SOCIÉTÉ

Les recommandations de la HAS pour la prise en charge des transitions de genre

Publié le 21/07/2025

C'est une première : la Haute Autorité de santé (HAS) délivre des recommandations sur la prise en charge médicale de la transition de genre de l'adulte, une prise en charge globale, pluriprofessionnelle et coordonnée par le médecin généraliste.

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Transition de genre : comment réagir en tant que professionnel de la santé ? Ce 18 juillet, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié les premières recommandations sur la prise en charge médicale de la transition de genre de l'adulte. «Le terme de personnes trans (du latin « qui va au-delà » de son état initial) correspond aux personnes vivant ou s’identifiant dans un genre différent de celui associé au sexe constaté à leur naissance. En tant que terme parapluie qui s’est imposé historiquement en France et qui continue d’évoluer, le terme trans s’appuie sur l’autodétermination des personnes», rappelle la HAS dans son préambule.

Le document définit les contours de la prise en charge, à travers :

  • la conduite à tenir devant une demande de transition ;
  • la prescription d'hormones ;
  • la prise en charge en chirurgie ;
  • l'accompagnement psychologique ;
  • les autres soins ;
  • la fluidité des parcours de transition tels que la détransition, la re-transition, etc.

"Accueillir la personne sans jugement" 

La HAS recommande d'abord de personnaliser la prise en charge et d'adapter l'accompagnement psychosocial tout au long du parcours. «En fonction de la situation personnelle de la personne trans qui s'engage dans une démarche de transition médicale et de l'état d'avancement de sa réflexion, ses besoins varient», précise-t-elle. L'enjeu est de favoriser l'autonomie de la personne pour l'aider à identifier et formuler des choix éclairés, dans le respect du principe d'autodétermination. «Il est essentiel d'accueillir la personne sans jugement ou idée préconçue quant à son identité de genre et ses besoins, en utilisant notamment le prénom et le pronom demandés», explicite la HAS. Par ailleurs, l'identité de genre ne doit pas faire l'objet d'une évaluation psychiatrique spécifique.

Prévalence des troubles psychiatriques 

La population trans connait «un sur-risque de violences et de précarisation» mis en évidence dans de nombreuses études, souligne encore la HAS dans son document. «Parmi les nombreuses difficultés rencontrées par les personnes trans, il est à noter les effets de la transphobie (réelle, anticipée ou supposée par les personnes concernées) : le rejet familial, les agressions dans l’espace public, les difficultés professionnelles, les difficultés d’accès à un logement, etc. La prévalence des troubles psychiatriques chez les personnes trans est particulièrement élevée, avec un surrisque en comparaison à la population générale, notamment sur le plan de la dépression, de l’anxiété et des idées ou passages à l’acte suicidaire. Des discriminations majeures dans l’accès aux soins (refus d’accès aux soins, délais d’accès aux soins très longs, prise en charge financière des traitements, etc.) sont également repérées dans des études. Dans sa dernière décision cadre de juin 2025, le Défenseur des droits souligne que les difficultés et obstacles rencontrés dans l’accès aux soins fragilisent la santé mentale et physique des personnes transgenres, conduisent à un éloignement des soins et peuvent mener à un accroissement du risque suicidaire.

Accueil de la demande

Il est recommandé d’individualiser l’accompagnement de la personne, en fonction de ses besoins tout au long de son parcours afin de créer un environnement favorable au bon déroulement de la consultation, observe la HAS. Il est recommandé d’accueillir la personne sans jugement ou idée préconçue quant à son identité de genre et ses besoins en matière d’accompagnement. Il est recommandé de proposer un environnement d’accueil bienveillant et adapté aux personnes trans, notamment, l’utilisation du prénom et pronom demandés (dans toutes les communications) pour éviter toute stigmatisation. Cela passe par une formation de tous les professionnels aux bonnes pratiques d’accueil des personnes trans. L’enjeu est de favoriser la capacité d’écoute et la compréhension de la personne trans et de ses proches avec son accord notamment grâce à l’aménagement d’un espace préservé pour la rencontre et l’adoption de modes et supports de communication adaptés.

Prise en charge globale et pluriprofessionnelle 

Face à la diversité des situations, il convient aussi de mener une prise en charge «globale et pluriprofessionnelle», mise en œuvre par une équipe de soin. Par conséquent, les recommandations sont destinées à un large panel de professionnels, qu'il s'agisse d'infirmiers, de médecins généralistes, endocrinologues, psychiatres, psychologues, médecins de la fertilité et de la reproduction, gynécologues-obstétriciens, urologues, chirurgiens plasticiens, médecins du travail ou encore travailleurs sociaux. La HAS recommande que le médecin généraliste puisse accueillir «toute demande de soins» et ainsi coordonner la prise en charge tout au long du parcours. Il peut assurer le suivi d'une prescription et, s'il est formé, la primo-prescription de traitements hormonaux d'affirmation de genre. Les recommandations insistent sur l'importance de l'entretien initial avec le médecin généraliste ou un professionnel d'une structure de premier recours.

Par ailleurs, la HAS propose «d’évaluer le soutien social et familial de la personne, et d’entreprendre des actions pour promouvoir et renforcer ce soutien». Ces actions peuvent comprendre l’orientation vers des associations pour renforcer le soutien communautaire. «Il est recommandé de proposer un espace spécifique pour les proches (parents, partenaire, enfants, etc.), afin de leur offrir des informations adaptées et un soutien émotionnel».

Risques et surveillance 

Points de surveillance d’une personne trans sous hormones féminisantes :

  • Risque cardio-vasculaire

Chez les personnes trans de plus de 37 ans, ou lorsqu’il existe des facteurs de risque thromboembolique (indice de masse corporelle (IMC), tabac, facteurs familiaux), l’utilisation de 17 bêta-estradiol par voie transcutanée en première intention est recommandée du fait d’une potentielle diminution du surrisque thromboembolique. (grade C)

  • Risque hépatique

En dehors de l’utilisation d’un traitement hépatotoxique potentiel comme le bicalutamide, ou d’antécédent hépatique, il n’est pas recommandé de surveiller le bilan hépatique des personnes trans asymptomatiques sous oestrogènes par voie orale ou transdermique.

  • Risque carcinologique

Il n’est pas recommandé de réaliser de surveillance spécifique carcinologique chez les personnes trans. (AE) Les personnes trans devront avoir un dépistage concernant les cancers de leurs organes (sein, prostate et testicule).

  • Risque endocrinologique

Un dosage de prolactine est recommandé chez les personnes trans sous hormones féminisantes en cas d’apparition de céphalées, de galactorrhée, ou de troubles visuels (AE).

  • Autres effets 

La surveillance de la fonction rénale se fera au cas par cas en respectant les recommandations de bonne pratique des traitements éventuellement prescrits. (AE)

L’usage de 17 bêta-estradiol à dose efficace ayant un effet neutre sur l’ostéodensitométrie, il n’est pas recommandé de réaliser de surveillance osseuse spécifique chez les personnes trans. (AE) Une attention particulière doit être portée aux personnes en sous dosage en estradiol.

Surveillance d’une personne trans sous hormones masculinisantes

  • Surveillance cardio-vasculaire

La surveillance cardiologique des personnes trans sous testostérone est la même que celle des hommes. (AE)

La surveillance de l’hématocrite des personnes trans sous testostérone devrait être réalisée à 3 mois de tout changement de dose. Si la valeur est inférieure à 54 %, et en l’absence de changement de dose ou de facteur de risque, il est recommandé de le surveiller annuellement par la suite (AE).

  • Risque hépatique

Chez les personnes trans sous testostérone et asymptomatiques, il n’est pas recommandé de réaliser une surveillance des enzymes hépatiques du seul fait du traitement hormonal. (AE)

  • Risque carcinologique

La surveillance du cancer du sein des personnes trans avec ou sans mastectomie respectera les recommandations (HAS 2014) concernant les femmes. (AE)

La surveillance des cancers pelviens des personnes trans respectera les recommandations concernant les femmes. (AE).

  • Fertilité

La testostérone ne doit pas être considérée comme une contraception. (AE) Une contraception non hormonale ou progestative peut être proposée conformément aux règles de prescription habituelle. (AE)

Dans les premières années de traitement par la testostérone, un prélèvement de gamètes peut être proposé. (AE)

  • Autres effets

Il est recommandé de surveiller la fonction rénale des personnes trans comme en population générale. (AE)

En dehors de microdosage ou d’arrêt du traitement hormonal masculinisant après gonadectomie, il n’est pas recommandé de réaliser de surveillance osseuse spécifique chez les personnes trans. (AE)

Renforcer la formation initiale

Quant à la prise en charge chirurgicale, la HAS recommande de répondre aux demandes. Elle souligne la nécessité de délivrer «une information préopératoire claire, loyale et adaptée» sur les modalités chirurgicales, ainsi que les risques à court ou moyen terme et le caractère irréversible de certains actes pour lesquels un délai de réflexion est prévu. La HAS attire aussi l'attention des pouvoirs publics sur la nécessité de renforcer la formation initiale et continue des professionnels, de structurer l'offre de soins et de mettre en place une organisation territoriale adaptée aux besoins d'accompagnement et de prise en charge médicale et chirurgicale des personnes trans.

Enfin, elle complète les recommandations par deux documents : une synthèse à l'attention spécifique des médecins généralistes et une fiche décrivant la mise en œuvre du parcours de soins.

La Rédaction d'Infirmiers.com

Source : infirmiers.com