La santé mentale a été décrétée Grande Cause nationale 2025. Celle des jeunes apparaît particulièrement préoccupante alors que le Covid est passé par là et que l'actualité internationale charrie chaque jour son lot d'informations angoissantes. Dans ce contexte, que disent justement les premiers concernés de leur propre état psychologique ?
L’enquête rendue publique mardi 2 septembre et menée conjointement par l’Institut Montaigne, la Mutualité française et l’Institut Terram* (un groupe de réflexion centré sur les territoires) entend apporter quelques réponses à partir de la parole des jeunes eux-mêmes : 5 633 jeunes de 15 à 29 ans ont ainsi été interrogés sur 23 questions via un questionnaire en ligne entre le 14 et le 30 avril.
Si près des deux tiers (64 %) des jeunes jugent leur santé mentale « assez bonne » (42 %) ou « très bonne » (22 %), la fréquence et la nature des symptômes qu’ils évoquent nuancent pourtant fortement le tableau général : plus de 8 sur 10 affirment par exemple avoir ressenti une fatigue persistante ou un manque d’énergie au cours des deux semaines précédant l’enquête ; près des trois quarts, des troubles du sommeil ; plus de 6 sur 10, un sentiment de tristesse, de déprime… « Penser qu’il vaudrait mieux mourir ou envisager de se faire du mal » est évoqué par 31 % des répondants.
25 % des 15-29 seraient atteints de dépression
Mais ce n'est pas tout : selon cette autoévaluation, 25 % des 15-29 seraient atteints de dépression, avec de fortes disparités selon les régions. Les ratios oscillent ainsi de 19 % en Bourgogne-Franche-Comté, à 28 % en Provence-Alpes-Côte d’Azur comme en Corse, un point de plus qu’en Ile-de-France (27 %). Les statistiques s’envolent en outre-mer, de 37 % à la Guadeloupe à 52 % en Guyane. Et même si ces chiffres reflètent un ressenti et non un diagnostic médical, ils interpellent : la dépression atteindrait un « pic » autour de 22-25 ans, et toucherait davantage de jeunes femmes (27 %) que de jeunes hommes (22 %). Enfin, le sondage met en avant une surreprésentation des jeunes en difficultés économiques et sociales parmi ceux qui vont mal. « La santé mentale ne peut être pensée sans une attention très fine portée aux inégalités sociales et spatiales d’exposition et d’accompagnement », lit-on dans le document. On note également, toujours selon les réponses des personnes concernées que les jeunes urbains semblent plus exposés à la dépression et à la solitude que les jeunes ruraux - contrairement aux idées reçues.
Fatigue, repli, perte d’intérêt : les problèmes psychologiques et les troubles psychiques s’accumulent chez les jeunes qui font face à une véritable crise silencieuse. Certaines situations de mal-être présentent une très forte prévalence parmi les jeunes mais le chiffre le plus inquiétant demeure sans doute celui-ci : près d’1 jeune sur 3 (31%) affirme avoir déjà eu des pensées suicidaires ou envisager de se faire du mal.
1 jeune sur 4 souffre de dépression (25 %) : un mal-être psychique généralisé
· Le stress scolaire et professionnel est massif : 87 % des jeunes stressés par leurs études, 75 % par leur travail. Ce stress pèse lourdement sur leur santé mentale : alors que ce stress pèse lourdement sur la santé mentale des étudiants et des actifs, l’instabilité de l’emploi accentue le mal-être notamment chez les indépendants, les chômeurs et les salariés à temps partiel.
· Le harcèlement, facteur de mal-être aggravant : alors que 26% des jeunes interrogés ont déjà été victimes de cyberharcèlement et 31% victimes de harcèlement scolaire, leur santé mentale en pâtit tout particulièrement, générant de nombreuses situations de dépression.
Les écrans occupent une place prépondérante dans cette étude avec un constat : plus l’usage des réseaux sociaux est prolongé, plus le bien-être déclaré se détériore. Or, 44 % des jeunes interrogés déclarent y passer entre une heure et trois heures par jour et 30 % entre 3 heures et 5 heures.
Les jeunes consultent peu
Malgré ces résultats inquiétants, constat est fait que les jeunes consultent paradoxalement peu les professionnels de la santé, notamment à cause de nombreux freins au recours à l’aide professionnelle : peur de la stigmatisation, méconnaissance des ressources disponibles, peine à identifier les interlocuteurs, obstacles matériels ou logistiques. Ainsi, seuls 38 % des jeunes ont déjà évoqué leur santé mentale avec un professionnel, et 21 % l’ont fait à plusieurs reprises. Ce chiffre chute à 19 % chez les 15-17 ans. Dans les départements d'outre-mer, où les indicateurs de souffrances psychiques sont les plus préoccupants, le recours aux soins est encore plus limité: 30 % seulement des jeunes ont consulté un professionnel.
L’enquête met aussi en lumière «les limites des réponses publiques» en matière de santé mentale : dispositifs fragmentés, peu lisibles, difficilement accessibles. Le gouvernement a dévoilé au mois de juin un plan pour mieux repérer et soigner les troubles psychiques, ainsi que pour rendre plus attractive la psychiatrie publique, sans convaincre nombre de soignants qui ont regretté des mesures insuffisantes et un flou sur les moyens financiers.
*La Mutualité Française, l’Institut Montaigne et l’Institut Terram se sont associés pour dévoiler mardi 2 septembre une enquête inédite intitulée “Santé mentale des jeunes de l’Hexagone aux Outre-mer. Cartographie des inégalités”, menée au printemps 2025 auprès de 5 633 jeunes âgés de 15 à 29 ans représentatifs de la population française, y compris dans les Outre-Mer.
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