BUDGET

François Bayrou réclame 5 milliards d'euros d'économie à la santé

Publié le 16/07/2025

La santé devra contribuer à hauteur de 5 milliards d'euros au budget d'austérité annoncé par François Bayrou. Affection longue durée, frein aux arrêts de travail, doublement de la franchise sur les médicaments..., les mesures évoquées risquent pourtant de creuser les inégalités et de fragiliser un peu plus les plus vulnérables.

François Bayrou, annonces budgétaires du 15 juillet

Crédit photo : Stefano Lorusso/ZUMA/SIPA

Il fallait trouver 40 milliards d’économies. Dont une partie qui se fera sur le dos de la santé. François Bayrou, le Premier ministre, a détaillé mardi 15 juillet les pistes retenues pour réduire le déficit public, demandant un coup de frein d’environ 5 milliards pour le secteur. Ses dépenses augmenteront « l’année prochaine de 10 milliards d’euros. Ce n’est pas soutenable », a-t-il déclaré. « Je propose que nous fassions l’effort de limiter cette hausse de moitié, avec un objectif de retour à l’équilibre de la Sécurité sociale en 2029.» Mais il n’a pas énuméré les mesures précises qui permettraient d’y parvenir, se limitant à quelques exemples.

Le Premier ministre a appelé à avant tout à « responsabiliser les patients pour que le coût de la santé soit plus concret pour nos concitoyens ». Et de pointer la faible couverture vaccinale contre la grippe, « la multiplication déraisonnable » des consultations et des examens pour confirmer un diagnostic, ou encore la consommation trop élevée d’antibiotiques. « La santé n'est pas un marché où la consommation se fait sans frein et sans limites », a-t-il fustigé, réclamant par ailleurs une mise au point définitive et un usage systématique par les professionnels de santé de Mon Espace santé, qui permet de stocker l’ensemble des documents (ordonnances, examens, bilans sanguins…) relatifs à la santé du patient.

Une révision du statut des patients en ALD

Autre piste d’économie, particulièrement inflammable : le doublement à 100 euros de la franchise annuelle sur les remboursements de médicaments. « Chaque fois que nous achetons une boîte de médicaments, nous en payons une partie », soit 1 euro par boîte, a souligné le Premier ministre, avec un plafond fixé « à 50 euros par an. Nous pousserons ce plafond à 100 euros. » Avec des conséquences qui peuvent être lourdes pour les patients atteints de maladies chroniques. Et qui risquent, pour certains, d’être encore plus fragilisés par une révision du statut des affections longue durée (ALD), dont bénéficient notamment patients atteints de cancer ou diabétiques. Le Premier ministre a indiqué vouloir mettre fin au remboursement à 100% des médicaments jugés sans lien avec la maladie chronique traitée, et « pousser à sortir du statut » les patients pour lequel il ne se justifierait plus.. « 20% des Français sont en affection de longue durée contre 5% de la population allemande. [...]. Et je ne crois pas que les Français soient en plus mauvaise santé que les Allemands », a-t-il avancé. « La notion du “c'est gratuit” et “j’y ai le droit” est mortifère », a rebondit de son côté Catherine Vautrin, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, qui avait déjà évoqué la possibilité pour les personnes déclarées guéries ou en rémission perdent leur statut d’ALD – quitte à le récupérer si leur pathologie revenait. 

« Un Français sur cinq vit avec une affection de longue durée (ALD). Jusqu’ici, cette reconnaissance ouvrait la porte à une prise en charge intégrale et à une chance de vivre sans regarder chaque ordonnance avec angoisse. En un discours, le Premier ministre François Bayrou vient de fissurer ce rempart social », a immédiatement réagi le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) dans un communiqué. Le statut d’ALD permet en effet aux patients de bénéficier d’une exonération du ticket modérateur, pris en charge par l’Assurance maladie, ce qui limite le poids des frais médicaux dans leur quotidien. « Tout ce qui relève du soin de soutien, de la prévention des complications, de la qualité de vie (antalgiques, séances de kinésithérapie, dispositifs médicaux, bilans réguliers...) pourrait être exclu du périmètre de remboursement à 100 % », s’inquiète le syndicat.

Les arrêts de travail dans le collimateur

Dans les mesures d’économie,  la médecine du travail est également visée, François Bayrou ayant évoqué « une dérive » des arrêts maladie à laquelle il fallait mettre fin. « Les contrôles qui ont été exécutés sur les arrêts maladie de plus de 18 mois ont montré que pour 50% d'entre eux, ces arrêts de travail n'étaient plus justifiés », a-t-il avancé, émettant l’idée qu’un salarié puisse reprendre le travail après plus de 30 jours d’arrêt sans passer par le médecin du travail. Avec également un recours aux médecins généralistes ou spécialistes, plutôt qu’à un médecin du travail, dans les cas autres que maladies professionnelles et accidents du travail. « Comme nous manquons cruellement de médecins du travail, comme d'autres spécialités, des dizaines de milliers de personnes qui souhaiteraient reprendre le travail en sont empêchées (...), c'est absurde », a-t-il justifié.

Une année blanche pour les prestations sociales

Enfin, plus largement, le Premier ministre a annoncé une année blanche partielle, se traduisant par le gel des prestations sociales, dont les pensions de retraites et au risque de fragiliser un peu plus les populations vulnérables, ainsi qu’un encadrement plus strict de la masse salariale : 3 000 emplois seront supprimés. Et suppression également de deux jours fériés pour l’ensemble des travailleurs, fonctionnaires comme salariés du privé, à savoir le lundi de Pâques et le 8 mai. Ces deux journées ne seront pas converties en journée de solidarité visant à financer l'autonomie, mais répondent à la volonté du gouvernement de faire travailler plus pour renforcer la production. « Pour les soignants, cela signifie moins de repos, moins de reconnaissance, plus de fatigue. Et toujours cette même logique : faire reposer l’effort collectif sur ceux qui sont déjà à genoux », s’insurge en réaction le SNPI, qui rappelle que la suppression de ces deux jours entraînera de fait une perte de majorations ou de récupérations et une hausse de la charge de travail sans aucune revalorisation. « Cette mesure toucherait des centaines de milliers de professionnels de santé déjà confrontés au sous-effectif, à l’épuisement et à la perte de sens. Une perte sèche de revenu d’environ 150 euros pour ceux qui les travaillent, et une dégradation de l’équilibre vie professionnelle / vie personnelle pour tous. Les mêmes à qui on a promis reconnaissance et attractivité. »

La Rédaction d'Infirmiers.com

Source : infirmiers.com