadol, codéine, entre autres, à hauteur de 20%, oxycodone et morphine à hauteur de 2%, mais dont la part jusque-là modeste « progresse rapidement », notent les rapporteuses du texte. « Les ventes d’opioïdes forts, présentant des risques accrus, ont ainsi progressé de 59 % depuis 2010. » Parallèlement, le mésusage de ces médicaments s’accentue : doublement des signalements pour le tramadol depuis 2017, avec des usagers qui développent un comportement de dépendance. 47% des patients à qui l’on en a prescrit ont ainsi indiqué éprouver des difficultés à arrêter leur traitement. « Enfin, le nombre de décès liés à l’usage d’opioïdes prescrits, hors usagers à risques, s’est accru de 20 % entre 2018 et 2022. »

En face, les professionnels de santé sont encore trop peu formés aux dangers des opioïdes : « Face à la volonté légitime de soulager la douleur, l’usage d’opioïdes est en quelque sorte devenu un réflexe, tant pour les patients qui les réclament que pour les professionnels qui les prescrivent. » Les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS), publiées en 2022, sont encore trop peu suivies lors des prescriptions. Plus de 80% des prescriptions de codéine concernent ainsi des indications pour lesquelles le recours aux opioïdes n’est pas recommandé en première intention (douleurs dentaires, lombalgies, céphalées…). S’y ajoute un fonctionnement en silo des professions de santé et un manque de coordination qui entraînent des prolongations non justifiées des traitements.

Former les professionnels et informer les patients

Ces constats posés, les trois sénatrices formulent un certain nombre de recommandations pour améliorer la prise en charge de la douleur, via la mise en œuvre d’un quatrième plan national de lutte qui puisse sécuriser les financements des SDC et assurer une meilleure coordination entre les professionnels de santé, parmi lesquelles :

  • Améliorer la formation des professionnels de santé en matière de prise en charge de la douleur et des conduites addictives. « S’agissant de la formation initiale, ni l’algologie ni l’addictologie ne sont reconnues comme des spécialités médicales constituées en diplômes d’études spécialisées (DES) », soulignent les sénatrices, qui notent que ces carences dans la formation sont partagées par les médecins, pharmaciens et infirmiers. Elles préconisent d’inscrire « un module renforcé sur la prise en charge de la douleur et des addictions » dans les études de ces professionnels.
  • Sensibiliser et informer les professionnels soignants par une campagne permettant le dialogue, l’information et l’orientation des patients sur l’usage et les risques des opioïdes.
  • Renforcer l’éducation thérapeutique des patients par la mise à disposition dans les pharmacies, les cabinets médicaux et les services de médecine d’urgence.
  • Augmenter le nombre de structures spécialisées de prise en charge des douleurs chroniques (consultations douleur et centres d’évaluation et de traitement de la douleur) pour améliorer la couverture territoriale des besoins.
  • Intégrer une stratégie de déprescription progressive dans le parcours de soins et favoriser le recours à des alternatives non médicamenteuses ou à des médicaments non opioïdes pour le traitement de la douleur.
  • Développer la coopération entre les conseils des ordres professionnels (Cnom, Cnop) et la Haute Autorité de santé pour favoriser la diffusion des référentiels de bonnes pratiques et des outils d’aide à la prescription et à la dispensation des opioïdes.

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La Rédaction d'Infirmiers.com

Source : infirmiers.com